La rotation des cultures en toponymie.
Durant l’Ancien Régime, dans toutes les régions d’Europe occidentale et septentrionale, l’assolement ou la rotation des cultures était triennal. Ce sont des méthodes de production modernes, intensives, favorisées par l’essor des engrais, qui ont mis fin à cet usage séculaire.
Dans les textes anciens, l’on rencontre ici ou là des termes se rapportant à cette tradition de culture. C’est le cas de « sahon » signifiant tantôt « semailles », « époque des semailles » ou « sole » (étendue cultivée). Cette dernière explication rejoint le terme de « rôye », qui, dans la langue actuelle et dans les textes, conserve le sens moins évolué de « sillon ». Dans le cas de ces cultures, la rotation triennale était donc de règle. « Les terres arables d’un fermier, ou même de tout un village, étaient divisées en trois cantons on « sâhons », chacun d’un seul tenant. Chaque « saison » donnait successivement une récolte de céréales d’hivers (« deûrs grains » -N.D.L.R.: froment et épeautre), une récolte de céréales de printemps; pendant la troisième année, la « saison » au repos restait en jachère »1.
Quand il s’agit d’essarts, la pratique est toute différente. Un essart est un taillis dont on cultive le sol après chaque coupe, après avoir essarté le terrain. Ainsi, l’essartage ou l’essartement est le mode de culture qui consiste, après la coupe d’un taillis, à incinérer les herbes et menus bois, et à semer de l’avoine ou du seigle. Cette pratique a notamment été usitée à Rotheux-Rimière à la fin du siècle des lumières.
Les « Archives Communales d’Esneux »2 précisent ce qui suit; « Une pièce de trixhe au lieu dit chemin de Bansgnée… laquelle pièce ne se cultive qu’au bout de dix huit ans ou dix neuf, après quel temps on la sartage pour y semer du regon (avoine ?) ou seigle; puis, après ce devair, on la retourne avec charrue pour y semer une avoinne, et quand cela est, on paye la disme ancienne au chapitre cathédrale de Saint-Lambert à Liège comme ci‑devant à l’onzième gerbe ».
Alain-Gérard KRUPA.
1 voir: RENARD, Edgard, Glanures toponymiques, 5e série, in Bulletin de la Commission Royale de Toponymie et de Dialectique,t.XIV,1946,pp.411-420
2 « Archives Communales d’Esneux 1770; Tabelle VI,fo 597″, in Renard, Ibidem p414,note 2.