1907. Patrimoine, hors commune, des deux édifices religieux de l’ancienne commune de Plainevaux.

Daniel Van Alken

Même aux époques les plus lointaines, l’homme a éprouvé le besoin de faire des « cadeaux » à ses divinités ou à ses dieux. Les raisons sont multiples mais souvent cela donne bonne conscience à celui qui pose le geste. Quand l’offrande est publique on acquiert en plus pour soi et sa famille une sorte de reconnaissance tacite de la société !
Plainevaux n’échappe pas à cette (sacrée) règle.
Dès l’instauration réelle de l’église du village (1535), des dons, des legs (pour les plus pauvres, des services) se sont accumulés et ont contribué au développement de la communauté.
Il y avait des legs, des dons et des cessions de propriétés faits soit nominativement au profit d’un curé soit au nom de la communauté religieuse présente et à venir !
Bien vite, les biens de la communauté religieuse vont être gérés intégralement par la « Fabrique d’église ».
Sous le régime français, le monopole de la Fabrique d’église se termine ;
les comptes et les dépenses doivent être soumis au contrôle de la commune et du département. Les relations entre la Commune et la Fabrique ne seront pas toujours d’un calme plat !
Selon certaines « mauvaises langues » de l’époque la Fabrique aurait dépassé, à plusieurs reprises, ses prérogatives en favorisant l’installation de religieuses dans le village de Plainevaux. Ces deux religieuses, présentées comme institutrices mais… n’ayant aucun diplôme  provenaient du couvent de Champion (Namur). Ces sœurs de la Providence et de l’Immaculée Conception, téléguidées, par le chanoine Jacques, vont dès la fin de l’année 1856 ouvrir une école des filles et perturber l’enseignement communal (instituteur diplômé de l’Etat à l’époque : Jean Louis Duchesne, le premier de la dynastie… !)
Cet épisode fait partie de l’histoire folle et rocambolesque qui a vu la création de deux et la demande d’une troisième école dans le village de Plainevaux. Guerre (ruse et guéguerre, sans concession) qui a divisé catholiques et laïcs pour l’enseignement. Cela va être le combat de deux fameux bourgmestres, Roland Joseph Lafontaine (démission le 14/01/1859 à l’âge de 89 ans) et de son fils Nicolas Joseph Lafontaine
Ce chapitre de l’histoire a coûté un argent fou à l’Eglise, à la baronne de Waha et à l’administration communale au moment le plus mal choisi ! (Je reviendrai certainement un jour sur ce point en y apportant les preuves nécessaires.) Mais je risque encore, en 2009, de heurter certains esprits !
En 2009, l’église de Plainevaux et la chapelle de Strivay possèdent encore une seule terre « hors commune », à Visé ! C’est ce qui reste des terres se trouvant à Mouland et à Visé (terres léguées par Charles Louis Barthélemy Damry en 1869 et ensuite d’autres terres laissées par sa sœur Melle Eugénie Damry), des bois sur les communes de Sprimont et d’Aywaille (Fond de Kin) et de certaines terres près de Stavelot. Ces biens étaient gérés par la Fabrique d’église de Plainevaux comme le sont encore actuellement les biens dans la commune. Le produit des locations de chasse et de culture servait directement et indirectement au bon fonctionnement des deux édifices religieux en couvrant les frais du culte.
Venons-en à des faits plus proches de nous !
Voici une copie de lettre1 prouvant que certains objets provenant de Strivay et de Plainevaux sont en dépôt dans un musée de Liège.

Pour votre facilité, en voici le contenu :

Je soussigné, LEMEUNIER A, conservateur du Musée d’Art Religieux et d’Art Mosan de Liège (ancien Musée Diocésain), sis actuellement 6, rue Bonne Fortune (Cloître de la cathédrale) à Liège2 reconnaît avoir reçu en dépôt au bénéfice du dit Musée,
De la chapelle de Strivay, les objets suivants :
un tableau, portrait d’une chanoinesse, accompagné d’armoiries et de l’effigie de Sainte Catherine. (Huile sur bois)3
De l’église de Plainevaux :
un tableau représentant Sainte Barbe au chevet d’un malade (XVIIIe S) (Huile sur toile)
un calice armorié (XVIIIe S)
un tableau (huile sur toile) représentant une Mater Dolorosa (XVIIIe S)

Fait à Plainevaux, le 20/6/1978
Signé : A. LEMEUNIER

Pour débuter, parlons du tableau qui se trouvait dans la chapelle de Strivay.

Monsieur Delcommune cite à ce propos dans son ouvrage « Paroisse de Plainevaux, essai historique » de 1933 à la page 99 :

« Le tableau mural qui représente une religieuse en prière avec l’inscription IN DOMINO CONFIDO (Je me confie dans le seigneur) est un don de M. Debois et de sa famille, qui de son vivant l’a repeint à différentes reprises ; la dernière restauration de ce tableau date de 1930 et a été exécutée par Monsieur Gadisseur, peintre décorateur à Esneux.

La face arrière de ce tableau porte comme inscription ;
Donné à la chapelle de Strivay par Edmond De Bois et sa famille à Martin le 1 avril 1867. »
Suit une prière en latin.


C’est donc bien le tableau de la chanoinesse avec armoiries reçu par Monsieur le conservateur Lemeunier !
Je dois préciser que ce tableau sur bois, à l’apparence, ne porte aucune signature.
En affinant ma recherche, je peux certifier que c’est le portrait de Catherine de Goor (1501-1579), abbesse de Herkenrode de 1561 à 1579. Elle est représentée avec sa patronne sainte Catherine d’Alexandrie. Les armoiries sont : Goor, Oyen, Withem et Collardt.

Parlons maintenant des tableaux qui étaient dans l’église de Plainevaux :
Rappel : l’incendie date du 5 mai 1969.

Suivons le même itinéraire et voyons si nous en trouvons trace chez Delcommune.
Page 35, nous pouvons lire « Le dessus du tabernacle porte une croix en bois avec Christ d’une bonne expression. Derrière la croix du tabernacle, encadrée par les colonnes, se trouve une peinture représentant le martyre de Sainte Barbe, patronne de l’église, par son père Dioscore»
Relisons le reçu du conservateur du musée…
« Un tableau (huile sur toile) représentant Sainte Barbe au chevet d’un malade… »
On ne parle pas du même tableau ou alors il y a confusion sur le sujet !
Heureusement, nous allons par le plus grand des hasards avoir des précisions de première main. En effet, le tableau reçu par le conservateur va faire l’objet d’une étude et recevoir une restauration !
En 2004, ce tableau appartient au musée d’Art Religieux et d’Art Mosan de la ville de Liège, situé rue Mère Dieu
Durant cette année, il est confié à la section « Restauration d’objets d’art » de l’institut des Beaux-Arts Saint Luc de Liège (Boulevard de la Constitution, 41). C’est une étudiante de 3e année qui est responsable du travail à effectuer sur cette œuvre. Il s’agit de Solange Marquet qui à cette époque habitait Verviers.

Voici le résultat de son analyse :
Cette peinture à l’huile sur toile du XVIIIème siècle représente l’intercession de Sainte Barbe. L’œuvre se présente dans un cadre doré, les dimensions actuelles sont : avec cadre de 99,5cm X 80,7cm X 2cm et sans cadre de 86,7cm X 67cm X 2cm. La cote est A 163-78

Comme données particulières, on peut noter une étiquette blanche collée sur le chant supérieur du cadre, avec l’inscription : « Plainevaux (presbytère) 1978 »
Selon les inscriptions figurant au revers de la toile de rentoilage (l’œuvre ayant déjà été restaurée vraisemblablement deux fois consécutives au cours de son existence), le tableau a été offert par un certain… Edmond De Bois à Plainevaux en 1866 ! Il faut noter que ces inscriptions ne se trouvent pas au revers de la toile originale.

Le texte est peint en rouge :
« Donné à l’honneur- De Sainte Barbe à Plainevaux- Par Edmond De Bois-
Le 25 novembre 1866- Heid de Martin »

L’œuvre représente une scène dite de la bonne mort. C’est peut-être un ex-voto.

Le tableau n’est ni signé ni daté !

Une seule chose est certaine, le généreux donateur est le même ! En 18664, il a donc offert un tableau de Ste Barbe à l’église de Plainevaux. (Logique). En 1867, il a offert le tableau (avec la chanoinesse) à la chapelle de Strivay.
Dans la famille De Bois cela devait être une habitude car peu après la construction de la chapelle (1830-1831), un certain Edouard De Bois serait le parrain d’une cloche nommée Anna (la marraine étant Sophie Foccroule, épouse Dayeneux)
Pour le deuxième tableau reçu de l’église de Plainevaux (Mater Dolorosa, huile sur toile), je n’ai pas de documentation mais on devrait en retrouver trace au musée !
Bizarrement, une fois de plus, Modeste Delcommune ne parle pas dans son inventaire de ce tableau ni du calice !
Pour le calice, je n’ai pas de photo mais quelques précisions. Cest une œuvre de Nicolas Bayet. Sur le pied, il y a des armoiries, poinçons de Liège : Hoensbroeck, 1784, I, striche et N.B. couronné, 1792. La hauteur est de 24cm et la matière est l’argent.
Si tous mes renseignements sont exacts, ce serait à l’initiative de Mr le curé Lequeu que ces objets seraient entrés au musée afin de les protéger des vols (plusieurs à Strivay) et des incendies.

Suggestion :
Pour les tableaux, on pourrait peut-être envisager d’en faire des bonnes copies (photos sur toile) et de les replacer où ils étaient !

1 Cette lettre se trouve dans les dossiers de la Fabrique d’église de Plainevaux.
Je remercie Monsieur Albert Werner qui m’a permis de scanner ce document.
2 Le MARAM (Musée d’Art Religieux et d’Art Mosan) est actuellement transféré dans les locaux du « nouveau Curtius ».
3 Ce tableau a fait l’objet d’une restauration par les soins du MARAM, Nous avons eu l’occasion d’examiner ce tableau lors d’une visite du musée organisée par Mémoire de Neupré. Voir Les Cahiers de Jadis n°45.
4 En 1866, une importante épidémie de choléra fait rage, il y a des milliers de morts dans la région liégeoise…