0790. Les aires de charbonniers

Dans nos forêts hypothéquées par l’homme depuis le début du moyen âge1, iln’est pas aisé d’appréhender les évolutions successives du milieu.

R. HERRIN et H. GROSJEAN

Bien sûr, quand le sol s’y prête, sont possibles les analyses de terrains, pollens, débris divers.

Et l’on dispose aussi des traces laissées par les activités du passé.

Par exemple, les voies de communications forestières ou d’exploitation qui, au long d’une utilisation séculaire, se sont creusées par endroit, profondément (érosion entretenue par l’usage). Plus le chemin fut utilisé, aménagé, plus profonde est la tranchée. A tel point que certains passages furent abandonnés pour être installés à coté de l’ancien. Ce qui laisse des sillons parallèles souvent délaissés au profit de voies modernes mieux appropriées.

On remarque également les cercles noirâtres apparaissant dans certains champs après le labour. Ils sont les vestiges immuables des anciennes aires de charbonniers (charbon de bois ou « cockis« ), ultimes messages, par-delà les siècles, des sylves disparues.

En forêt même, ces antiques aires de charbonniers dont les plus récentes sont aisément discernables2 – indiquent par leur densité ce que furent luxuriance et/ou pauvreté des peuplements d’autrefois3 .

Le site des « Trois Seigneuries » (3 Ris » ou, « Al Tram ») fut longtemps carrefour de transit pour les produits lourds de la forêt : bois et sous-produits, litières, minéraux.

Les fonds de vallée des ruisseaux de la Neuville et du Chèrâ (desservant une superficie importante) permettaient grâce à leur pente raisonnable, l’évacuation vers les agglomérations.

Entre autre chose, le confluent des deux ruisseaux connut le charroi du charbon de bois.

Le plan montre ce que fut le travail des charbonniers dans le vallon du Chèrâ, entre « La Tram » et le gué de l’Allée de l’Ermitage. Ce relevé des aires de charbonniers (emplacements des fours) permet de se faire une idée comparative pour les deux versants concernés, des richesses forestières d’antan. Il fait comprendre également de quelle manière abusive les forêts furent sollicitées depuis le moyen âge.

Pour satisfaire au développement de la métallurgie, les besoins en charbon de bois crurent énormément et ce, jusqu’au 19me siècle.

A ce moment, cette industrie forestière périclita avec l’invention du coke. Cela diminua d’autant lesdégradations des milieux sylvestres (dont beaucoup étaient parvenus au stade de la lande).

D’origines diverses, des textes citent :
1551 « … coquea, coquey, charbon de strivau ou strivay … le chaisne au cokea… »
1799 « …Un règlement limite « aux vieux aires ou fosses » les places propres à charbonner ».
Information démontrant que les « aires » servaient plusieurs fois.
1836 « A cette époque, il y avait encore un Belgique bon nombre de fourneaux au charbon de bois. (On relève) 23 hauts-fourneaux au coke et 66 au charbon de bois ».
Payement aux charbonniers :
1757 « … 31 août … payé a Henry Stas pour avoir arrolé 26 cordes de bois pour faire du Charbon … »
1759 « … 1 mars … payé a Martin olivier pour avoir menné une benne de Charbon des bois a Liège … »
1761 « … 30 juin … payé a Henri Stas pour avoir arolé 23 cordes de bois pour faire du Charbon … »
1772 « …11 octobre … payé a Jean istas pour 35 1/2 cordes de bois qu il a arolé en voiture avec sa berôêtte pour faire du charbon… »
« …7 novembre … payé a pierre vieujean charbonier pour avoir faudé 10 bennes charbons … »
1773 « …6 avril … payé a mathieu istas pour 30 cordes de bois qu il a fait pour faire du charbons … »
1776 « … 26 octobre … payé a pierre vieujean pour Sept bennes de charbons qu il a fait : a deux frans par benne … »
« … 30 novembre… payé a martin olivier pour avoir voituré Les charbons en dix voitures a un frans…”
1777 « … 15 mars a… payé a jean istas pour avoir fait 46 cordes de bois a faire du charbon… »
« …12 juillet… Restitué a noel delle cousinette pour passage d eau (bac) de deux bennes de charbons pour Liège et barières (péages) …
(s) Le receveur du chàteau de la Neuville.

(*) Benne = grand panier

1 Nous n’évoquons ici que le dernier millénaire, puisque la chute de l’Empire romain avait entraîné leredéploiement de la forêt.

2 A la construction du four initial, la terre de recouvrement était prélevée dans un fossé creusé à proximité. Souvent ces creux sont le seul indice de la présence proche d’une aire (quand celle-ci, trop érodée, est peu visible).

3 Avec cette réserve qu’en principe futaies et bois d’œuvre auraient du échapper aux charbonniers. Ceux-ci ne pouvaient utiliser que la « charbonnette » (taillis).