0237. LES ARBRES DE NOTRE COMMUNE (VII)

Les arbres de notre commune (VII).

Le « Chêne-Madame ».

« Le chêne a mille ans. Chacune de ses branches est un autre arbre enté sur le tronc rigide. A la fin du printemps, l’ensemble harmonieusement dilaté, gonflant sa masse touffue et tendant la chair de ses racines, s’élargit sans obstacles, gigantesque bouquet de la tour où veille, repose ou chante le génie enfermé sous l’écorce. »

Abel LURKIN, Vie du « Chêne-Madame ».

Dans la série d’articles consacrés aux arbres de notre commune en général, et aux chênes en particulier, il convient de réserver une place importante au « roi » des arbres de notre commune (on serait tenté de dire « reine ») en l’occurrence le « Chêne-Madame » puisque la célébrité de cet arbre a largement débordé les limites de notre commune, voire de notre province.

Une vue du « Chêne-Madame »
peu avant son abattage.

Malheureusement, cet arbre magnifique a disparu. En effet, et nous le lirons plus loin, il a été abattu en octobre 1951. Il mesurait alors 7.65 mètres de circonférence à 1.50 mètre du sol! Cet ancêtre multi-centenaire se trouvait près de l’ancien relais de chasse, actuellement à proximité du restaurant du même nom.

L’origine du terme « Chêne-Madame » est assez mal connue. Ainsi, de source non officielle, le nom aurait été donné en hommage à la Baronne de Tornaco qui l’aurait planté. Selon la légende, à l’origine, une grande réception fut organisée à l’issue d’un mariage, dans une famille noble de la région. Deux allées furent plantées de chênes, l’une pour Monsieur, l’autre pour Madame. Au fil des années, seul un chêne de l’allée Madame subsista, d’où cette appellation bien connue.

Par ailleurs, selon une autre légende, une version nous apprend que le baron de Tornaco fixait des rendez-vous galants aux jeunes dames en leur murmurant: « Rendez-vous au chêne, Madame!«  Par esprit romantique et beauté de l’histoire, nous serions tentés de cautionner et de croire cette dernière hypothèse…

Quoi qu’il en soit, ce chêne vénérable et vénéré a traversé les âges avec une majesté incomparable. Jugeons-en à ces quelques caractéristiques notifiées lors de son abattage. Il fallait cinq hommes bout à bout pour pouvoir embrasser le tronc; celui-ci mesurait 8 mètres de hauteur jusqu’au branches et avait un cubage de

16 mètres-cube; cet arbre débité aurait pu couvrir une superficie d’environ un hectare! Bref, on comprend aisément l’émotion qu’avait suscité à l’époque sa disparition.

Le premier coup de hache est donné.
De gauche à droite, les frères GONY, Alphonse DAPER, Baptiste MORRIS.

Ainsi, on pouvait lire dans « La Meuse » du 20 octobre 1951: « Le chêne-madame n’est plus. Il vient de tomber sous la hache des bûcherons. Depuis près de huit cents ans qu’il dominait fièrement les frondaisons voisines. Il était la gloire de la magnifique forêt domaniale de Tornaco, à la Neuville-en-Condroz. C’était un spécimen unique, le plus beau peut‑être, certainement le plus volumineux des chênes du pays.

Un fût énorme, net, sans bavure, aussi droit qu’une colonne de cathédrale, mesurant 5m35 de circonférence et 8m50 de hauteur jusqu’à la naissance des premières branches, supportait majestueusement un dôme feuillu de plus de 40 mètres de diamètre.

Il avait été classé par la Commission des Monuments et des Sites … Las! … Depuis quelques temps, le chêne « Madame » dépérissait. L’une après l’autre, ses branches maîtresses se figeaient dans la rigidité de la mort. A maintes reprises, tous les principaux augures des Eaux et Forêts s’étaient rassemblés à son pied, en consultation. Leur dernier diagnostic n’avait pas été rassurant: le chêne n’en avait plus que pour deux ans à peine. Les bûcherons viennent donc de sauver l’essentiel.

Les élèves des écoles de la Neuville, mais aussi les anciens amis de l’arbre, gardes et bûcherons, sont venus assister à la mort du géant qui s’est abattu d’une pièce, dans le crépuscule naissant, laissant à sa place, un grand trou dans le ciel. Dernier et mélancolique hommage rendu à nos ancêtres, témoin des âges passés et qui fut familier à tant de générations ».

Alain-Gérard KRUPA.

De gauche à droite, Jeanne LAROCK, Marie LAROCK, Monique DELECOUR,Renée BERTRAND, Augustin DELECOUR.