1696. Le château de Neuville-en-Condroz.

Ferdinand M Dessente – 4 avril2007

Nous n’avons trouvé aucune trace de la physionomie que devait avoir le premier établissement rural fortifié édifié à l’emplacement du château actuel. L’origine de cet établissement doit remonter au début du XIIIe s. avec l’arrivée du premier seigneur de la Neuville.

En effet, Pierre Lambert de Saumery, dans son ouvrage TOME TROISIEME – Première partie – LES DELICES DU PAIS DE LIEGE, pages 177-178 (parues dans Les cahiers de Jadis N°38, pages 1465 à 1467), écrit: « L’ancienneté de ce Château ne peut être révoquée en doute, puisque dès le quatorzième siècle il était possédé par la Famille de Dammartin Warfusée. Renier, fils de Thomas, Seigneur de Hermalle, fut le premier de cette Famille qui porta le titre de Seigneur de la Neufville. »

Renier est signalé au XIIIe s; son fils Jean est mentionné dans un jugement le condamnant, rendu le 1er mai 1278 (Cfr. Cahiers de Jadis N°25, p.922 et ss.).

de Saumery, dans sa description, signale aussi concernant le château: « Une spacieuse Basse-Cour, terminée par un Pont-levis, qui traverse un Fossé d’eau vive, dont le château est environné, en forme la première entrée. On passe de là dans une Cour intérieure, fermée par des superbes Bâtiments, & qui fait avec eux un quarré très vaste. Ses angles sont munis de quatre demi Tours saillantes, construites de façon à contribuer également & à l’embélissement & à la force de ce Château. »

C’est nous qui avons souligné l’existence de ces quatre demi tours saillantes alors qu’il n’en demeure que trois aujourd’hui. L’existence d’une quatrième tour est de toute évidence nécessaire pour protéger l’ensemble à l’ouest. Par contre la tour indiquée par Remacle le Loup dans l’angle est de la cour intérieure, ne peut être confondue avec cette quatrième tour d’angle à l’ouest.

C’est la découverte par Madame Agnès Dumoulin, au château de Vervoz, propriété des de Tornaco, d’un grand tableau représentant le château de la Neuville, qui a émoustillé ma curiosité. En effet, on y aperçoit, comme sur la gravure de Remacle le Loup, une tour dans l’angle est de la cour intérieure avec sa toiture très particulière en forme de bulbe. De plus, Monsieur David a attiré mon attention sur le fait que la galerie voûtée a été la dernière ajoute faite au château. J’ai alors décidé d’aller mesurer les différentes parties du château et de repérer les murs porteurs principaux. On trouvera ces mesures en annexe.

Pour le moment la firme BIOREM procède au ravalement, à la restauration et à la consolidation de ce prestigieux témoin de Neuville-en-Condroz. Les résultats sont déjà remarquables. J’ai été, à cette occasion, chaleureusement accueilli dans ma tâche par Monsieur Frédéric Lakaye et Madame Maquet les 10 et 11 mars derniers.

Gravure de Remacle le Loup.

La présence dans la galerie voûtée de trois pierres armoriées – une aux armes de Dieudonné de Warnant et de son épouse Anne Florence d’Oultremont, datée de 1721, placée au-dessus d’une porte donnant accès au bâtiment principal; et les deux autres jouant le rôle de clefs de voûte, respectivement aux armes des de Lannoy et de Tomaco, successeurs aux premiers cités – permettent de dater l’ajout de la galerie aux XVIIIe s. (Cfr. page 24 de l’ouvrage de Madame Agnès Dumoulin).

Une fois le plan du château dressé, on remarquera que les deux petites pièces (C et G) qui prolongent la galerie vers la gauche, dont une de 4,50m x 4,50m, pourrait bien correspondre à la tour intérieure représentée par Remacle le Loup sur sa gravure.

Photo aérienne prise en 1960 par l’American Battle Monuments Commission en même temps que le Cimetière Américain s’étendant au sud. On y voit le toit très abîmé du bâtiment principal. Cette photo précède celle où l’on voit le château de Neuville dépouillé de ses toits, également réalisée en 1960.

Quant au château représenté sur le grand tableau de Vervoz, une analyse attentive fait apparaître plusieurs anomalies:

1) Le peintre ne maîtrise pas bien les règles de la perspective. En effet, il place le point de fuite de droite trop haut au-dessus de l’horizon. Ceci a pour résultat que les lignes de fuite des corniches du toit du bâtiment principal et du donjon montent au lieu de descendre.

2) Sur la façade du bâtiment principal faisant face à l’étang, il ne montre aux premier et deuxième étages que deux fois deux fenêtres alors qu’on devrait y trouver deux fois trois. Par contre, il en peint trois sur le retour du bâtiment, alors qu’en réalité il n’y a de la place que pour deux! On aperçoit d’ailleurs la trace d’une de ces fenêtres au deuxième étage du retour du bâtiment sur les photos ou gravure alors qu’il était encore intact.

Extrait de la peinture du XVIIe siècle
Carte postale vers 1950.

3) La tour à gauche (la tour ouest) est moins massive que dans la réalité.

4) Le toit de la tour nord est représenté très différemment de celui de la tour ouest, alors que Remacle le Loup montre les toitures de ces deux tours semblables à ce qu’elles étaient avant 1940.

5) On ne voit pas très bien comment le château se prolonge vers la droite. Une meilleure photographie du tableau permettra, on l’espère, de mieux l’analyser.

6) Par contre, on le répétera ici, la tour intérieure correspond bien à celle de Remacle le Loup avec sa toiture particulière en forme de bulbe.

Conclusion
La représentation du château de Neuville sur le tableau de Vervoz est très fantaisiste.

Revenant sur les esquisses annexées à l’état des lieux du château de Neuville établi par Monsieur Alfred Aimont, architecte-géomètre expert, à la demande de l’Administration communale de Neuville (Cfr. Les cahiers de Jadis N°40, p.1515 et ss.), nous nous permettons ci-après quelques commentaires. Monsieur Alfred Aimont n’a pas eu l’intention d’établir un plan précis du château pour réaliser son rapport. Les proportions-mêmes des différents bâtiments sont approximatifs. Il suffit de regarder la photo de la Vue aérienne du château sans ses toits (Cfr. p.11 de l’ouvrage cité plus haut de Madame Agnès Dumoulin). Ce qu’il recherchait, c’était tout simplement de localiser les différentes pièces du château, approximativement, afin de faire l’inventaire de leur état. Il suffit d’ailleurs d’essayer de superposer les « plans » des différents étages et on s’aperçoit que cela est impossible. Répétons: Monsieur Alfred Aimont n’a pas voulu dresser un plan du château cela n’était pas nécessaire pour son travail.

Parties du château sur le plan.

Au début de la construction.

1) Tour sud 2) Tour est 3) Tour nord 4) Tour ouest (disparue) 5) Bâtiment primitif: Al –A2 -A3 -A4 -A5 -A6 6) Donjon: B
7) Tour intérieure (visible sur la gravure de Remacle le Loup et sur le tableau de Vervoz appartenant à la famille de Tornaco).

Extensions ultérieures :

1) Aile gauche: D 2) Galerie avec le grand escalier d’honneur vers le 1er étage: E
3) Aile droite: F.

Annexe :
Dimensions du château de Neuville en Condroz.i
Façades extérieures.
1) Façade sud, face au jardin de jadis : 24m
-largeur du bâtiment principal (A3-4-5) : 9m
2) Façade ouest : 37,50m
-tour sud: 9,40m
-façade du bâtiment principal (A6) liant la tour sud au donjon (B) : 6m
-donjon (B) : 7,20m; largeur du passage vers la galerie: 2,80m
-façade de l’aile droite (F) : longueur: 14,90m; largeur: 6,20m
3) Façade est: 41m
-tour est: 9,40m
-façade est du bâtiment principal (A1-A2) : 9,50m
-façade de l’aile gauche (D) : longueur: 12,70m; largeur: 6,20m -tour nord: 9,40m
Les trois tours d’angle. diamètre: 9,40m
Facades intérieures.
1) Aile droite, face à l’est (f) : 16m
-partie du donjon (H) : 1,10m -bâtiment (F) : 14,90m
2) Aile gauche, face à l’ouest (D) .17m
3) Façade, face au nord (G -E) : 20,90m
-galerie voûtée (E) donnant sur la cour intérieure:
longueur: 17m; largeur: 7,75 m; hauteur: 3,10m -petites pièces (C et G) prolongeant la galerie vers la gauche: 3,90m
Petite pièce (C)ii (**) : 4,50m x 4,50m
Superficie construite : environ 940m2
Superficie de la cour intérieure : environ 355m2
Hauteur du rez de chaussée au-dessus du niveau maximum de l’eau des douves: 1,60m
-Voir ouvrage de l’auteur: « Etat des connaissances sur l’histoire de Neuville-en-Condroz, depuis les origines jusqu’au seuil du XVIIIe s. (15.8.1989).
-Voir cahier hors série de l’A.S.B.L. Mémoire de Neupré : « Histoire du Château de Neuville-en-Condroz » par Madame Agnès Dumoulin -2002.
i Avec une approximation de l’ordre de 10 cm.
ii Correspond, semble-t-il, à l’emplacement de la tour intérieure montrée sur la gravure de Remacle le Loup.