0208. LES ARBRES DE NOTRE COMMUNE (VI)

Dans le dernier article consacré aux arbres de notre commune, et plus particulièrement aux chênes, nous nous proposions d’évoquer quelques exemples de noms donnés à certains de ces arbres.

C’est le cas du « tchêne gottale », situé dans un pré entre Grandzée et Strivay. En wallon liégeois, le terme de « gota » ou « gotale » signifie « goutelle » ou « goutte« . Il apparaît fréquemment pour désigner un lieu où une eau coule goutte à goutte et forme une mare. Par ailleurs, ce nom peut aussi dériver de « gotê« ,c’est-à-dire un petit étang alimenté par une source. Ainsi, cet arbre devait se trouver à proximité d’un point d’eau.

Le « tchêne as leûs » ou « chêne aux loups » est un autre exemple d’arbre mettant en évidence une relation entre l’homme et l’arbre. Quand le déterminant est un nom d’animal, un loup ou un renard en particulier, on peut raisonnablement penser que le nom attribué à un arbre correspond au lieu de rencontre entre un homme et un animal. Cependant, il faut aussi signaler que jadis, les gardes-chasse suspendaient parfois les loups aux arbres pour éloigner les animaux malfaisants. De façon anecdotique, on peut aussi retrouver une trace de cette tradition dans la fable de Jean de La Fontaine, « Le loup, la mère et l’enfant« 1? Cet auteur nous narre ainsi:

« On assomma la pauvre bête (le loup)

Un manant lui coupa le pied droit et la tête:

Le seigneur du village à sa porte les mit.« 

Cet arbre devait se situer (ou se trouve toujours) dans une prairie à proximité du château de Plainevaux. Le toponymiste Edgard Renard2 cite « â tchinne dè leû« , le situe dans un hameau ou une dépendance de Plainevaux et reprend un extrait daté de 1547: « une maison, jardin et assize séante a chayne a laux« .

Quant au « tchêne delle vierge« , sa situation semble mieux connue. André Nélissen3 parle de la plantation à Grandzée-Plainevaux, au début des années soixante d’un chêneau, gracieux « pôrtèrin (jeune baliveau), à l’endroit même jadis ombragé par le chêne de la Vierge« 4. Ce terme renvoie directement à la détermination de caractère religieux évoqué précédemment5. Cet aspect cultuel donné souvent à un arbre de carrefour, souvent d’origine païenne, relève de l’hagiographie populaire et de pénétration chrétienne. Le chêne de la vierge et le chêne aux loups sont deux exemples d’usage qui montrent des aspects curieux de rapports entre les arbres et les croyances religieuses ou les mystères magiques et populaires. « Les arbres inclus dans un décor pieux restent si nombreux qu’ils sont tout naturellement encore à présent choisis pour constituer le cadre harmonieux d’une chapelle ou d’un site chrétien« 6.

Alain-Gérard KRUPA.

« tchêne delle vierge » à Plainevaux, Voie de Liège.

1     Cfr. Fables, Livre IV, Fables XVI, in Jean de La Fontaine, Fables, G.F. Flammarion, (Paris), 1966, pp. 129-130.

2     Voir: RENARD, Edgard, Glanures toponymiques, in B.C.R.T.D., XIII, 1939, pp.51-57.

3     NELISSEN, André, Tilleuls, arbres fétiches et autres arbres remarquables dans le Condroz liégeois, l’Ardenne liégeoise et le Pays de Herve in E.M.V.W., toma IX, 1960-62, p.37.

4     Plus précisément, il semble que cet arbre se trouve à mi-distance entre le nouveau cimetière (Grosse pierre) et Grandzée. Anciennement, la croix se trouvait plus à droite dans la campagne, vers le moulin, le long du sentier qui réunit le village de Plainevaux au hameau de Grandzée.

5     voir: KRUPA, Alain-Gérard, Les arbres de notre commune, IV, in Les cahiers de jadis, n5, 1994, p.148.

6     NELISSEN, André, Op.cit., pp. 37-38.