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Notre Dame de Hout-si-Plout” 1 de Grégoire PLUMHANS – 1893

L’auteur.

Grégoire Plumhans à l’âge de 20 ans

Né en 1854, le verviétois, Grégoire Plumhans est d’abord employé de banque, mais la politique le tente. Sommé de choisir par son employeur, il prend sa liberté et s’installe imprimeur. Un métier qu’il ne connaît pas, qu’il apprendra au prix de bien des difficultés. Secondé par son épouse, l’imprimerie lui permettra – on n’est jamais si bien servi que par soi-même – de s’auto-éditer. Il sera donc aussi écrivain, propagandiste et participera à la constitution du Parti Ouvrier Belge en 1885. Il meurt en 1898, laissant son imprimerie à sa veuve, imprimerie qui subsistera plus de 100 ans…2. Ses ouvrages, “Affaire Dodémont”, “Le Somnambule”, “Mémoires d’un Imbécile”, “Souvenir du 10 Août”…sont encore accessibles à la Bibliothèque de Verviers.

Intérêt de l’ouvrage.

La région en 1884…

L’auteur se sert d’une intrigue entre le jeune curé de Plainevaux et une esneutoise, Aurélie. Il situe l’action dans le contexte d’une mystification d’apparition de Notre-Dame au Hameau de Houte-si-Plout, dont nous laissons au lecteur le plaisir de découvrir les détails.

Au delà de l’intrigue – pour autant qu’il y ait une intrigue – l’ouvrage est intéressant dans la mesure où il pourrait suggérer l’environnement plus ou moins précis où celle-ci se déroule. Les paysages, les lieux-dits, les rues, les bâtiments et édifices évoqués…

Edité en 1893, “Notre-Dame de Houte-si-Plout” nous plonge dans l’univers local – Esneux – Hout-si-Plout – Plainevaux – dont les anecdotes, contées avec beaucoup de verve et où tout un chacun pouvait se reconnaître et s’identifier, faisaient sans nul doute les belles heures des longues veillées.

Les descriptions souvent dithyrambiques ne manquent pas d’emphase ni de romantisme, mais amènent facilement le lecteur à tenter de rechercher les lieux décrits. Exercice difficile tant les sites ont vraisemblablement été modifiés entre la fin du 19eme siècle et l’époque actuelle. Plus d’un siècle s’est écoulé. Sans compter une certaine liberté littéraire que s’est manifestement accordée l’auteur dans ses descriptions où le détail est un peu trop présent pour ne pas avoir été inventé.

Les personnages que l’auteur met en scène sont croqués à la limite de la caricature, truculente, bouffonne, sarcastique, aux “vertus” morales poussées à l’extrême, naïves même! Le clérical et l’anticlérical, le beau et le laid, le gentil et le méchant, la vie et la mort, le réel et le merveilleux…Le contraste est presque toujours excessif.

Dans cet esprit, il est intéressant de découvrir – selon l’auteur – que dans ce dernier quart du 19eme siècle, Esneux était un lieu de villégiature et de détente pour les “richards de Liège et des environs” (sic), embelli par l’Ourthe qui y développait ses méandres et par les hôtels luxueux qui faisaient penser à une station thermale…, tandis que Plainevaux est selon l’auteur ,très différent d’Esneux : “…là, tout est pauvre, ignorant, sordide, campagnard, arriéré…..les maisons sont faites de pierres de granit cassées, aux toits de chaume,…..Les trottoirs eux-mêmes sont faits de cailloux plats de rivière, assemblés verticalement, de manière qu’on marche sur les arêtes”.

Quant au hameau de Houte-si-Plout, diverses orthographes de ce “hameau perdu ignoré (sic) sont relevées dans l’ouvrage : l’auteur en cite trois : Houte-si-Plou, Houte-si-Plout et Houte-si-PlouxLa seconde est celle qu’il retiendra pour son ouvrage.

Il y est fait allusion au moulin de Houte-si-Plout, alimenté par un torrent “de pluie” où, fidèlement à la légende, il se serait dit, les soirs de temps pluvieux: “Houte-si-Plout (écoute s’il pleut)…alors le moulin tournera”. Des vestiges de ce moulin existent toujours. Quelques uns d’entre-nous, les avons d’ailleurs découverts lors d’une promenade avec Mémoire de Neupré il y a quelques années. L’auteur fait allusion à deux ou trois autres bâtiments qui auraient existé en 1864 – moment où se passe l’action du roman – et disparus en 1885.

Nous avons droit, par ailleurs, à une description de la vie d’Esneux et de ses habitants:

…Les habitants des hauteurs, descendants des races pauvres d’Esneux, ayant conservé les usages, les préjugés, la manière de vivre ancienne, sont pauvres, cléricaux fanatiques, en garde contre les innovations modernes. Ne se nourrissant pendant toute l’année que de pommes de terre, de lard et de pain, n’ayant de la viande de boucherie qu’une fois par an, suivant les coutumes paysannesques, vivant entre eux comme des gueux, ils jalousent ceux d’en bas, la plupart étrangers, citadins échoués là pour faire des affaires, hôteliers qui ont flairé une bonne situation géographique, de gros bénéfices et du farniente, qui savent cueillir les voyageurs à la descente du train, vivent bien, font parade de libéralisme. La plupart sont venus s’établir à Esneux sur le tard, aussi l’épithète d’étranger, considérée comme une injure, est-elle souvent envoyée à leur adresse.”

On croit rêver !

Le reste du roman ne nous apportera guère plus de descriptions précises sur les lieux , tout au plus, comme nous le disions plus haut, un réalisme bouffon, bien d’époque, propre à faire s’esclaffer les assidus du café du commerce d’Esneux, de Plainevaux et autres “Houte-si-Plout”.

Guy DUMOULIN

Jules III Jules I Jules II
Trois générations de Plumhans en 1955.
Photo de famille à l’occasion du 75ème anniversaire de l’Imprimerie Plumhans.

1 Notre Dame de Houte-si-Plout : Imprimerie Grégoire Plumhans –94 rue de la Montagne Verviers –1893, exemplaire cédé gracieusement à Mémoire de Neupré par la famille de l’auteur.

22 Journal “Le Devoir” Organe des Groupes de la Maison du Peuple – 12 mars 1898