0329. Le Bois de PLAINEVAUX (II).

Par Messieurs HERRIN et GROSJEAN

Aperçu historique.

Ce bois d’une cinquantaine d’Ha ne relevait pas des « Trois Seigneuries ». Mais il est limitrophe (et la continuation SS3) de la forêt qui nous occupe. Il en est une part.

Au long de cette analyse, d’autres milieux naturels de Plainevaux seront évoqués. C’est inévitable. Les documents anciens ne précisent pas toujours de quels endroits il est question.

Vue actuelle du château de PLAINEVAUX.

Normalement, ce bois a dû être depuis longtemps compris dans les droits et privilèges dont bénéficiait la communauté de Plainevaux. En effet, s’il avait été saisi à des privés lors de la période française (et non revendu), ça serait un bois de l’Etat. Or il est « bien communal ». A l’origine, peut-être fut-il parmi ces donations vers les populations rurales, que nous soupçonnons pour d’autres secteurs du massif. Ce qui évoque, une fois encore, les de Clermont.

La région, sous Charlemagne, dépendait du pagus du Condroz dit aussi « Entre Meuse et Ourthe », un des dix quartiers de l’Evêché de Liège. Plus tard, au 12ème siècle, nous retrouvons Rosière, Plainevaux, Strivay, propriété de la famille de Clermont/Duras. Un Gille de Clermont, atteint de la lèpre, part pour la Terre Sainte. Auparavant en 1187, il fait don aux futurs cisterciens du Val Saint Lambert des territoires en question. Peut-être eut-il aussi des libéralités envers les populations locales ? On dit que le château primitif de Plainevaux aurait été érigé par ces moines, installés alors dans le Val Saint Lambert débouchant dans la Meuse liégeoise.

En 1316, le monastère vend Plainevaux à Jacques de Tongres qui en fait hommage à Jean III de Brabant. Jusqu’à cette époque, nous n’avons pu retrouver de mentions spécifiques concernant les bois. Après divers épisodes au long des siècles, le dernier seigneur de Plainevaux revend la seigneurie (toujours sous mouvance du Brabant) :

1649 « … son héritier … Jean-Albert de Neuforge vend Plainevaux à l’abbé du V.S.L. (Michel Taxilis) pour la somme de 105.000 florins … »

Situation en 1777

Le bois appartient à la communauté de Plainevaux, dans les limites fixées par le Sommaire géographique, derrière la ferme de Beauregard.

fin du 18 ème s. « ... qu’il y avoit une pièce de terre … extante au Bois de Plenevaux joindante du Levant a hubert Lé Relavisse du midi au bois frehisse … »

Ce texte se réfère à un terrain pris entre le Bois de Plainevaux, la terre d’un particulier et le Bois des Fréhisses à Boncelles.

Evolution après l’Ancien Régime

1796 « ... le 19 frimaire même année j’aij truvez le citoien Leonard Galler couppant de la raspe pour des chaufage dans le bois dit traiteon (Trente et Un) situé dan cette commune qui appartenoit si devan au monastère du V. Lambert ... »

« … le 23 frimaire 4me année j’aij truvez la citoiène Marie Anne Galler de cette commune coupant du bois de raspe …

(s) garde de forêt« 

L’an 7, on signale un détournement de produits de coupes par un garde.

1799 « ... j’ai vu l’hiver dernier avec peine que la commune a vendu généralement tous les chesnes de haute futäye croissant dans les dits bois communaux. J’ai été confus de voir des milliers de chesnes de la plus belle croissance possible, pas plus gros que des perches, vendus et coupés … »

« … Je soussigné et déclare que le 16 frimaire 7me année de la République française j’aij trouvez quatorze bette à cornes dans le taillis de la commune de plainevaux gardées par la fille Jean thodore dispas et la fille gorge thomas de cette commune qui les ont déclarez appartenire à la veuve Lambert thomas et à gorge thomas les deux de cette commune et je déclare aussi que le même jour que j’aij calanger les bettes si dessus un moment après le fiasé de la ditte veuve thomas qui et le seul membre de justice qui réside dans notre commune il a eu laudace de venire contre de moij avec un baton a la main qui mes prix par lestomacle mes mainaçant de mes frappez ainsi, mes citoien juge, je madresse à vous pour mes donner main forte ou sinon il mes impossible de faire plus auqun devoir car sans votre protection je nest peut rien …

(s) garde de forêt« 

La ferme et le château sont revendus lors de cette période au général Comte Loison puis, plus tard, cédés au Baron de Waha-Baillonville de Vivario.

1801 « 2 nivôse an 9 Le Préfet aux maires

… (les bois communaux) sont abandonnés aux dévastateurs; qu’enfin les habitants se sont permis de disposer des forêts nationales, sous le prétexte qu’elles auraient la propriété de ces forêts par les effets de la puissance féodale … voulant mettre un terme à de semblables abus ... »

1802 « 3 floreal an 10 Le Préfet

… qui vous autorise conjointement avec le Cssaire Lafontaine de poursuivre … les habitants qui se sont permis d’essarter des taillis d’un an et de dégrader … »

1803 « 10 floréal an 11

… A ces causes, il s’en réunit deux qui ont encore encouru plus puissamment que toutes les autres à la destruction des bois communaux, et, qui sont pour ainsi dire, particulières à ce Département : elles se retrouvent dans l’abus énorme qu’on pousse au dernier excès en essartant les bois et en les faisant pâturer sans règle comme sans frein par une prodigieuse quantité de bestiaux …« 

En principe, le pâturage des étrangers à l’ex-Ban de Seraing était interdit dans la Vecquée proche :

1803 « Liège le 24 Floreal an 11

… le brigadier Jacquemart désignera provisoirement les endroits dans le Bois de Trente et Un (ex bois V.S.L. nationalisé) où les vaches de Sieur Lafontaine pourront pâturer, mais il ne souffrira pas qu’il aille dans la Vecquée.

Je vous salue Le S-Inspecteur des forêts Michel Demainville« 

En février 1808, on note une demande d’autorisation pour une ouverture de mine de fer sur terrains communaux, endroits indéterminés, par Jean Gille Macot (paiement par tombereau extrait).

1811 « … la commune de Plainevaux possède une assez grande étendue de bois qui ont été absolument détruits au cours de la Révolution …« 

« … sans faire une remarque qui est très saillante pour ceux qui parcourent les campagnes. Pourquoi les pâturages sont-ils si rares ? Pourquoi les bestiaux surchargent-ils les bois ? Détruisent toutes les clotures ?« 

« ... le nombre de bêtes à laine surtout s’est multiplié d’une manière effrayante. Tout le monde veut en avoir. Pour nourrir ces animaux, on les mène partout, on détruit tout …« 

Pourtant les Eaux et Forêts s’efforcent de régulariser la situation du pâturage forestier :

1810 « 7 avril … Le Conservateur des Eaux et Forêts au maire de Plainevaux.

… je vous invite à ne pas recevoir plus de 30 bêtes en ayant soin d’admettre toujours le bétail des pauvres …« 

1811 « 6 mars … Le Conservateur des Eaux et Forêts au maire de Plainevaux.

… l’époque est arrivée où je vais faire la délivrance des tailles défensables aux Usagers pour le pâturage des bestiaux … ainsi que le parcours dans les bois communaux…« 

1812 « 10 mars … Le Conservateur des Eaux et Forêts au maire de Plainevaux.

… ainsi qu’il se pratique annuellement vous voudrez bien m’adressez de suite l’état … des habitants usagers dans les bois impériaux, communaux ou des particuliers avec le nombre et l’espèce de bestiaux au pâturage dans les taillis reconnus défensables … vous ne manquerez pas de désigner le pâtre, il convient de me faire connaitre ses noms, prénoms et son signalement complet ... »

1815 « … une pièce de terre au bois de Plenevaux … »

La première moitié du siècle, un défrichement au coeur du bois crée une vase clairière agricole (lieu-dit « Bois brûlé »).

Le dictionnaire géographique de Ph. Vander Maelen nous apprend pour l’agglomération limitrophe :

1831 « Esneux 1522 habitants … on y élève une assez grande quantité d’abeilles. Sangliers, loups, renards, fouines, chevreuils, lièvres, lapins, perdrix, bécasses, grives. L’Ourte nourrit des saumons, des brochets, des anguilles, des truites, des barbots …« 

En 1837, il existe 145 affouagers (ayant-droits sur coupes en bois communaux) avec en tête de liste le baron de Waha. Relevons à ce propos que le château est toujours entouré d’eau en 1843.


Etat actuel des deux croix (voir page suivante).

Une ancienne borne aux « NOIRES EPINES ».

En 1847, un des ruisselets du Bois de Plainevaux est dit « Au fond de Trawlai ». Le droit de chasse de 1856 rapporte Frs 200 à la commune.

Renaud Strivay mentionne dans un essai historique :

« ... dans le fond à droite (près de Xhout-Si-Plout) … se trouvent deux croix penchées l’une vers l’autre. L’une est (dédiée) … au seigneur d’Amberloup … noyé en 1677. L’autre ... »

1859 « … qu’un sieur J.J. Strivay y fut tué d’un coup de fusil par un chasseur qui l’avait pris pour un loup …« 

Cette grave méprise montre qu’une telle rencontre était encore possible à cette époque.

Des plantations de pins sylvestres sont disséminées dans terres vagues et landes en 1860, habitude qui se généralise d’ailleurs dans les endroits ruinés du massif entier.

La rotation des coupes dans les bois communaux est de 16 ans en 1883. La commune, par nécessité, aimerait les ramener à 12 ans. Les Eaux et Forêts en 1898 s’efforcent d’orienter l’affouage vers des lieux bien précis, pour en préserver d’autres. Un garde-forestier surnommé « Mille » (Emile ?) habite près de la cascade sur l’emplacement de l’ancienne demeure de « Hullos » découvreur légendaire de la houille sur la montage d’Ivoz (Bar).

Citons quelques lieux-dits de ce bois : Noires Epines (SS n1), Bois Brûlé (SS n1), Bois du Curé (SS n2), Croix Waldor (SS n2), les Fosses (SS n3).

20ème siècle

Les coupes affouagères existent encore dans les bois communaux. Elles persisteront jusqu’à la moitié du siècle. La futaie est vendue publiquement au profit de la communauté.

La nouvelle ligne de chemin de fer vicinal Ougrée-Clavier par Warzée traverse l’Ouest du bois (SS n1).

En 1913, l’enlèvement du bois mort est encore autorisé mais uniquement pour les personnes indigentes. Le « croc » est toléré pour détacher des arbres les branches sèches. Bruyères et genêts peuvent être prélevés, sous conditions.

Une carrière de sable est ouverte dans le Bois du Curé (SS n2). Abandonnée, elle servira plus tard de dépotoir communal. Celui-ci enfin transféré aux Fosses (SS n3), l’ex-carrière est replantée.

Les chômeurs ont réalisé sur le Tiège des Fawes la route vers le Heid de Plainevaux (ou de Bioleux) en 1916. Un chêne célèbre, le Chêne Body aujourd’hui disparu, se dresse entre les deux localités (voir n 1 des Cahiers de Jadis).

En 1947, cessation de l’exploitation des Chemins de fer vicinaux dont la voie dans le bois devient chemin forestier.

Seconde moitié du siècle naissent à la fois le nouveau quartier de Beauregard (dans la clairière agricole du 19ème siècle) et le dépotoir comblant les « Fosses ». Recouvert enfin de terre puis replanté, l’endroit subit toujours les outrages de pollueurs professionnels ou autres.

* * *

Pour conclure, mentionnons le parc du château de Plainevaux prolongeant la Vecquée depuis toujours et coupé en deux par une grande route.

Plusieurs de ses massifs ont été exploités récemment. Aussi évoluent-ils en taillis et gaulis. Non loin du rû de Plainevaux -né en Vecquée et sur lequel fut créé un étang étroit (un de ses mini affluents alimentait autrefois les douves du château)- ce fourré tend vers l’ouest, parallèlement à la rue des Chartreux, un chemin forestier (enserré étroitement entre champs et Centre Sportif). Il unit le parc à un des bois de Plainevaux, en l’occurence ce qui subsiste de « Trente et Un » (privé) et « Gérard Chêne » dit également « de Plainevaux » (communal).

Les « Trente et Un » bonniers.
Une ancienne borne, gravée V.S.L.

Une ancienne borne, rescapée de plusieurs autres, précise leurs limites : côté Trente et Un, elle montre évidemment V.S.L.; côté Plainevaux, C.P. Nous avons dit antérieurement pourquoi ce secteur ne sera pas étudié.

Côté Est, au-delà de la route Seraing-Plainevaux, l’autre moitié du parc comprend quelques hectares retournés à la forêt, face à la Vecquée (limite = chemin du Baron). Quelques autres hectares enclavent des prairies (limite = rue de la Croisette).

Vue actuelle des bois de PLAINEVAUX.