0095. NEUPRE SOUS L’ANCIEN REGIME.

APERCU SUCCINCT DES INSTITUTIONS POLITIQUES, ADMINISTRATIVES, JUDICIAIRES ET SOCIALES DE NEUPRE SOUS L’ANCIEN REGIME.

1ère partie.

Les trois anciennes communes faisant partie de l’entité de Neupré depuis la fusion opérée en 1976 (Rotheux‑Rimière, Plainevaux et Neuville-en-Condroz) dépendent de nos jours d’un même pouvoir régional et central.

Il n’en a pas toujours été ainsi : avant la réunion de notre pays à la République française (1er octobre 1795), ces trois communes relevaient de deux souverainetés différentes : les Pays-Bas autrichiens d’une part et la Principauté de Liège d’autre part. La frontière entre ces deux Etats sépara jusqu’en 1795 les territoires actuellement englobés dans la commune de Neupré.

En 1795, les autorités françaises ont fait table rase des anciennes structures politiques – les Pays-Bas et la Principauté – pour leur substituer de nouvelles institutions calquées sur celles qui avaient été instaurées par la Révolution de 1789 : les départements dont le « département de l’Ourthe » (préfecture : Liège) préfigura la province de Liège née en 1815 sous le régime Hollandais.

La refonte de la géographie administrative de nos régions n’a pas été la seule innovation du régime fondé en 1795 par le rattachement à la France : c’est l’ensemble des institutions d’Ancien Régime – politiques, administratives, judiciaires et sociales – qui ont disparu ou ont été profondément remaniées. Nous voudrions, au travers d’une série d’articles que nous entamons dans ce numéro des « Cahiers de jadis », rendre compte brièvement de la situation institutionnelle prévalant à Neupré avant les bouleversements révolutionnaires de 1795.

Nous commencerons par les Pays-Bas autrichiens dont dépendaient Rotheux et La Rimière, avant d’envisager dans une seconde partie la Principauté de Liège.

I. LES PAYS-BAS AUTRICHIENS.

Les Pays-Bas formaient un ensemble de provinces – duchés de Brabant, de Limbourg et de Luxembourg, comtés de Namur, de Flandre et du Hainaut – réunies au fil du temps par la dynastie des Habsbourg.

A la fin de l’Ancien Régime, la souveraineté sur les Pays-Bas appartenait à la branche autrichienne des Habsbourg qui avait succédé en 1714 aux Habsbourg d’Espagne. Rotheux et La Rimière étaient inclus dans le duché de Limbourg qui possédait outre des territoires à Verviers, Eupen, Dalhem, Aubel, Herve …, une enclave partiellement séparée du restant du duché par la Principauté. Cette enclave était constituée de 7 seigneuries dite « au-delà des bois » : Esneux (dont dépendait Rotheux), La Rimière, Tavier, Villers-aux-Tours, La Chapelle, Baugnée et Sprimont.

A l’instar de ce qui se produisit dans une partie importante de l’Europe médiévale, ces seigneuries apparurent à la suite de la dislocation de l’empire carolingien et de l’affaiblissement des dynasties royales (IXe – XIIe siècles). Les pouvoirs dits « régaliens » (droit d’exercer la justice, de lever des impôts et une armée, d’ériger des fortifications et d’émettre une monnaie), détenus jusqu’alors par des monarques, passèrent aux mains de princes laïques ou ecclésiastiques (comtes, ducs, princes-évêques, princes-abbés) qui durent à leur tour en concéder des lambeaux plus ou moins importants à des potentats locaux (chevaliers, châtelains, avoués, …), fondateurs de dynasties seigneuriales et comtales.

C’est ainsi qu’Esneux, territoire relevant du duché de Limbourg, avait été érigé en une seigneurie appartenant, au XIIe siècle, à la maison des Duras, puis à celle des Walcourt. Au XIIIe siècle, Esneux passa sous la juridiction des Clermont, étroitement mêlés à la guerre des Awans et des Waroux, avant d’être acquis, au XIVe siècle, par la famille d’Argenteau qui se prévalut du titre de comtes d’Esneux à partir du XVe siècle.

Les pouvoirs dont disposaient à des degrés divers les seigneurs ont été qualifiés de « Seigneurie banale », expression dérivée du latin « bannum », concept lié aux notions de coercition, de contrainte et de punition. Le ban s’exerce à la fois sur les individus et sur les pratiques commerciales dans les limites territoriales d’une seigneurie. A la différence des tracés administratifs contemporains, les juridictions médiévales ne possédaient pas de territoires homogènes, nettement séparés les uns des autres. Le ban de Sprimont, par exemple, exerçait sa juridiction sur des enclaves situées en territoire esneutois (Bonsgnée, La Salle et Trixhosdin). Inversément, les seigneurs d’Esneux jouissaient de certains droits banaux dans les villages situés sur des seigneuries avoisinantes.

Nous analyserons dans le prochain article les droits banaux des seigneurs d’Esneux et de la Rimière.

Marc LORNEAU .