1121. Le miracle de Notre-Dame de La Neuville: la « résurrection » d’un enfant mort-né

Ferdinand M DESSENTE

Dans le registre N°2 de la chapelle1 de Neuville-en-Condroz débutant en l’an 1707, on peut lire aux pages 46 à 49 l’étrange compte-rendu de l’événement qui se passa le 27 août 1727. Les faits relatés n’étaient pas uniques en la fin du 17ème et début du l8ème siècles. En effet, des pratiques similaires sont rapportées en ce qui concerne l’église de Moha, devant la statue de Notre-Dame du Saint Rosaire, l’église de Verviers, en présence de la statue de Notre-Dame de la Miséricorde, ainsi que la cathédrale Saint-Lambert et l’église Saint Rémy à Liège.

C’est suite aux affirmations des théologiens scolastiques du 13e siècle et notamment de saint Thomas d’Aquin (1225-1274) que l’Eglise catholique a enseigné que l’âme de l’enfant mort-né ne pouvait entrer au ciel, puisqu’on ne pouvait lui administrer le baptême. Il irait, cependant, séjourner dans un lieu édénique appelé limbes. (Le mot limbesprovient du latin limbussignifiant « frontière » ou « bordure »). Signalons que l’Eglise ne s’attarde plus sur ce sujet.

Devant cet enseignement, les parents désemparés recouraient alors à l’exposition du petit corps de l’enfant mort-né devant une statue réputée miraculeuse de Notre-Dame. Ceci en vue d’obtenir par son intercession une certaine manifestation de vie et de procéder immédiatement au baptême. C’est ce qui est relaté ci-après.

Pouvons-nous imaginer aujourd’hui que pendant cinq jours, l’enfant étant né le 22 août, on s’est trouvé avec le petit cadavre dans les bras implorant Notre-Dame, devant sa statue?

L’an mille sept cent vingt sept

du mois d’aoust le vingt septieme jour pardevant nous la cour et justice de la neufnille en condroz maÿeur en ce cas substitué valentin eschevins collignon le febvre et ledit valentin comparurent personellement margueritte vefve de feu jean malaire agée de cincquante cincq ans ou environ et jehenne vefve de feu barcel marchant agée de soisante ans ou environ toutes deux manantes de laditte neufville, les quelles estantes requises par francois depré si que marit a catherine triplet aussi mannant dudit lieu, de vouloir donner leurs déclarations par serment de ce quelle ont veû et recognu touchant la grace du bapteme obtenuë cejourdhuy vers les dix heures du matin pour leur enfant né mort le ‘ingt deuxieme du courant et exposé devant limage de la très Sainte Vierge marie honnorée dans la chapelle de laditte neufiille et estantes par nous certiorées de l’obligation de dire la pure et sincere verité et des peines reservées aQx parjures ont declarez pardevant nous separement ce que s’ensuit, sçavoir premierement la ditte vefve malaire qu’estans ce jourd’huy a l’heure susdit te accompagnée de la dit te vefve marchant veillans et prians pour obtenir de Dieu par l’intercession de la très sainte ,ierge marie, la grace du beptème pour ledit enfant ex’POsé devant laditte image., elle apperceü que ledit enfant avoit retiré sa jambe gauche ce qui fut veu aussi par saditte compagne qui luy dit, c’est un miracle, il faut verser de l’eau sur la ditte jambe et baptiser l’enfant, a quoy la ditte decla- declarante respondit attendons pour voir si nous n’aurons pas un signe plus visible, ensuit te ayans levé les yeux vers l’image de la très sainte ,ierge elle ,it son visagé changé pale et plus sombre qua l’ordinair couvert d’humidité comme s’il fusse en sueurs et desirant de reconnoitre la verité, elle essuia son doigt et ayant avec iceluy touché le front dudit visage, elle la retira tout molrillé de frecheure qu’elle montra a saditte compagne, ce qui leurs fit esperer un grace certaine de bapteme pour ledit enfant vers lequel ayans retourné ses yeux, elle vit qu’il relevoit son bras droit le long de son ventre jusqu’a sa poitrine, ou estant parvenu il pliat sa coute et posa sa main avec les doigts eslargis et allongis sur saditte poitrine, son dit bras estant auparavant allongis et pendant le long de son corps, cece que voyant elle cria miracle, miracle, et au méme instant, elle prit de l’eau benitte qu’elle avoit prete a la main et la versat sur la partie du corps dudit enfant, qui donnoit signes de vie proferant avec intintion de baptiser les mots essentiels du bapteme, le tout quoy elle at la mesme affirmé par serment en touchant les pieds du crucifix pardevant nous preté.

Secondement laditte vefve marchant nous à déclaré qu’étans aussi cejourd’huy a l’heure susditte assistant a veiller et prier pour obtenir de Dieu par l’intercession de la trés sante ,ièrge marie la grace du bapteme pour ledit enfant accompagnée de la preditte vefve malaire elle vit que ledit enfant avoit retire sa jambe gauche ce qui fut veu aussi de saditte compagne a laquelle la declarante dit c’est un miracle il faut verser de l’eau sur la ditte jambe et baptiser l’enfant. laquelle repondit qu’il falloit attendre pour voir s’il n’y auroit pas un signe plus visible et en attendant elle levat ses yeux vers l’image de la trés sainte vierge posée sur le petit autel de laditte chapelle devant lequel l~t enfant estoit exposé et vit le « isage de la ditte image couvert d’humidités, comme s Il estoit en sueurs pour preuve de quoy elle vit que saditte compagne ayans touché de

son doigt le front dudit visage elle le retirat tout mouillé, et pendant que cette presente déclarante estoit occupée a regarder du côté de laditte image, l’autre ayans retourné ses yeux vers l’enfant commençat a crier miracle, miracle, ce pendant celle c)’ retournat aussi ses yeux vers ledit enfans et vit qu il avoit relevé son bras droit qui auparavant estoit allongis le long de son corps jusqu a sa poitrine ayans plié sa coute et posé sa main sur saditte poitrine ( : sans qu’il y eusse peut intervenire aucune assistance humaine:) et la méfie elle vit sa preditte compagne verser de l’eau benite sur ledit enfant proferant le mots essentiels du bapteme, le tout quoy elle at méfie aussi affirmé par serment pardevant nous en touchant les pieds du crucifix preté, ayans lesdittes comparantes offert et promis de reiterer et affirmer leurs susdittes declarations pardevant tous autres juges que besoin serat toute quante fois elles en seront, requises lequelles ainsi faites et achevées ledit francois depré a requis le r(révére)nd sieur J : Francois Godinas « icaire de laditte neufville de vouloir entérer sondit enfant dans le cifiitier de laditte neufiille lequelle faisant attention au premis et a ce que luy méfie estant accouru au bruit dudit miracle, il vit encore une goutte d’eau ou de sueur sur le « isage du petit jesus (:comme il nous a la méfie declaré manu ad pectuS(*):) en condescendant a la requeste dudit deprez at pour la plus grande gloire de Dieu et de la trés sainte vierge Marie vers le sept heures du soir du méfie jour aprés le salut soub correction de ses superieurs enterré dans le cimitier de ladittecneufiille ledit enfans mis dans un cerequeul debois selon les desirs et veux pieux d’une grande multitude des peuples y assistants lesquelles declarations et tout ce que préscrit est nostre dit substitué mayeur mit en la garde et retenance de nous lesdits esch(evi)ns qui a ce fusmes p(rése)nts et avons la p(rése)nte soubsigné en signe de verité et pour une perpetuelle memoire de la chose fuit mist en garde

Cette La p( rése )nte copie a son originel et
Lavons trouvé conforme ce qu attestons
B:Lefebvre esch(evi)n de Laditte coure
J G Valentin esch( evi)n de La dit te Cour Jacque Collignon

(*) « manu ad pect.us »: « la main sur la poitrine ».

1 Elevée au rang d’église paroissiale le 1er avril 1810