0318. LE COIN DU TOPONYMISTE

Note sur le terme « Rognac »

Tout Neupréen connaît le « Rognac », le bois ou le quartier du même nom. Mais que recouvre cette appellation? Quelle est l’origine étymologique et toponymique de ce terme? C’est ce à quoi nous allons tenter de répondre en utilisant notamment l’excellente étude consacrée à la « Toponymie des communes de Neuville-en-Condroz et Ehein » par le regretté Jean-Pierre DELINCE.

Ainsi, le « rognac » est la partie du territoire local située au nord de l' »èclôs âs spènes« , c’est-à-dire les prairies et les bois sur un terrain en légère déclivité sis vers le « ri dèl’noûvèye« . Les plus anciennes dénominations de ce lieu remontent à la fin du XVIème siècle. Dans les Archives du Val-Saint-Lambert, on trouve « roncgnack« , puis « en lieudist en rognacque » (1617), ou encore « piece en lieu quondist rognack hauteur delle neuville iondante damont tant aux hermitages de hock qua la fontaine le grand gielle, daval au bois delle neuville » (1623).

Etang près de la maison du conservateur. (Mademoiselle DEFLANDRE)

Quelle est la signification de ce terme? Le toponymiste A. Vincent1 aborde les toponymes de ce type en Belgique et en France. De même, il indique que les terminales en « ac » ou « aque » signalent fréquemment des nuances dépréciatives. C’est le cas de « grignac » (grincheux), « pèlake » (pelé, chauve) ou même « maniaque » et « brzak » (brise-tout, en wallon liégeois). Le « ac » de Rognac s’expliquerait en ces termes.

Pour le radical « rogn-« , le français a le substantif « rogne« , c’est-à-dire signifiant « gale« , notamment au XIIIème siècle. « Roigne » signifie aussi « teigne » alors que Vincent mentionne aussi « rouch irogne » et « rone« , « escarre, croûte ou plaie ». Bref, ce radical est commun dans la toponomastique et l’on rencontre bon nombre de noms topographiques dérivés de ce même radical.

« Par ailleurs, des sens voisins de « gale » sont exprimés par d’autres termes, descriptifs et dépréciatifs: (…), la « pelée pree (1703) à Tavier, (…) « èl pèleye hé » à Rotheux-Rimière (…). La fréquence en toponymie, du radical « rogn- » et du suffixe « -ac », « aque » donnant dans les dialectes des adjectifs et des substantifs à sens dépréciatif, l’amène à traduire « Rognac » par « endroit galeux », c’est-à-dire « terrain dénudé, maigre, misérable » (N.D.L.R. : les temps ont bien changé!…). Ce sens est appuyé par divers noms de lieux exprimant une idée analogue, et dont certains contiennent le radical de teigne, maladie qui dénude et altère la peau comme la « rogne« 2.

Alain-Gérard KRUPA

1     Voir: A. VINCENT, « Rognac », toponyme de Belgique et de France, in « Mélanges Henri Grégoire », II, s;l;, (1950), pp. 627-637.

2     Jean-Pierre DELINCE, Toponymie des communes de Neuville-en-Condroz et Ehein, Mémoire de fin d’études universitaires, Faculté de Philosophie et Lettres, Université de Liège, Année académique 1969-1970, pp. 70-71.