0535. LE MUSEE D’ANSEMBOURG

Résumé de la visite du musée d’Ansembourg organisée le 26 janvier 1997 par

Marie-Hélène Mélon.

Plus qu’un musée, c’est une maison qui nous accueille. En y entrant, on ressent le contraste entre la sobriété extérieure de la façade Louis XIV-Régence et le luxe de l’intérieur. Le regard est attiré d’emblée vers le plafond en stuc du hall d’entrée représentant les saisons et des vertus inspirées par l’amour sacré : la gloire, la constance, la fortune et l’espoir. Le thème des quatre saisons, qui représente le cycle de la vie et du temps, a souvent été mis en musique, notamment par Antonio Vivaldi décédé en 1741. Cette date coïncide avec la fin des travaux de construction de l’hôtel d’Ansembourg et avec la naissance de l’un des maîtres de l’opéra-comique au XVIIIe siècle, André-Ernest-Modeste Grétry.

Une Vierge du sculpteur Jean Del Cour, placée dans le hall d’entrée, reçoit les visiteurs qui se rendent dans le salon de musique ou « salon aux tapisseries » du musée d’Ansembourg. Ce salon était la salle de réception des propriétaires de cet hôtel patricien . Les décorations du plafond en stuc évoquent les plaisirs et les divertissements pratiqués à cette époque : Apollon et les muses, la musique illustrée par les instruments dont est décorée la gorge du plafond (viole, violon, mandoline, hautbois, tambourin, musette, guitare,…). Cette salle est garnie de tapisseries d’Audenaerde ou « verdures », encore appelées tenières parce qu’elles ont souvent été réalisées d’après les cartons de David Teniers III. Ces tapisseries représentent des scènes champêtres : « le pressoir », « la fête villageoise », « le retour du marché » et « le marchand de lunettes ». La pièce possède aussi des lambris et des portes qui reflètent la qualité des ébénistes liégeois, qualité que l’on retrouve dans le mobilier et en particulier dans un bahut d’appui de «style Régence liégeois ».

La salle suivante, le « salon rouge », contient la table dite du Conseil privé du prince-évêque Jean-Théodore de Bavière : elle est signée du nom de Jean-Pierre Heuvelman et datée de 1755. Les murs de ce salon sont tendus de damas rouge, couleur noble et distinguée qui domine l’art décoratif au XVIIe siècle et au début du siècle suivant. On y trouve aussi un « buffet-tabernacle » qui doit son nom à sa forme particulière.

Le « salon vert », situé juste en face, au rez-de-chaussée, contient un « meuble de sacristie » et un bahut à double mouvement. L’un des éléments les plus remarquables de cette pièce, un cartel, est dû à Hubert Sarton, horloger de « Son Altesse » le prince-évêque François-Charles de Velbrück. Cette pendule de style Louis XV illustre le goût de l’exotisme et des « chinoiseries » popularisé par les voyages ou les missions en Chine et au Japon, ainsi que par les entreprises marchandes de la Compagnie des Indes orientales.

La salle à manger possède le seul meuble répertorié dans l’inventaire de 1788 : un vaisselier placé en face de la cheminée fabriquée en marbre de Saint-Remy (Rochefort), très apprécié à l’époque pour son dessin et ses couleurs. Le lustre liégeois en verre « à la façon de Venise » est représentatif du goût de la lumière, de l’éclat et du luxe des notables liégeois que l’on retrouve également dans l’horloge de parquet et dans les tentures en cuir de Malines « à la façon de Cordoue ». Michel Willems, premier propriétaire de l’hôtel d’Ansembourg, était originaire de la région d’Eupen, spécialisée dans la tannerie, et était lui-même marchand de cuir. La salle à manger communique avec la cuisine dont les murs sont recouverts de carreaux de Delft qui représentent notamment des animaux exotiques ou domestiques (chien, oiseaux en cages). Un buffet, plus simple, décoré au cordonnet, est installé dans la cuisine dotée d’ustensiles usuels à l’époque.

La rampe de l’escalier à double volée du hall d’entrée est l’œuvre de maîtres-serruriers liégeois dont la devise était securitas publica : de cette manière, un visiteur accède aux appartements privés de l’hôtel. Au passage, on découvre la « Partie de trictrac » de Léonard Defrance ainsi que le portrait d’un prélat très important à cette époque, Clément-Auguste de Bavière, archevêque-électeur de Cologne et frère du prince-évêque de Liège, Jean-Théodore de Bavière.

Les appartements privés de la famille Willems étaient situés à l’étage. Il s’agissait notamment de chambres à coucher dans lesquelles étaient normalement placées des garde-robes. Celles qui sont actuellement exposées dans la salle du balcon permettent d’apprécier les constances et l’évolution du mobilier liégeois. Le « bâti » (l’assemblage ou l’ossature du meuble) est identique durant tout « l’âge d’or » de ce mobilier, mais la décoration varie selon les styles à l’honneur : Louis XV pour l’une des garde-robes, Louis XVI pour l’autre. L’horloge astronomique d’Hubert Sarton, composée de six cadrans, illustre le goût pour les arts mécaniques. Le peintre Léonard Defrance, dont l’autoportrait se trouve dans la salle du balcon, a été influencé par la peinture hollandaise du XVIIe siècle et s’est attaché à restituer des scènes de la vie quotidienne. Les oeuvres de ce peintre, comme les « Buveuses de café » et les « Joueurs de cartes », sont un témoignage précieux sur l’atmosphère de Liège à la fin de l’Ancien Régime.

La salle suivante, la salle Maxime de Soer, contient une imposante armoire-commode en marqueterie provenant soit de la chambre du prince-évêque François-Charles de Velbrück, soit de l’abbaye de Stavelot.

Ce meuble remarquable démontre le savoir-faire des artisans liégeois. Nous trouvons le portrait présumé de Michel Willems et le portrait de F.-C. de Velbrück, le prince des Lumières à Liège, dans la salle Henrijean-Hennet, dénommée ainsi en souvenir du legs de cette famille spadoise à la ville de Liège. Cette ultime halte permet de faire un tour d’horizon des différents styles qui ont jalonné l’âge d’or du mobilier liégeois : un remarquable buffet de mariage de style Louis XIV-Régence ; un buffet-vitrine Louis XV ; une commode Régence ; une commode Louis XVI liégeoise et une table-bureau Louis XVI. Le plafond peint par Jean-Baptiste Coclers est particulièrement intéressant à plusieurs titres. Tout d’abord, parce qu’il y est inscrit la seule date (1741) permettant de situer avec précision la construction de l’hôtel. Ensuite, le thème choisi est révélateur de l’état d’esprit des contemporains de Michel Willems, représenté par une allégorie : la Vertu magnifiée par le Temps, inspirée d’un traité de César Ripa (L’Iconologie, 1613).  En effet, le XVIIIe siècle est une époque de plaisirs, de raffinements et de divertissements comme le suggère le salon aux tapisseries. Mais les plaisirs ne sont pas que futiles et légers, il en existe de plus durables générés par la pratique de la Vertu : l’Acte vertueux, la Vertu héroïque, l’Amour de renommée, la Vie courte ainsi que les mises en garde et autres recommandations qui permettent à l’homme vertueux et éclairé d’accéder à la postérité.