Le Cimetière Militaire Américain des Ardennes était destiné principalement à l’inhumation des soldats de la 1ère Armée des Etats-Unis tués en Belgique. Il contient également les restes de ceux qui tombèrent dans la bataille autour d’Aix-la-Chapelle lors de la percée de la ligne Siegfried, des morts de la « Bataille du Saillant » et de ceux de l’Armée de l’Air des Etats-unis tombés en Allemagne.
La superficie totale de ce cimetière est d’environ 36,5 ha faisant jadis partie du domaine du baron de Tornaco. Le Gouvernement belge, en témoignage de gratitude pour la libération de la Belgique, accorda aux Etats-Unis d’Amérique le libre usage à perpétuité de ce terrain. Les fonds pour la construction, l’entretien et l’administration de ce cimetière sont alloués par le congrès des Etats-Unis à l’American Battle Monuments Commission.
Monsieur Ferdinand DESSENTE, Custodian-Guide (Conservateur) du Cimetière U.S. et membre très actif de « Mémoire de Neupré » va éditer incessamment un recueil sur le Cimetière Américain et le Mémorial. Il nous permet de publier le début de son oeuvre , qui expliquera l’implantation du cimetière provisoire à Neuville-en-Condroz.
Il fut créé le 8 février 1945 par l’inhumation de sept corps appartenant à des soldats américains décédés, suite à leurs blessures, dans des « General hospitals », hôpitaux militaires, de la région liégeoise. Il était initialement destiné à recevoir des victimes appartenant à la première armée U.S. du Lieutenant-général Courthney H. HODGES.
Si hiérarchiquement le « Grave Registration Service » – « G.R.S. »,le Service de l’enregistrement des sépultures, dépendait directement du commandant général de l’armée auquel il était attaché, il dépendait techniquement de l' »Office of the Quartermaster General – O.Q.M.G. », le Bureau de l’Intendant-général, situé à Washington D.C.
Le document relatif à la toute première inhumation du 8 février 1945, montre que les soldats qui réceptionnaient les corps à Neuville proviennent du cimetière militaire provisoire américain d’Henri-Chapelle où ils étaient occupés les mois précédents et faisaient partie du 612e QM.GRS. Sans doute s’était-on rendu compte que ce cimetière allait devenir trop important et qu’il était devenu nécessaire d’en ouvrir un supplémentaire. Cette prévision allait être confirmée puisque le cimetière provisoire d’Henri-Chapelle allait compter finalement plus de 17.000 victimes américaines, ainsi que, juste à côté, près de 10.000 Allemands. Notre cimetière comptera à la fin de 1948 près de 11.000 corps.
Au cours de sa première année d’existence, les inhumations allaient se faire à un rythme très lent : un rapport hebdomadaire, daté du 20 février 1946, indique un total de 938 corps américains et 30 corps alliés inhumés; soit une moyenne de 3 inhumations par jour. Il signale également le personnel présent : 1 officier, 5 militaires et 22 civils. Six mois plus tard, un autre rapport hebdomadaire, daté du 14 août 1946, montre que le cimetière recèle alors 5.337 corps américains et 31 corps alliés : la moyenne journalière est passée à 29 inhumations par jour.
Ceci est la conséquence du ratissage de l’Allemagne en vue de récupérer les corps des membres des équipages des avions qui avaient été abattus lors des raids aériens sur les installations militaires et industrielles de l’Allemagne.
Le personnel a été ajusté en conséquence puisqu’on compte cette fois 1 officier, 15 militaires et 3 civils américains, 61 civils belges et 100 prisonniers de guerre allemands. Ces derniers étaient remontés quotidiennement en camions de l’Ile Monsin où avait été établi un camp de prisonniers.
Les fiches des présences et de paie montrent qu’on travaille six jours par semaine; 8½ heures par jour du lundi au vendredi et 5½ heures le samedi, soit 48heures/semaine. Les employés belges, interprètes trilingues, gagnent 3.950 FB mensuellement; tandis que les ouvriers fossoyeurs sont payés 17,70 FB/heure et le contremaître est, lui, payé 22 FB/heure.
Le cimetière fut exceptionnel à plus d’un titre : ce fut le dernier cimetière militaire temporaire américain à être ouvert en Belgique; l’avant-dernier en Europe (le cimetière de Saint-Avold, France, le suit avec sa date d’ouverture du 16 mars 1945). Il est le quatrième (code n1260, après ceux de Fosses-la-Ville, près de Namur, (code n 1220), ouvert le 8 septembre 1944, celui d’Henri-Chapelle (code n1240), ouvert le 28 septembre 1944, et celui de Foy, près de Bastogne, (code n 1225) ouvert le 4 février 1945. Sa date de création, le 8 février 1945, explique qu’il allait devenir avant tout un cimetière où seront ramenés et rassemblés des aviateurs trouvés dans les cimetières civils d’Allemagne.
Cela explique aussi pourquoi on y installa un « Central Identification Lab – C.I.L. », laboratoire d’identification central, aussi appelé « Central Identification Point – C.I.P. », lieu d’identification central.
A la fin de 1948, au moment du démarrage du programme de rapatriement des corps vers les Etats-Unis, il accueillit encore, en vue de leur identification, un grand nombre de restes mortels, non identifiés, de soldats américains qui avaient été inhumés dans d’autres cimetières militaires temporaires américains. On ne connaît pas leur nombre mais on sait qu’il en est resté 809 non rapatriés dont 113 ne purent recevoir une identité.
Le cimetière provisoire a compté 39 plots (parcelle de terre) de tombes. Ces plots étaient identifiés par une ou deux lettres de l’alphabet : d’abord de A à Z, puis de AA à MM. Les plots étaient de type standard, c’est-à-dire constitués de 12 rangées de 25 tombes. Dans chaque plot les tombes étaient numérotées, de droite à gauche!, de 1 à 300. Ainsi, à titre d’exemple les plots C – F – G – N et P en contenaient 301 chacun; les plots K et O : 302; le plot L : 303 et le plot J : 304. Par contre, le plot M, qui avait été réservé pour recueillir les corps de soldats alliés (donc non-U.S.), n’en a compté que 31. Enfin, les derniers plots créés, LL et MM, ne devaient contenir que deux douzaines de corps. Alors qu’on inhumait encore dans ces plots, on exhumait déjà dans les premiers plots.
Les tombes provisoires possédaient les dimensions standards suivantes: 6 pieds x 6 pieds x 2½ pieds (1,83m de profondeur x 1,83m de longueur x 0,76m de largeur). Entre chaque tombe était laissé un espace de circulation d’un pied de largeur (33cm).
Les tombes étaient marquées par une croix latine ou par une Etoile de David (pour les juifs) en bois peint en blanc. Sur l’avant étaient peints en noir au pochoir : le nom complet du soldat (prénom, initiale du second prénom et nom de famille); juste en-dessous son numéro matricule. Pour les inconnus il n’y avait que la lettre « X » suivie d’un tiret et d’un numéro d’ordre. Sur le revers, à la croisée de la branche transversale, on clouait une ou deux plaques d’identification, des plaques originales ou des duplicata. Pour des raisons pratiques, lors de la constitution des plots, on sautait toutes les trois rangées (rangées 3, 6 et 9) qui n’étaient remplies que lorsque la rangée 12 avait été complétée. Cela permettait de circuler avec des véhicules entre les rangées pour décharger les corps. Lorsque la dépouille mortelle n’avait pas été fouillée sur le lieu où elle avait été trouvée, on y procédait avant son inhumation provisoire dans le cimetière. Les objets personnels trouvés étaient recueillis dans petit sac en toile kaki ad hoc. Ils étaient ensuite nettoyés, désinfectés et inventoriés avant d’être envoyés aux Etats-Unis au Bureau de l’Intendant-général pour pouvoir être remis à la famille.
Une copie du « REPORT OF BURIAL », rapport d’inhumation, était inhumée avec la dépouille mortelle de tout soldat inconnu. Cette copie était enfermée hermétiquement dans une bouteille d’inhumation aussi appelée « Quartermaster bottle », bouteille de l’intendance. Il s’agissait d’un tube en verre -verre du type bouteille de vin- d’environ 2½cm de diamètre et d’une vingtaine de cm de long. Le tube se fermait à l’aide d’un capuchon en Bakélite se vissant dessus. A ce stade les corps furent inhumés, soit tout simplement dans leur uniforme, soit dans une « Slit matress cover », une housse de matelas fendue, sorte de sac en toile, soit dans une « Transfer Box ou Case », boîte ou caisse de transfert, en bois blanc, conçue pour recueillir des corps en très mauvais état…, soit un cercueil civil.
Dans la suite de son livre Monsieur DESSENTE nous éclairera:
– le cimetière devenu permanent,
– les options offertes aux Parents quant au lieu de sépulture,
– les nouvelles croix et l’ensevellissement définitif,
– l’ensemble du site (accueil, mémorial, les carrés des tombes, et l’environnemnt),
– les sentiments de respect et de reconnaissance de chacun.