Après avoir parcouru les innombrables témoins vénérables que représentent les tilleuls, les chênes et les hêtres de notre commune, et avant de clore cette liste non exhaustive, il convient de se pencher sur d’autres espèces d’arbres.
Citons d’abord ce vieux noyer situé aux Grandzées, près de Strivay. C’est l’occasion de parler un peu de la symbolique de cet arbre. Dans la tradition grecque, le noyer est lié au don de prophétie. Un culte était rendu à Artémis Caryatis, qui fut aimé de Dinyaos, douée de clairvoyance et changée en noyer, aux fruits féconds1. Cet arbre de Plainevaux a fait l’objet d’une proposition de classement en 1946.
Evoquons ce berceau de charmes, toujours à Plainevaux, dans la verdure duquel est noyé un petit calvaire. Ces arbres sont également situés à Grandzée. Soulignons la présence du charme têtard de Djingote, cet arbre caverneux, sis à l’Arbois, le long du sentier descendant au vallon du ry de Rosière.
Du coté de Neuville, il nous faut citer cette drève majestueuse de 90 peupliers du Canada près du cimetière américain.
Le calvaire de Strivay
Enfin passons en revue les quelques lieux-dits dont les noms sont issus d’emplacements d’arbres fruitiers. Dans les registres scabinaux de Plainevaux, on trouve cette mention pour l’année 1766: « un demi bonier ou environ situé à la mêlée de verdin« 2. Il s’agit en fait d’un lieu-dit où l’on rencontrait des pommiers de la variété verdin.
De même, « dominant le ravin boisé qui marque la limite des communes de Nandrin et de Rotheux, on trouve (…) le bwès d’angoh » (bois d’Angoxhe). Il s’agit ici de poiriers donnant des poires de variété « ango » ou « angoh« . A côté de ces espèces fruitières qui servent à expliquer les lieux-dits, il y en a d’autres qui peuvent se retrouver dans des dénominations de lieux. Ces vocables n’ont qu’une vie éphémère. C’est le cas quand un propriétaire donne à ses arbres le nom d’un ami ou quand il les désigne par la qualité des fruits. Repérons avec Edgard Renard deux exemples de termes qui ont vécu dans notre commune: poiriers de fizée (Plainevaux, entre 1550 et 1575); « le cortil az greffons » (Plainevaux, verger de pommiers, 1559)3.
L’inventaire est loin d’être terminé. Cette série d’articles consacrés aux arbres de notre commune n’est qu’une illustration de la variété et de la fécondité des symboliques et des significations liées aux arbres. L’arbre est éternel; il met en communication trois niveaux du cosmos: le souterrain, la surface de la terre et les hauteurs. De même, il réunit tous les éléments: l’eau circule avec sa sève, la terre s’intègre à son corps par ses racines, l’air nourrit ses feuilles et le feu jaillit de son frottement. Bref, il possède un caractère central. Le microcosme local que représente notre commune rejoint le microcosme universel par le biais de ces témoins du temps.
Alain-Gérard KRUPA
1 Voir GRIMAL,P,Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine,(Paris),1963.
2 RENARD,Edgard,Glanures toponymiques,in Bulletin de la Commission Royale de Toponymie et de Dialectologie,1935-1936.
3 Ibidem.