0426. MON ENTREE A L’ECOLE

Extrait de « Les veillées villageoises » – Renaud Strivay – 1929

J’avais cinq ans et demi… quand je franchis la barrière de l’école primaire de Boncelles.

C’était en 1880.

Je me rappelle très bien que je quittai avec des larmes le ruisseau des Piétresses et les tilleuls, déjà teintés par l’automne, sous lesquels je m’ébattais du matin au soir sans souci des heures.

J’avais un costume de laine bleu, un tablier de cotonnette et de petits sabots noirs – ornés de fleurs – achetés la veille, chez Mainville près de la fontaine banale.

Quand j’entrai dans la classe, je soulevai – ainsi qu’on me l’avait dit – mon béret d’astrakan, et, d’un pas timide, je m’avançai vers l’estrade que l’instituteur M. Paulus – arpentait d’un pas distrait… selon son habitude…

Tous les regards des écoliers se concentrèrent sur moi et j’entendis un de mes amis des meilleurs jours s’écrier… Renaud…. avec un air mutin qui, je dois le dire, affermit ma confiance…

Après les formalités coutumières, je m’assis au premier banc et me mis à observer la vie singulière de la ruche dont je ne fus jamais une abeille laborieuse, car, en mai, quand j’allai me fixer à Plainevaux, je ne savais que crayonner des bonhommes sur mon ardoise de pierre.

Des quelques mois passés dans cette école villageoise, je n’ai gardé que deux ou trois souvenirs très estompés: celui d’un char de blé passant sous de grands arbres, celui d’un lilas caressant de ses branches la fenêtre de droite; celui d’un grand diable nommé « Widart » qui amusait parfois ses condisciples par des excentricités.

A la récréation, je causais avec ma mère, qui me glissait, à travers la grille, quelques douceurs, et, obstinément debout contre la claire-voie, je contemplais la route blanche où j’aurais tant voulu courir sans entraves.

J’ai revu cette école, naguère, et je me suis mis à évoquer les quelques heures lointaines que j’y ai passées dans une atmosphère de contrainte.

Je fus heureux d’en sortir…