0543. JEUX DE JADIS

Rolande BERTRAND – dessins Renaud BERTRAND

Combat de Tèsson (blaireau)

On ne voit plus ces jolies bêtes au pelage gris, à la fine tête rayée de blanc et de noir aux membres courts, marchant à la façon des ours, sur la plante des pieds. Leurs poils servaient à la fabrication des blaireaux pour les barbiers et des pinceaux pour les peintres.

Les paysans avaient une façon particulière et bien cruelle de tirer parti de la capture du blaireau. La nouvelle se répandait dans tout le village : tel dimanche, tel café on « battra le tèsson« . Dans le jardin on dressait un champ clos à l’aide de planches. Pour assister au spectacle, on payait un droit d’entrée au profit de celui qui avait capturé le blaireau, le cafetier, lui, se contentait du bénéfice réalisé sur les boissons consommées.

Les amateurs arrivaient avec leur chien et les paris s’engageaient . . .

L’enjeu était le prix du vainqueur. Le tirage au sort réglait l’ordre des combats.

Pour être vainqueur, le chien devait tuer le blaireau. Le chien était vaincu dès qu’il criait ou qu’il essayait de s’enfuir. Le blaireau à la mâchoire puissante ne lâchait pas facilement prise sans emporter un morceau de chair et souvent, c’était lui, le vainqueur.

Combat de coqs

La plupart du temps, les concours étaient organisés le dimanche. Les amateurs allaient au rendez-vous comme s’il s’agissait d’une foire. Une contribution était réclamée à l’entrée du local (café).

Chaque propriétaire chaussait des éperons en acier sur les ergots du coq.
Les coqs étaient lâchés dans la treille et le combat commençait. Les hommes appréciaient ce jeu cruel. Leurs cris et leurs quolibets rendaient l’atmosphère encore plus pesante. Certains engageaient des paris et l’argent si péniblement gagné dans la semaine se volatilisait en quelques minutes. Laissons la parole à Marcel REMY dans les « Les ceux de chez nous » alors qu’il était un petit garçon de 7 ans.

« Et les deux coqs que leurs maîtres caressaient sur le dos sont mis dans la treille. Ils ne voient pas d’abord, ou bien ils font semblant. Mais le Flori tourne sa tête, il regarde l’autre, et il vient au milieu de la treille; toutes les plumes de son cou sont maintenant toutes droites, il a l’air d’avoir poussé sa tête dans un rond de papier qui lui collerait, il laisse pendre ses ailes comme quand il tourne près d’une poule pour la piquer. Et il tient son bec tout près de terre, pendant que le Gris, qui a vu ça, fait la même chose.

Les deux becs vont ensemble, et ils les relèvent et les rabaissent en même temps, plusieurs fois, en faisant des yeux pleins de colère. Et puis, le Flori saute en l’air et jeter ses pattes en avant en les refermant pour tâcher d’attraper le Gris avec ses sporons pointus. Mais le Gris avait deviné ça, il se rabaisse, les sporons passent au-dessus, tandis que lui, il donne un gros coup de bec dans le cou du Flori qui retombait. On voit du sang qui coule dans les belles plumes en collier. Mais le Flori ne le sent pas et voilà que tous les deux mettent encore leurs becs tout près en les levant, puis les baissant, puis tâchant de stichî dans l’oeil et la tête. On leur a d’avance coupé la crête et la barbe de viande pour qu’ils ne s’attrapent pas là, mais ils essaient tout de même et le Gris reçoit un coup, klok, sur sa tête que les osses craquent et qu’il saigne à grosses gouttes. Puis ils sautent tous les deux ensemble et leurs pattes se mêlent, on voit les sporons qui entrent dans le corps des deux et les plumes volent comme quand on raccommode les matelas. J’ai tellement bon et les hommes crient pour donner du courage aux coqs et pour parier beaucoup de cennes dessus.

Les deux pauvres coqs sautent tout le temps, ils sont tout déchirés et pleins de sang qui colle leurs plumes et tout autour c’est comme s’il y avait un peu de neige avec des taches rouges. Ils n’ont plus une figure de coq, tellement ça saigne, et des morceaux de tête qui pendent, et ils continuent à se donner, sans plus pouvoir les parer, des coups de bec comme avec un pic. Ça commence à me dégoûter à c’t’heure. Et voilà que tout d’un coup le Gris s’accroupit comme s’il voulait pondre un oeuf et il laisse tomber sa tête en fermant ses yeux déplaqués de sang.

Et le pauvre coq a rouvert son oeil du côté qu’on lui parle, il relève un p’tit peu sa tête, son corps tremble, et il se laisse aller, il ne peut plus. »

A la fin de certains matchs, le propriétaire du coq vaincu criait à la ronde : « si li cok est battou, li maisse lu ni l’est nin co« . Il provoquait l’autre propriétaire, ils se battaient puis cela dégénérait en bagarre générale. Ce fut certainement une des raisons qui motivèrent l’interdiction de ce jeu barbare.

Le début du combat: les paris s’engagent. M.Salme – Archives M.V.W.

Le début du combat: les paris s’engagent. M.Salme – Archives M.V.W.