Anecdote racontée par Marcel Rulot et recueillie par Rolande Bertrand. Dessins Renaud Bertrand.
Avant la guerre 1940, les habitants de la Rimière étaient servis par deux petites épiceries. D’un côté, les demoiselles Résimont et leur maman1 et presque en face la « vieille Marie Simon » commerçante bonne et accueillante, elle connaissait toutes ses « pratiques » par leur nom et était heureuse de les servir.
Le magasin était situé sur la route des ouvriers d’usine qui venaient à vélo de la Croix-André, de la croix claire, de Nandrin et parfois de plus loin encore. Il était ouvert dès 5 heures du matin avant le passage des 6/2 (6 à 14 heures) et ne fermait ses portes qu’après 11 h du soir, après le retour de 2/10 (14 à 22 heures).
Les journaliers trouvaient du saucisson, du fromage, du chocolat pour garnir leurs tartines. S’ils étaient en panne de carbure pour la lampe de leur vélo, ils étaient dépannés. En ce temps là, le paquet de cigarettes coûtait 1,80fr, le bock valait 75 centimes ainsi que le pèkèt, vite avalé au comptoir.
Un jour, deux clients se présentent, ils sont bien habillés, costume, col et cravate pas du tout le genre de sa clientèle.
«- Nos vôris bin in gote »
« – Dji v’va cwèri çoula ».
Marie descend dans la cave, prend un cruchon à genièvre vide et y verse du vinaigre. Elle remonte dans la boutique, pose deux « plats cous » sur le comptoir et les remplit à ras bords.
« A vosse santé ».
Aussitôt, ils boivent une bonne rasade et fond une affreuse grimace.
« Madame, vos v’s’avez trompé, c’est dè vinègue »
« Dji ,’m’a nin trompé mècheus, d’ja bin vèyou a qu’dj’aveû-st-à-fé à des cornichons et d’ja stu cwèri po l’s assåh’ner 2».
Et c’est ainsi que les accisiens qui croyaient prendre, furent pris.
1 Voir Cahiers de Jadis n°6 p.200
2 cwèri=chercher, plat cou=verre à genièvre, aveu st’à fé=avoir à faire, assåh ner=assaisonner.