Mémoires d’acolytes d’entre les deux guerres (1). Joseph Filée.
Ding, dong, ding, dong, ding, dong, …….Les cloches sonnent à toute volée pour annoncer le mariage de la fille de notre charron.
Dong,dong,dong,… Dong,dong,dong …. C’est le glas: trois coups, c’est donc pour le décès d’un homme. Ce doit être le vieux Tchophile qui est mort! Il est vrai que depuis tout un temps il n’était pas bien. Dans le cas d’une femme, on aurait entendu 2 coups répétés.
Trois fois trois coups de la grosse cloche suivis d’une volée de la petite ( la petite … qui porte allègrement ses 450 kgs), c’est l’angélus! Déjà midi! Nous avons juste le temps de dîner puis d’une courte méridienne avant de continuer une journée déjà bien entamée.
Voilà, en bref, en très bref, une journée rythmée par le son des cloches de l’église, sans parler des très rares occasions (heureusement), où le tocsin appelle tout un chacun à venir sauver les meubles, c’est le cas de le dire, d’une maison en feu ou, dans le cas extrême, qui annonce une déclaration de guerre.
Si vous le voulez bien, je vais vous conter le déroulement des événements jalonnant toute une année … liturgique, tels qu’ils se déroulaient, dans l’entre-deux-guerres, au pied de notre modeste clocher.
Comme le franciscain qui disait ne posséder ni l’érudition du jésuite ni l’élocution du dominicain mais que pour la modestie il ne craignait personne, j’ose dire que notre église est modeste mais très belle!. En effet, nous n’avons pas deux églises comme à Rotheux, ni, comme à Saint-Severin, un monument classé, ou comme à Villers-le-Temple, une bâtisse à l’ornementation baroque datant des Templiers et pas plus une grande construction relativement récente comme à Nandrin.
Non! notre église est un bâtiment aux modestes dimensions mais c’est une très vieille dame respectable de plus de 700 ans, une des plus anciennes de ce bout du Condroz. De là, le respect que nous lui portons.
Mais descendons de notre clocher ouvert à tous les vents et à toutes les températures, au soleil comme à la pluie, aux choucas comme aux pigeons, d’où nous avons une très belle vue sur le village et commençons une journée dite des « Temps ordinaires », parce qu’il y a aussi le temps de l’Avent, celui du Carême, et d’autres, mais chaque chose en son temps. De cela, je vous parlerai plus tard.
A 7h1/4, Monsieur le Curé monte au jubé pour tirer la grosse corde de la cloche qui annonce la messe, la corde fine étant utilisée pour sonner le glas.
On voit arriver Mademoiselle Berthe, la gouvernante du curé, suivie de deux ou trois paroissiennes âgées, tout de noir vêtues et emmitouflées dans leur grand châle de laine. Elles s’installent autour du gros poêle-colonne où ronfle le feu que Monsieur le Curé y allume les froides matinées d’hiver.
Peu après, c’est l’entrée un peu plus bruyante des filles et des garçons du catéchisme. Chacun se signe rapidement et plus ou moins respectueusement après avoir plongé les doigts dans l’eau toujours froide du bénitier. En principe on se passe l’eau bénite en se touchant le bout des doigts mais le plus souvent nous prenons un malin plaisir à « spiter » le suivant surtout s’il s’agit d’une fille qui ne se prive pas de pousser un cri d’orfraie espérant ainsi faire punir le taquin.
On toussote, on renifle tout en s’installant dans les premiers bancs juste derrière la rangée des chaises réservées par les dames (de) bien.
Pendant ce temps, Monsieur le Curé, a revêtu ses habits sacerdotaux qui ont tous une signification toute symbolique. Chaque geste est accompagné d’une prière dont je vous fait grâce.
Ainsi, il jette sur ses épaules l’amict, rectangle de toile avec cordons ressemblant un peu à un cache cœur, symbole du casque le protégeant du démon. Il passe l’aube blanche, signe de pureté, au plissé extraordinaire qu’il reforme à chaque fois, se ceint d’un cordon dont chaque bout retient l’étole, symbole d’immortalité, puis il passe par dessus le tout, une chasuble, emblème de la charité, appelée « violon » vu sa forme. Il glisse enfin le manipule au poignet gauche, utilisé jadis pour s’éponger le front couvert sueur car il est écrit : »Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front. » . Ces trois derniers ornements sont de la couleur du jour. Puis, coiffé de sa barrette, il fait son entrée dans le chœur précédé des deux acolytes de semaine. Il porte le calice contenant la petite cuiller et recouvert de la patène en or sur laquelle est posée l’hostie dissimulée sous la pale, carré de carton enfermé dans un fin tissu blanc orné de broderies. Par dessus le tout, un voile, lui aussi de la couleur du jour. L’ensemble est surmonté de la bourse qui contient le corporal, petite nappe à étendre sur l’autel. Je crois que tout y est!
En ce qui concerne la couleur du jour, je vous explique: aux « Temps ordinaires« , la couleur est le vert; mais si ce jour est la fête d’un saint martyr, comme Pierre crucifié la tête en bas ou Etienne, lapidé, la couleur en usage sera le rouge, comme leur sang versé. Pour un docteur de l’Eglise, comme Benoît, ou une vierge comme Notre Dame, ce sera le blanc. Par contre, pendant les périodes de pénitence telles le Carême ou les Quatre-Temps, le violet est utilisé, sans oublier le noir réservé aux enterrements. Par contre pour les jours de grandes fêtes, l’or ou le rose sont les couleurs des ornements.
Bref, Monsieur le Curé sort de la sacristie, dépose son calice sur l’autel et commence les prières au bas des marches après avoir retiré sa barrette qu’il a passée à l’acolyte de droite. Je tiens à préciser d’emblée que le rôle d’acolyte est un honneur réservé aux seuls garçons, les filles n’étant pas dignes d’une telle charge (enfin pour l’instant). Dieu, que les temps ont changé et … tant pis pour les garçons!.