Fernand M. DESSENTE
Le document présenté ici fait partie du chartrier du Val-Saint-Lambert dont il porte le n° 337. Il est conservé aux archives de l’Etat, à Liège. Ce manuscrit sur parchemin porte encore ses cinq sceaux originaux. Son écriture est belle et régulière.
C’est le plus ancien document repéré se rapportant à Neuville-en-Condroz.On peut d’ailleurs y lire à la fin de la troisième ligne comment la Neuville était orthographiée : Nueve vilhe.
Il rend compte du jugement porté à l’encontre du second seigneur de la Neuville1 et des personnes à son service, suite à une « razzia » qu’ils entreprirent contre l’abbaye du Val-Saint-Lambert. Au cours de cette expédition, ils maltraitèrent des membres du couvent, tuèrent des bœufs et emportèrent des chevaux ! Mal leur en prit de s’être attaqué à des sujets et des biens ecclésiastiques. Vous aurez le plaisir de savourer son français patoisant.
Sa traduction en français d’aujourd’hui
Nous, Walthère del Wège, fermier de Haneffe, Henri de Roloux, chevalier, Jean de Lardier, Giles Surelet, bourgeois et juges de Liège, faisons savoir à tous ceux qui verront le présent document relatant le différend existant entre l’abbé du couvent du Val-Saint-Lambert d’une part, et Jean de la Neuville d’autre part, touchant au méfait que Jean a commis à l’égard du dom Gérard de Fontaines, moine de la maison précitée et touchant aux dommages et griefs subis par la susdite maison à cette occasion et dont les parties ci-dessus nommées sont soumises à notre arbitrage. En notre jugement, la cour ici réunie déclare plus spécifiquement. Nous arrêtons ici comme sentence : Premièrement, que Jean précité et tous ceux qui lui furent obéissants, devront se rendre nu-pieds et en chemise à la procession du Val-Saint-Lambert le prochain jour de l’Ascension. Ils devront se rendre de la même manière à une procession en l’église Saint-Lambert à Liège le premier dimanche ou le second après celui qu’on aura chanté à Liège. Nous ordonnons ensuite que le susdit Jean se rendra à l’église de Rome et en rapportera de bonnes lettres et autres lettres également, émanant du pénitencier ou du pape, attestant qu’il est absout de ses excès2. Il entreprendra ce voyage d’ici la prochaine fête de Noël. Nous ordonnons aussi que Jean précité versera à l’abbé et au couvent du Val-Saint-Lambert douze marcs liégeois pour les chevaux qu’il leur a pris et pour les bœufs qu’il leur a tués, d’ici aujourd’hui et la Saint Remi prochaine. De plus, il faut que l’abbé et le couvent précités se sentent tout à fait sécurisés. Le précité ne commettra plus jamais de sévices à l’encontre d’une quelconque personne, sergent ou domestique, appartenant à la maison précitée, ni à l’encontre de leurs biens. Nous ordonnons ensuite que le domestique qui commit le méfait ira outre-mer et effectuera la traversée au cours du mois de mars prochain. Et s’il advenait que le serviteur précité n’effectuait pas ce voyage, Jean susdit remettra, à nous qui jugeons pour en faire bon usage, l’argent qu’il aurait du donner au domestique pour couvrir ce voyage. Et toutes les choses ci-dessus ordonnées, Jean précité les exécutera toutes et les accomplira exactement de la manière qu’il est ordonné ci-dessus. Et s’il vint à faillir demain, il encourra la peine qui a été établie arbitralement, scellée du sceau de l’évêque Jean3. En ce qui concerne les autres amendes réclamées en sus au susdit Jean par ceux du Val-Saint-Lambert du fait des blessures occasionnées à un frère convers et à un valet, et quant aux charrues qui furent immobilisées à cause de Jean, et pour d’autres dommages occasionnés aux blés lors des mêmes faits, nous attendons encore jusqu’à Noël prochaine pour statuer de la somme due à l’abbé du susdit couvent.
Et afin que les choses ordonnées ci-dessus soient consignées et établies, nous avons appendu nos sceaux au présent document pour attester de son authenticité.
Et … du sceau, le
(Il manque ici deux ou trois lignes de texte cachées par un pli du parchemin ; on y trouve probablement la date du 1er mai de l’an 1278)
Et il a été porté à la connaissance du susdit Jean, que s’il peut attester de dommages subis du fait de l’abbé et du couvent susdits, qu’il les prouve par voie de droit. Quant à l’abbé et au couvent ils s’en tiendront aux sentences des juges.
Le texte original
Nos Watiers del Wege / le psans de haneffe / henris de Roluex chy / johans de lardier / Giles surelez borgois & eskevin de liege faisons asavoir a tos ceax ki ces psens lettres verront ke relcotens ki astoit entre lalbeit ale covent del vaux saint Lambt dune part / & johan del Nueve vihle dautre part / si ke del mesfait ke alh johans avoit fait a dant cherar de fontaine moine de le devant dict maison & des damages & des griex ke avoient sut al okeson del besten desoz dict ala devant dicte maison & dont les pties desoz dictes sut mises soz nos / & en nre ordinance ensi ke li kore ki de chi est faite desclaire plus plainement / Si disons pmiers en nre dit ke johans dis & out alh ki albet li fu rent / en nom damende doient aler a nux piex & en dras linghes a la pcession del vaux saint Lambt le joz del asnsion ki pchainement vient / Et doient faire une pcession tot en tel manire en la lixe saint Lambt a liege le pmerain dimenge u le secunt apres ce kon chanterat a liege
Apres nos disons ke johans desoz dis irat ala glixe de rome et en raporterat bones lettres / & autres lettres ausi del penanchier u del apostele u bone & vrait conisante quilh est assoux de ceil exces & doit movoir por faire che voage entre chi le Noël ki vient pchainement / Et disons ausi ke johans desoz dis doit rendre al albeit & a covent del vaux saint Lambt Dose mrs de ligoix por les chevax quilh loz pst & loz buex quilh loz tuast entre chi & la saint Remi ki vient pchainement & dechu doient estre li albes & li convens desoz dit tot maintenant segur Et si disons disors ke johans devant dis ne doit jamais mesfaire soz nulle psone / soz nul sergant ne svant del maison devat dicte ne sor les biens / Apres nos disons ke li garchons ki fist le faict ira utre mer & moverat al passage de march ki vient pchainement Et silh avenoit chose ke li garchons desoz dit ne va sist faire ce voage johans devant dis doit metre arier nos ki disons astons largent kilh at encouent a doner a garchon desoz dit poz covrir en ceix voages ki bien soient emploiet Et tote ces choses desoz dictes doit faire acomplir johans desoz dit tot en teil manire ke dit est par desoz Et silh en defaloit de ment ilh seroit encheux en la paine ki est estie en arbitre saelet del saial leveske johan / Et est asavoir ke les autres emendes ke alh del vaux saint Lambt demandet encoz a johan desoz dit si ke de loz covers & de loz vaulet quilh naurat / et de loz cherues ki furet koies poz le defoix johan & dautres damages quilh rechurent de loz Bleis acelhui poz lokeson johan devant dit / che retenons nos encoz nre dit & en diront a la somme li albeit ale covent devant nomeix del Noël ki vient en avant Et par che ke ces choses desus dictes soient sines & stables nos i avons pendut nos saiax a ces psens lettres en tesmongnage de vite
Et ….. del saial le
(Il manque ici deux ou trois lignes de texte cachées par un pli du parchemin ; on y trouve probablement la date du 1er mai de l’an 1278)
Et est asavoir ke se johans desoz dis pooit mostrer ke damage li soient avenut al okeson del albeit & des covet desoz dis ke rendalble soient par droit / Li albes & li covens sen doivent main tenir a dits des disors.
1 Jean de Dammartin, de Warfusée, de Hermalle, dit de la Neuf-Ville, chevalier, fils de Renier de Dammartin. Son écu était « d’azur semé de fleurs de lys d’or ».
2 Il s’agit des « lettres de rémission » lors de l’absolution de cas réservés.
3 Jean de Flandres, prince-évêque de Liège à cette époque.