093. Une année au pied du clocher

Mémoires d’acolytes d’entre les deux guerres.

Le clocher de Neuville

Ding, dong, ding, dong, ding, dong, …….Les cloches sonnent à toute volée pour annoncer le mariage de la fille de notre charron.

Dong,dong,dong,… Dong,dong,dong …. C’est le glas: trois coups, c’est donc pour le deécès d’un homme. Ce doit être le vieux Tchophile qui est mort! Il est vrai que depuis tout un temps il n’était pas bien. Dans le cas d’une femme, on aurait entendu 2 coups répétés.

Trois fois trois coups de la grosse cloche suivis d’une volée de la petite ( la petite … qui porte allègrement ses 45O kgs), c’est l’angélus! Déjà midi! Nous avons juste le temps de dîner puis d’une courte méridienne avant de continuer une journée déjà bien entamée.

Voilà, en bref, en très bref, une journée rythmée par le son des cloches de l’église, sans parler des très rares occasions (heureusement), où le tocsin appelle tout un chacun à venir sauver les meubles, c’est le cas de le dire, d’une maison en feu ou, dans le cas extrême, qui annonce une déclaration de guerre.

Si vous le voulez bien, je vais vous conter le déroulement des événements jalonnant toute une année … liturgique, tels qu’ils se déroulaient, dans l’entre-deux-guerres, au pied de notre modeste clocher.

Comme le franciscain qui disait ne posséder ni l’érudition du jésuite ni l’élocution du dominicain mais que pour la modestie il ne craignait personne, j’ose dire que notre église est modeste mais très belle!. En effet, nous n’avons pas deux églises comme à Rotheux, ni, comme à Saint-Severin, un monument classé, ou comme à Villers-le-Temple, une bâtisse à l’ornementation baroque datant des Templiers et pas plus une grande construction relativement récente comme à Nandrin. Non! notre église est un bâtiment aux modestes dimensions mais c’est une très vieille dame respectable de plus de 700 ans, une des plus anciennes de ce bout du Condroz. De là, le respect que nous lui portons.

a l’intérieur du clocher. Photo Marc Liétard

Mais descendons de notre clocher ouvert à tous les vents et à toutes les températures, au soleil comme à la pluie, aux choucas comme aux pigeons, d’où nous avons une très belle vue sur le village et commençons une journée dite des « Temps ordinaires », parce qu’il y a aussi le temps de l’Avent, celui du Carême, et d’autres, mais chaque chose en son temps. De cela, je vous parlerai plus tard.

A 7h1/4, Monsieur le Curé monte au jubé pour tirer la grosse corde de la cloche qui annonce la messe, la corde fine étant utilisée pour sonner le glas.

On voit arriver Mademoiselle Berthe, la gouvernante du curé, suivie de deux ou trois paroissiennes âgées, tout de noir vêtues et emmitouflées dans leur grand châle de laine. Elles s’installent autour du gros poêle-colonne où ronfle le feu que Monsieur le Curé y allume les froides matinées d’hiver.

Peu après, c’est l’entrée un peu plus bruyante des filles et des garçons du catéchisme. Chacun se signe rapidement et plus ou moins respectueusement après avoir plongé les doigts dans l’eau toujours froide du bénitier. En principe on se passe l’eau bénite en se touchant le bout des doigts mais le plus souvent nous prenons un malin plaisir à « spiter » le suivant surtout s’il s’agit d’une fille qui ne se prive pas de pousser un cri d’orfraie espérant ainsi faire punir le taquin.

On toussote, on renifle tout en s’installant dans les premiers bancs juste derrière la rangée des chaises réservées par les dames (de) bien.

Pendant ce temps,Monsieur le Curé, a revêtu ses habits sacerdotaux qui ont tous une signification toute symbolique. Chaque geste est accompagné d’une prière dont je vous fait grâce. Ainsi, il jette sur ses épaules l’amict, rectangle de toile avec cordons ressemblant un peu à un cache-coeur, symbole du casque le protégeant du démon. Il passe l’aube blanche, signe de pureté, au plissé extraordinaire qu’il reforme à chaque fois, se ceint d’un cordon dont chaque bout retient l’étole, symbole d’immortalité, puis il passe par dessus le tout, une chasuble, emblème de la charité, appelée « violon » vu sa forme. Il glisse enfin le manipule au poignet gauche, utilisé jadis pour s’éponger le front couvert sueur car il est écrit : »Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front. » . Ces trois derniers ornements sont de la couleur du jour. Puis, coiffé de sa barette, il fait son entrée dans le choeur précédé des deux acolytes de semaine. Il porte le calice contenant la petite cuiller et recouvert de la patène en or sur laquelle est posée l’hostie dissimulée sous la pale, carré de carton enfermé dans un fin tissu blanc orné de broderies. Par dessus le tout, un voile, lui aussi de la couleur du jour. L’ensemble est surmonté de la bourse qui contient le corporal, petite nappe à étendre sur l’autel. Je crois que tout y est!

1. Amiet- 2. Aube – 3. Cordon – 4. Manipule- 5. Etole – 6.Chasuble – 7. Barette

En ce qui concerne la couleur du jour, je vous explique: aux « Temps ordinaires », la couleur est le vert; mais si ce jour est la fête d’un saint martyr, comme Pierre crucifié la tête en bas ou Etienne, lapidé, la couleur en usage sera le rouge, comme leur sang versé. Pour un docteur de l’Eglise, comme Benoît, ou une vierge comme Notre Dame, ce sera le blanc. Par contre, pendant les périodes de pénitence telles le Carême ou les Quatre-Temps, le violet est utilisé, sans oublier le noir réservé aux enterrements. Par contre pour les jours de grandes fêtes, l’or ou le rose sont les couleurs des ornements.

Bref, Monsieur le Curé sort de la sacristie, dépose son calice sur l’autel et commence les prières au bas des marches après avoir retiré sa barette qu’il a passée à l’acolyte de droite.Je tiens à préciser d’emblée que le rôle d’acolyte est un honneur réservé aux seuls garçons, les filles n’étant pas dignes d’une telle charge (enfin pour l’instant). Dieu, que les temps ont changé et … tant pis pour les garçons!.

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La messe qui se célèbre en latin bien entendu, commence par le signe de la croix et ces mots :« In nomine Patri et Filio et Spiritus Sanctis ». « Amen ». répondent les acolytes. Les versets, suivis de répons plus ou moins audibles, se succèdent avec une précision parfois très approximative. C’est ainsi que le répons à l »Orate fratres » commence bien par les mots « Suscipiat Dominus … ». mais ils sont suivis d’un bredouillement discret terminé par un très clair « …. Ecclesiae suae sanctae », clôturé sur un soupir de soulagement des acolytes. Mais je médis car certains connaissaient par coeur, à la virgule près, toutes les paroles de la messe, du début jusqu’à la fin.

Après l’office, quand les dames sont sorties, débute la demi-heure de catéchisme pour les enfants de 10 et 11 ans qui se préparent à « fé leus päques », autrement dit, leur « grande » communion, la « petite » étant la première, celle qu’ils ont faite vers 7 ans, à l’âge de raison ou de discernement.

Tout ce petit monde est rassemblé dans l’église à la bonne saison et, les jours de grands froids, dans la sacristie où Monsieur le Curé a allumé la petite colonne d’où rayonne une chaleur tout juste capable de vous empêcher de vous transformer en glaçon. Pour vous dire à quel point la température de l’église était peu élevée certains jours, voici une anecdote . Un matin de janvier 1930 et quelques, la neige était tombée toute la nuit et le vent avait formé des congères au coin de chaque pâté de maisons. Guy qui habitait Ehein à près d’un kilomètre de l’église, avait bravé ces monceaux de neige pour venir servir la messe de 7 heures 30. Aucune paroissienne n’avait osé quitter la douce chaleur de sa cuisine. Seul Monsieur le Curé était à l’église. Il avait placé sur l’autel un radiateur électrique, un soleil comme on disait, et de temps en temps, notre pasteur y présentait les doigts pour se les dégourdir. Notre acolyte aurait bien voulu lui aussi partager un peu de cette chaleur et il lorgnait l’appareil mais il en était trop éloigné. Et bien, à la fin de la messe, il n’eut même pas droit à des félicitations pour avoir affronté les rigueurs hivernales. Telle était l’éducation spartiate vécue à l’époque.

Chacun écoute les explications magistrales aux réponses contenues dans le « Cathéchisme du diocèse de Liège à l’usage des paroisses et des écoles publié par Monseigneur l’Evêque de Liége chez H.Dessain, imprimeur de l’Evêché, rue Trappé,7 » (publicité gratuite). Ce petit livret cartonné contient d’abord une série de prières: celles du matin et du soir, d’avant et après les repas, d’avant et après la confession et la communion. Suit alors un ensemble de 49 leçons traitant chacune d’un sujet particulier: « de l’homme et de sa fin, de la manière de se bien confesser, de l’invocation des saints », etc. le tout comptant 629 questions. Certaines, précédées d’une croix, sont plus spécialement réservées aux enfants du « petit » catéchisme. Et vous avez ainsi réponse à tout. Au hasard, à votre avis, « Qu’est-ce que la concupiscence? » Ah? C’est une bonne question et vous avez bien fait de me la poser. Pour la réponse, voyez la leçon quatrième, question 6. Une autre : « Qu’entendez-vous par les pompes du démon? » (Leçon trente-septième, question 9). La pompe du cycle liturgique, on savait: c’était celle du vélo de Monsieur le Curé, mais pour le reste!!… Ne soyons pas impertinents et restons sérieux!.(Et « concupiscence » vous avez trouvé?).

Cette première demi-heure de leçon de la journée est longue pour certains qui sont venus de loin, à pied ou à vélo et quel que soit le temps. Quelquefois les réponses données ne sont pas du goût de notre pasteur qui s’énerve, se fâche et punit. Certain jour il y a même de petits règlements de compte avec l’un ou l’autre acolyte peu pieux ou pas assez révérencieux, tel qui aurait goûté au vin de messe, tel autre qui aurait tâté d’une hostie prélévée d’un rouleau ou qui aurait servi l’office du dimanche d’une façon pas très catholique. Les punitions vont du texte à copier jusqu’au gros missel à tenir à bout de bras, agenouillé sur le bord de la caisse à cierges placée dans la sacristie où Monsieur le Curé vous enferme et parfois vous y oublie. Il y avait heureusement des petits « passets » sur lesquels on pouvait s’asseoir subrepticement. Car « in illo tempore » si l’honneur d’être acolyte est réservé aux seuls garçons, ceux-ci le paient plus cher que les filles. Ainsi, il m’a été rapporté qu’un certain dimanche, un de ces gamins jouait avec les 25 centimes ( vous savez, la grande pièce blanche avec un trou au milieu) que sa maman lui avait donnés pour « mettre à la collecte ». Ce qui devait arriver arriva: la pièce lui glissa des doigts et se mit à rouler jusqu’au pare-feu qu’elle fit tinter désagréablement aux oreilles de Monsieur le Curé qui houspillait ses paroissiens du haut de la chaire de vérité. Dérangé, notre pasteur se retourne sur les gamins pour leur intimer l’ordre de se tenir tranquilles par un « Pchitt! » peu discret juste au moment où le voisin compatissant rendait la pièce à son ami. Croyant avoir ainsi repéré l’auteur de l’incident, Monsieur le Curé, à la fin de son homélie, saisit l’innocent par le col de sa veste et lui fit redescendre toute la nef sous l’oeil réprobateur de pieuses paroissiennes.

Mais passons sur cet incident. Il est 8h1/2, chacun s’empresse de rejoindre l’école avant 9h pour avoir le temps de boire un petit coup de café de son bidon et de mordre à belles dents dans une des tartines de sa boîte.

Cette matinée prend parfois un tour différent pour l’un d’entre nous. Monsieur le Curé retient un des garçons pour l’accompagner dans sa visite à un malade à qui il porte l’extrême onction, qu’on appelait aussi le viatique (mot venant du latin via = chemin) et désignant le sacrement porté à ceux qui vont faire leur dernier voyage. Un condisciple est chargé de prévenir Monsieur le Maître de cette absence.

Donc, après la leçon de catéchisme, Monsieur le Curé revêt par dessus sa soutane un surplis sur lequel il jette une grande chape noire tandis que l’acolyte passe une jupe noire, un surplis blanc et un col noir. Ce gamin porte d’une main une lanterne allumée et de l’autre la sonnette qu’il agite au passage des personnes qui s’empressent de s’agenouiller ou de se signer. En cas de distraction de la part du passant; celui-ci se fait vertement rappeler à l’ordre et il n’a d’autre alternative que de retirer sa casquette. Monsieur le Curé porte la pyxide contenant les hosties dans les replis de son huméral ( de humérus = bras, pièce de drap rectangulaire au tissu moiré qui, comme son nom l’indique couvre les épaules et les bras). Il emporte aussi la boîte contenant les Saintes Huiles au cas où …. la famille désirerait faire « administrer » le malade; eh oui, on dit: « Il a été administré! » et chacun comprend qu’il en est à toute extrémité, à l’article de la mort quoi, car on n’appelle le prêtre que lorsque le malade n’a plus toute sa conscience. Vous comprenez…. il pourrait se rendre compte de son état et ça le tuerait!.

Cette petite cérémonie au demeurant plutôt triste prenait parfois une tournure comique. C’est ainsi que Guy, de service ce jour-là, s’est bien amusé. Ecoutez son histoire:« Donc, » Monsieur le Curé entre chez Maxime dont la maman est bien malade. Il dépose sur la table préparée à cet effet, la pyxide et la boîte contenant les saintes huiles. Tandis que notre pasteur procède à l’onction de la malade, un petit chaton fait son apparition dans la chambre. Nullement impressionné par la cérémonie, notre minet se met à jouer avec la frange du surplis de Monsieur le Curé qui absorbé par son office, ne se rend compte de rien. Ce n’est pas mon cas, continue Guy, Bien entendu je ne fais pas un geste pour chasser l’animal, au contraire, je l’encouragerais bien pour qu’il en fasse un peu plus. Le plus difficile pour moi est de retenir un fou rire que je contiens avec de plus en plus de peine. Heureusement, Monsieur le Curé s’est relevé mettant ainsi fin au jeu du chaton et à mon effort pour garder mon sérieux ».

Ce jour-là, comme on s’y attendait, notre Emérance décéda. Pour l’enterrement, Monsieur le Curé qui a revêtu son aube se drape dans sa chape noire et se coiffe de son inséparable barrette. Il est alors accompagné de 2 ou 3 acolytes qui n’iront pas à l’école ce matin-là. L’un d’eux porte la petite croix de procession, celle pour les morts, l’autre, le goupillon et le seau d’eau bénite.

La porte d’entrée de la maison est garnie d’un portique aux draperies noires bordées d’un liseré d’argent. A l’intérieur, le « colidôr » est lui aussi tendu de noir et on pénètre enfin dans la chambre mortuaire, très souvent la « belle place », cette pièce de la maison qu’on utilise uniquement dans les grandes occasions … comme celle-ci par exemple.

Que tout cela est sombre!. Le lustre, dont la moitié des ampoules ont été dévissées, est voilé de crêpe noir, les murs et les meubles sont dissimulés sous des tentures noires et sur le mur du fond, après l’accoutumance des yeux à cette pénombre, vous pouvez distinguer deux anges argentés aux ailes déployées qui veillent sur la défunte.

Elle est là, les mains jointes sur la poitrine et les doigts entortillés dans un chapelet, revêtue de sa plus belle toilette et sous la lueur tremblottante des bougies, elle semble vous sourire. A ses pieds, sont déposés deux bougeoirs entourant un crucufix de cuivre, celui du « giva » et un bol d’eau bénite où trempe une branche de buis.

Dans cette pièce où les parents et des voisins parlent à mi-voix, règne une fade odeur de fleurs se flétrissant lentement. Les conversations, toujours les mêmes, vont bon train : »Toutes mes condoléances ». « Et alors, a-t-elle beaucoup souffert? ». « Elle a un beau visage. Ne dirait-on pas qu’elle dort? » « A propos, savez-vous qui n’en a plus pour très longtemps?…. ».

A propos de ces visites de circonstance, il m’a été raconté une anecdote qui a bien fait rire tout le monde sauf l’intéressé. Ecoutez plutôt : Donc, c’est le jour où on doit aller présenter ses condoléances à la famille d’un voisin. Louis (appelons le ainsi), arrive à la mortuaire pour apporter sa carte de visite (dont il a cassé un coin pour bien faire savoir à la famille qu’il est venu en personne) afin de la déposer dans la corbeille prévue à cet usage. L’après-midi est ensoleillé et le contraste avec la pénombre du corridor ne permet pas à notre ami de voir un petit seuil donnant accès à la pièce où repose le défunt. Vous imaginez la suite : notre Louis fait une entrée au pas de course à travers la maison pour s’arrêter de justesse au pied du cercueil au grand étonnement des visiteurs présents qui ont bien du mal à contenir un inextinguible fou rire peu de circonstance!

A l’arrivée du prêtre, au moment des funérailles, toutes les conversations s’arrêtent laissant à l’homme de Dieu le soin de commencer une longue cérémonie qui s’achèvera deux heures plus tard au cimetière.

A l’église, ce qui m’a toujours impressionné c’est cet immense catafalque trônant au milieu du choeur, avec ses draperies noires ourlées d’argent et la longue série impressionnante de cierges plantés sur son pourtour. De plus, le menuisier qui est venu prendre, la veille, les mesures du défunt, fait glisser à l’intérieur de ce montage, le cercueil posé sur un brancard à roulettes, le cachant ainsi aux regards des paroissiens. Pour les laïques que nous sommes, les pieds sont tournés vers l’autel tandis que pour un prêtre, c’est l’inverse, le corps repose face aux fidèles. C’est un détail rarement remarqué.

Les parents tout de noir vêtus eux-aussi se rangent dans les premiers bancs de la nef, les hommes à droite et les femmes à gauche, celles-ci ayant le visage dissimulé sous un voile noir. C’est la tenue de « grand deuil » lequel dure 6 mois; après quoi on porte un deuil moins strict d’une durée de 6 autres mois, permettant ainsi le port de tissus gris ou violet. Les hommes portent au bras gauche, un brassard noir parfois remplacé par un petit losange de même couleur ou encore un petit ruban noir également, cousu sur le revers du veston. Quant à la veuve, elle est encore soumise à une dernière période dite de « demi-deuil » d’une nouvelle durée de 6 mois (si je compte bien, voilà un an et demi pour la pauvre éplorée! On comprend celui qui a écrit « qu’entre la veuve d’une journée et la veuve d’une année …!).

Pour le décès de grands-parents, frères et soeurs, le deuil dure un an; pour les oncles et tantes, 6 mois et enfin, pour les cousins et cousines, on le portera 6 semaines!. A de telles conditions, vous comprendrez que certaines personnes, membres de familles nombreuses portent continuellement du noir ou du gris car elles sont toujours en deuil de l’un ou l’autre proche.

Pendant l’office, au moment de l’offrande, quand on a battu le rappel des hommes qui ont attendu ce moment dehors ou au café de la place, les paroissiens défilent autour du catafalque pour saluer une dernière fois le défunt mais surtout pour être vus par les membres de la famille et recevoir l’image pieuse, souvenir de son décès et annonce de la messe d’anniversaire. Lors de ce défilé, les personnes sont invitées à baiser la patène que le prêtre essuie après chaque passage. Ce geste permet aux fidèles qui ne sont pas à jeun à cette heure (il est aux environs de 10h30) d’approcher l’hostie d’une certaine façon. Nous les acolytes, nous surveillons le plateau où chacun est invité à déposer soit son aumône, soit sa carte de visite, soit les deux. En effet notre gratification après l’office sera proportionnelle au montant contenu dans la corbeille lequel varie selon la notoriété du défunt.

A la fin de la messe de funérailles, l’acolyte apporte l’eau bénite et le goupillon pendant qu’un autre souffle encore quelques grands coups sur les braises parfois capricieuses de l’encensoir pour permettre aux deux cuillerées d’encens de répandre un nuage de fumée odorante qui remplit bientôt tout le choeur et les narines des personnes de l’assemblée lesquelles en étaient parfois incommodées. Et pourtant ce parfum est quelquefois nécessaire pour en masquer un autre!.

Le prêtre entonne alors le « Libera me Domine …. ». suivi du « Requiem aeternam dona eis Domine …. ». aussitôt repris par les chantres pour permettre à Monsieur le Curé de rentrer à la sacristie et lui donner le temps d’enlever sa chasuble et son aube et passer par dessus sa soutane, un surplis et la vaste chape noire.

Le cortège sort de l’église au chant du « In paradisium, deducant te angelis …. ». pour se rendre au cimetière. Le trajet se fait souvent à pied et le cercueil est porté par quatre ou six hommes pour lesquels c’est parfois un privilège. Ce fut encore le cas lors du décès de notre curé qui avait souhaité reposer parmi ses paroissiens. Pour nous, les acolytes, cette partie de la cérémonie est moins appréciée mais indispensable si on veut avoir part à la rétribution.

Le trajet est rarement agréable: soit il fait trop chaud, soit , le plus souvent, il fait froid ou pluvieux. Il est vrai que les vieillards meurent ordinairement à la mauvaise saison. De plus, la fin du trajet est pénible en dehors du village, sur un chemin boueux aux nombreux nids de poule et exposé à tous les vents. Que voulez-vous, l’ancien cimetière entourant l’église est complet depuis bien longtemps puisque la première tombe du « nouveau » date de 1878. C’est l’époque où, après la révolution française, les cimetières sont passés de l’autorité religieuse à l’autorité laïque et devenus des propriétés communales. Il faut savoir que jadis, autour des églises, n’étaient enterrés que les « bons chrétiens » tandis que les « mécréants » finissaient dans le « cimetière des chiens », un coin de terre hors des murs.! Quelle époque!!

Après l’inhumation, nous rentrons à l’église au pas de charge, laissant à la famille le soin de saluer une dernière fois les quelques courageux sympathisants. Nous nous déshabillons rapidement pour retourner aussitôt à l’école où, tout fiers nous montrons discrètement aux copains les quelques pièces reçues.

Pour être complet il faut signaler qu’en ville le défunt est conduit au cimetière dans un corbillard traîné par des chevaux caparaçonnés et coiffés d’un plumeau, le tout précédé d’une fanfare; c’est réservé généralement pour de grands personnages. De plus, dans ce cas les notables ont l’honneur de tenir les « cordons du poêle » accrochés au corbillard.

Un dernier mot encore sur cette cérémonie : pour les enfants décédés en bas âge, ceux qui n’ont pas atteint l’âge de discernement, l’office s’appelle une messe d’ange et tous les ornements sont blancs sans aucun chant funèbre mais la tristesse n’en est pas moins grande.

Le dimanche qui suit le jour des funérailles, tous les parents et les proches de la famille du défunt participent l’après-midi au chemin de croix récité pour le repos de l’âme du décujus avant de se retrouver en famille devant un goûter.

Mais pourquoi ai-je commencé ces mémoires par la fin, par l’office des défunts? Allez savoir! Je vais donc vous parler de la première cérémonie religieuse, celle du baptême. Ce sera beaucoup plus gai car tout le monde est joyeux et la fête se termine par une distribution de « ronds sucres », (on dit maintenant des dragées) souvent rangés dans des cornets ou de très jolies boîtes de formes originales bordées de dentelles en papier.

Nous attendons donc avec impatience la sortie de l’église de la marraine tenant le nouveau-né dans les bras et suivie du parrain. J’ai écrit nouveau-né car dans le catéchisme il est écrit que « l’Eglise défend sévèrement de retarder longtemps le baptême des enfants » ce qui oblige la famille à rejoindre l’église dans les 2 ou 3 jours de la naissance mettant ainsi la maman dans l’impossibilité de se joindre au groupe.

La cérémonie comporte toute une série d’actes. Au début, sur le seuil de l’église, le parrain demande la foi pour son filleul. Ensuite auprès des fonts baptismaux, le curé souffle sur l’enfant, trace un signe de croix, lui impose les mains, le sel, de la salive puis enfin l’eau et le saint chrême. Pour l’eau, il faut savoir qu’il s’agit « d’utiliser de l’eau naturelle, douce ou salée, chaude ou froide, minérale ou non (par ex. de la neige ou de la glace, fondue bien entendu) mais pas de l’eau de Cologne ». (Cfr Missel vespéral romain p.1559) Mais pourquoi toutes ces précisions puisque cette eau était prélevée dans le baptistère qui ne contient que de l’eau bénie le samedi saint, donc naturellement de l’eau naturelle!

Après cette cérémonie trop longue à notre avis, le cortège sort de l’église et nous nous précipitons sur les pièces (les cennes) que le parrain lance et tout particulièrement sur la pièce de 5 centimes ornée d’une étoile et agrémentée d’un ruban, bleu pour les filles et rose pour les garçons car elle porte bonheur, dit-on! Malheur au parrain imprévoyant qui n’a pas bien rempli ses poches de « clouches ». Il se fait alors huer aux cris de « Pèlé parrain ».

Le parrain est souvent généreux mais il prend parfois un malin plaisir à lancer ses poignées de piècettes vers une flaque d’eau où nous n’hésitons pas à nous lancer, bousculant les moins rapides qui s’étalent dans la boue sous le rire des autres.

Pour les mariages, c’est moins gai car notre aide est rarement sollicitée sauf si l’épousée est la fille d’un notable de la paroisse : Monsieur le Bourgmestre, Monsieur le Baron, ou le Président de l’une ou l’autre association. Dans ce cas on convoque le ban et l’arrière ban des acolytes et même des enfants des écoles. A propos de ces « bans », il faut savoir que du haut de la chaire de vérité, Monsieur le Curé annonce les mariages les trois dimanches qui précèdent l’événement. Cette publication se termine par ces mots : « si quelqu’un connaît un empêchement légitime à ce mariage qu’il le dise ou se taise à jamais ». Parfois on savait que le père officiel n’était pas le père naturel car quelques années plutôt…Mais « que celui d’entre vous qui n’a jamais péché lui jette la première pierre. » (St Jean chap. 8, verset 7) Donc, les futurs époux se trouvaient peut-être, n’être pas aussi étrangers qu’on aurait pu le croire, et que donc … Mais évitons les cancans et sur ce sujet, moi aussi, je me tais le premier.

Ceci ne nous empêche pas, avec l’accord de notre instituteur lui aussi intéressé, de jeter un coup d’oeil à la noce qui sort de la salle communale jouxtant l’école, sur ces beaux messieurs et ces belles dames. Le marié porte parfois une « buse » et un habit, on disait : « pete-aux-fesses » ( le contraire du pete-en-l’air qui est court), la mariée, un grand chapeau et une ombrelle. Quelque fois ils montent dans une calèche! Mais le plus souvent, le marié a mis son habit du dimanche et la mariée porte une robe … noire. Il m’est arrivé l’une ou l’autre fois d’entendre le soir un charivari de poêles et de poêlons: c’est qu' »on-z-aveu pêlté l’vi Houbêrt qui s’va r’marier! ». Moi, à l’époque, je n’en comprenais pas la raison qui consistait à huer à grand bruit un mariage mal assorti.

Mais alors que je voulais vous parler du déroulement d’une année liturgique, me voilà parti à vous conter celui de l’une ou l’autre cérémonie. Et pourtant avant d’en revenir à nos moutons et à notre calendrier liturgique, permettez-moi une fois encore une digression. Je suis incorrigible!

Les offices du dimanche sont agréables et le nombre d’acolytes assez élevé, chacun ayant sa charge selon son âge. Ainsi vous devenez acolyte dès 6 ou 7 ans (toujours ce sacro-saint âge de raison ou de discernement), de suite après avoir fait votre première communion appelée aussi « la petite communion » ou encore « la communion privée »!.

Aux toutes grandes cérémonies, on peut faire appel à de plus jeunes enfants qui ont un rôle de figurants ou à de plus grands, des gars de 14 ou 15 ans, des anciens qui portent les encensoirs ou les bannières de procession. A ces occasions les filles aussi ont un rôle à jouer (enfin!), les communiantes de l’année peuvent alors revêtir leur belle robe blanche et porter les petites bannières mais de cela je vous parlerai plus tard.

Donc vous commencez par être petit acolyte et vous êtes écolé par les grands qui vous apprenent votre service « sur le tas ». Cela amène parfois des situations cocasses, si on peut dire. Un jour, alors qu’on attendait la visite de Monseigneur l’Evêque, un grand avait fait la leçon à son frère cadet : il devait se tenir bien droit, les mains jointes, s’agenouiller devant le prélat, lui répondre très poliment,. Il se fait que Monseigneur ému devant la tenue exemplaire du petit dernier s’arrêta devant lui pour le saluer tout simplement. Surpris, notre garçon répondit d’une voix claire: »Bonjour Monsieur l’Abbé« !. La gaffe quoi, qui fit sourire Monseigneur mais qui mit en boule l’aîné qui s’arrangea après la cérémonie pour faire entrer dans la petite cervelle une leçon de protocole.

Aux grand-messes chantées, les charges se répartissent comme suit: au bas de l’échelle des valeurs vous avez le porteur de navette, cette petite boîte contenant l’encens. Sur un geste du turiféraire le plus haut gradé (!), on soulève le demi-couvercle du récipient et on s’approche de Monsieur le Curé qui prélève 2 ou 3 cuillerées de la précieuse résine dont il saupoudre les braises rouges de l’encensoir qui ont été activées précédemment par le souffle vigoureux du grand acolyte. Attention à celui qui a oublié, comme les vierges folles, d’entretenir le feu qui serait parti sans bruit, il est certain d’encourir les foudres de son supérieur. La fumée parfumée qui s’élève n’est pas appréciée de tous: j’ai connu un membre de la famille qui s’évanouissait à chaque fois ce qui l’a dispensé définitivement d’être de la confrérie des acolytes.

Au deuxième échelon, vous avez l’acolyte gauche, non pas maladroit mais celui dont la place au pied de l’autel se situe à gauche; son rôle consiste surtout à être le pendant de celui de droite et à accomplir des tâches mineures : porter la burette à eau alors que le collègue porte le vin, présenter le manuterge au prêtre après que votre voisin ait versé l’eau sur les doigts de l’officiant au moment du « lavabo », soulever la chasuble avec l’autre acolyte pendant qu’il agite la sonnette au moment de la consécration, porter le voile du calice avec un subtil croisement des bras (pour présenter le beau côté devant lui) alors que l’autre a la responsabilité du transport du missel et de son lutrin qui sont encombrants et bien lourds. Il est vrai que ce transport n’est pas très facile et que bien souvent c’est le moment choisi par le noeud du cordon de votre jupe pour vous lacher et vous empêtrer les pieds.

A propos des burettes, voici encore une anecdote: vous savez, je suppose, que nous devons, à un certain moment de la messe, verser de l’eau sur les doigts de Monsieur le Curé pendant qu’il les tient au dessus du calice et c’est avec un malicieux plaisir nous tentons de vider le contenu en basculant rapidement la burette. Mais Monsieur le Curé qui a été acolyte avant nous, relève brusquement les mains mettant ainsi fin à notre petit jeu.

Le rôle ultime dans la hiérarchie des acolytes est celui de turiféraire ou porteur du feu contenu dans l’encensoir. Vu la longueur des chaînes qui soutiennent le récipient où les braises se consument, il faut être assez grand pour balancer l’engin sans toucher le sol et pouvoir le présenter au prêtre pour qu’il y dépose l’encens. Le turiféraire doit également être capable d’encenser le prêtre en faisant sonner les chaînes contre le bol. Ces grands aiment épater les petits en faisant effectuer, dans la sacristie, un tour complet à l’ustensile. Je connais personnellement un de ces aînés qui s’y est si mal pris pour cette manoeuvre que l’encensoir, ayant heurté le sol, s’est vidé de tout son contenu rougeoyant et fumant sur le carrelage dans un bruit de fin du monde. Ceci lui valut une fameuse peur et … la colère de Monsieur le Curé!

Le rôle des acolytes consiste aussi à débarrasser la crédence, petite niche pratiquée dans le mur et où sont déposés le plateau avec les burettes et le manuterge; éteindre les cierges avec l’éteignoir, longue canne coiffé d’un petit chapeau pointu et autour de laquelle est enroulé du rat de cave. Il faut aussi déployer sur l’autel où sont couchés les canons (prières ordinaires de la messe) un long drap le protégeant de la poussière. Pour terminer, on rabat la nappe du banc de communion, cette toile que les fidèles doivent tendre entre le pouce et l’index de leurs mains écartées ce qui forme une espèce de petite nappe sous le menton pour y recevoir éventuellement l’hostie victime d’un faux mouvement du communiant. Et si, malgré toutes ces précautions, cette hostie vient à tomber sur le sol? Dans ce cas, Monsieur le Curé est seul habilité à la ramasser. Puis il dépose un petit linge sur l’endroit de la chute lequel sera minutieusement nettoyé après l’office. Une seule exception à cette règle: lorsque l’hostie tombe dans le décolleté d’une dame, … celle-ci peut la récupérer et la consommer. Ben voyons!! Tout ceci est clairement expliqué dans un précis de casuistique rédigé … en latin.

Les filles ne comprennent pas pourquoi ces menus services ne peuvent leur être confiés : le rangement est une affaire de filles, non? Alors elles nous envient un peu.

Avant de quitter ce chapitre, je ne résiste pas au plaisir de vous donner la réponse du catéchisme sur la manière de se placer au banc de communion. Elle se trouve p. 105, question 15 précédée d’une + : »Je me mettrai à genoux et j’étendrai la nappe sur les mains; puis, tenant les yeux baissés, j’ouvrirai la bouche en avançant la langue sur la lèvre inférieure ». On ne peut être plus clair!

La messe basse de 8 heures ( li bass’messe) est surtout suivie par les fidèles qui souhaitent communier et ce avant l’office ce qui veut dire que l’assemblée se compose surtout de dames pieuses et d’enfants, tous à jeun depuis minuit. Les hommes communient rarement ; ils éprouvent une certaine difficulté à se confesser à leur curé évitant ainsi de lui faire des confidences intimes. La messe chantée, la grand’messe de 10 heures, voit arriver tous les paroissiens et surtout les hommes qui occupent les bancs du fond de l’église ou le jubé sous certaines conditions que voici:

Règlement du jubé en date du 3 juillet 1910.

Art. I. En principe, l’accès du jubé est exclusivement réservé à l’organiste et aux chantres.

Art.II. Les chantres doivent être agréés par Monsieur le Curé ou l’organiste et leurs noms seront portés sur une liste qui sera affichée au jubé.

Art.III. Ceux qui ne sont pas agréés comme chantres et qui désirent prendre place au jubé doivent : 1)avoir atteint l’âge de 20 ans, 2) louer une chaise à la F.E. (2,50 frs par an) ou payer 0,5 cmes par office.

Art.IV. Le clerc organiste est chargé de la police du jubé et de l’exécution du présent règlement.

Fait en séance du conseil à Neuville, le 3 juillet 1910. Le secrétaire : Cordonnier,curé.

Comme vous voyez, le jubé est interdit aux femmes; la balustrade étant à claire-voie, de la nef, l’un ou l’autre aurait pu jeter un regard furtif… bref, il faut avoir 20 ans et verser un droit qui remplace le montant de l’obole pour la collecte dispensant ainsi Monsieur le Curé de monter pour faire la quête. Ce règlement souffre une exception, celle du souffleur, un bon gars assez fort pour actionner le pédalier de la soufflerie de l’orgue. Le maniement des deux larges pédales sortant du dos de l’instrument et attachées à une grosse pièce de bois exige une force certaine et pratiquement constante; une dizaine de coups de pédalier procure une provision d’air de 5 à 6 minutes à l’instrument pour autant que l’organiste n’ouvre pas tous les jeux. Et malheur au souffleur qui ne surveille pas la jauge, une petite plaque de plomb pendue au bout d’une ficelle. Une telle distraction répercutée par l’orgue à bout de souffle (c’est le cas de le dire) signifie une exclusion du jubé pour quelques dimanches. Bien entendu, avec le progrès, le vieux soufflet a été remplacé par un ventilateur électrique.

L’orgue, un bel instrument de 1893, occupe la plus grande partie du jubé dont le buffet étale 25 tuyaux de plomb (la montre) qui en cachent plusieurs centaines d’autres, de toutes les formes et de toutes les dimensions, passant de la grande cheminée carrée au petit sifflet de quelques centimètres, chacun étant relié par un enchevêtrement de tuyaux à l’énorme soufflet. J’ai chaque fois été impressionné par cette mécanique lorsque l’accordeur ayant enlevé les panneaux du fond de l’instrument procédait à son entretien périodique.

C’est d’ici qu’on peut atteindre le clocher d’où pendent les cordes, deux grosses comme le poignet pour sonner la volée et deux petites comme un doigt pour le glas. La grosse cloche éxige un réel effort très progressif,surtout au commencement mais dès qu’elle est en mouvement il suffit de maintenir son balancement d’une traction régulière, laissant glisser la corde dans la paume de la main. Malheur à vous si vous voulez vous y accrocher: vous êtes alors soulevé comme un fétu de paille jusqu’au plafond et vous vous coincez les doigts dans la petite ouverture garnie de 2 rouleaux de fer protégeant le plafond de l’usure. Il est vrai que vos 30 ou 40kgs ne pèsent pas bien lourd comparés à la demi-tonne de bronze en mouvement.

Mais descendons du jubé pour rejoindre la nef. Nous commençons par quelques rangées de bancs anonymes occupés surtout par des hommes. Viennent ensuite une ou deux rangées de bancs gravés aux noms de quelques généreux donateurs. A propos de ces noms vous pouvez aussi en retrouver inscrits au bas de l’un ou l’autre vitrail, « Don de la famille …. ». Que voulez-vous la paroisse vit de la charité de ses paroissiens.

Nous arrivons ensuite aux chaises propriétés des dames bien en vue ou qui se considèrent comme telles … d’après certaines mauvaises langues. Ces chaises sont passibles d’un droit de location au sol de 2frs50 par an (cfr le règlement du jubé) ce qui alimente l’ordinaire de la paroisse. Ces chaises rembourrées de velours rouge, (des prie-Dieu), ont un accoudoir servant de couvercle à une boite à missels et autres livres d’heures. Le siège qui sert d’agenouilloir peut être relevé pendant la semaine empêchant ainsi son usage par une autre personne (Quelle charité!).

La collecte est faite par Monsieur le Curé lui-même qui d’un coup d’oeil vous empêche de glisser une mauvaise pièce ou … un bouton de culotte! Il m’a été rapporté qu’un certain dimanche Monsieur le Curé avait repéré la petite piècette déposée par une dame de la bonne société. Notre saint homme l’avait coincée sous son pouce après lui avoir fait le tour du plateau d’une façon ostensible au vu et au su de tout un chacun. Mal lui en prit car le dimanche suivant la dite dame, d’un geste apparemment involontaire avait relevé brusquement son missel juste au moment où le plateau lui était présenté … ce qui avait provoqué l’éparpillement de toutes les pièces. Chacun avait compris la basse vengeance mais personne n’aurait osé sourire sinon sous cape! Seul l’acolyte mandaté pour ramasser la monnaie n’avait pas saisi le manège.

La deuxième collecte, car il y en a deux, est faite au profit des nécessiteux, souvent les assistés de Saint-Vincent : l’argent est converti en jetons de pain ou de charbon que les zélateurs distribuent pendant la semaine aux pauvres du village. Pour cette collecte on utilisait une « harbotte », en français, une aumonière munie d’un long manche, pour solliciter les paroissiens les plus éloignés de l’allée centrale.

La seule partie de l’office en langue vulgaire (du latin « vulgaris » signifiant « multitude » et non un mot grossier comme on pourrait le croire) à savoir chez nous le français, s’appelle le prône. Il se compose de la prédication : un sermon (du verbe sermonner ce qui veut tout dire) ou d’une homélie ou instruction familière, suivie des annonces. Pour être entendu de tous (attendu que les micros n’existaient pas encore), Monsieur le Curé monte dans la chaire de vérité, en wallon  » li pirlodge » ou loge de pierre qui est le plus souvent en bois avec par dessus un abat-son où figure une colombe, représentation de l’Esprit-Saint (pour nous c’est un pigeon!)

Qu’est-ce qu’on en entend parfois comme vérités! lesquelles ne sont pas toujours très gaies. Ses textes, Monsieur le Curé les étudie par coeur ce qui lui permet d’interpeler plus directement l’une ou l’autre de ses ouailles. Je me souviens avoir assisté bien malgré moi à l’une de ces répétitions. Je me trouvais un samedi soir dans l’église pour me confesser et j’attendais de voir sortir Monsieur le Curé de la sacristie. Me trouvant dans la pénombre du fond de l’église mon curé n’avait pas remarqué ma présence et sortant de la sacristie il s’arrêta au banc de communion d’où il se mit à prononcer son homélie. Moi très étonné, je me fondis de plus en plus dans l’ombre du pilier attendant la fin du discours et le retour du prêtre vers la sacristie pour me couler en douce hors du bâtiment. Je ne me vantai jamais de cette aventure et ne jouai pas au prophète le dimanche suivant en annonçant par avance le contenu de la prédication.

Le prône est chaque année remplacé par le « Mandement de carême ». Son contenu nous le connaissons presque par coeur et on y relève des phrases telles : »… dont les propos éhontés et les vêtements indécents vous entraîneraient …. ». Que c’est loin tout cela! Pour les annonces, Monsieur le Curé commence par citer les intentions de messes de la semaine . « Lundi, je dirai la messe pour les défunts de la famille …. Mardi, pour le repos de l’âme de …. ». Enfin vient la recommandation des défunts : « Nous prierons aussi pour les âmes des fidèles trépassés et plus spécialement pour Monsieur le Curé ….. »(c’est son prédécesseur),« pour Mr et Mme …. ». etc. La liste suit un ordre qui ne découle à mon avis ni de l’alphabet ni de la chronologie (j’ai failli dire nécrologie) mais plutôt du quantitatif : plus on fait dire de messes et plus on monte dans l’ordre de la liste des annonces. Une exception: le dernier de la liste, celui dont on retiendra le nom car il résonne dans les oreilles des paroissiens pendant tout le temps que Monsieur le Curé met à regagner l’autel. Qui mérite ce droit? Je n’en sais fichtre rien. Mais trêve de médisances sinon … je suis bon pour « aller à confesse »!.

Le samedi soir ou le dimanche matin avant la messe de 8 heures, ont lieu les séances de confession. Ah! ces confidences dans le silence du soir ou du petit matin. Autour du confessionnal où une zone neutre a été établie par discrétion pour ne pas entendre les pénitents, on se bouscule parfois, ne respectant pas le tour de rôle établi par l’ordre d’arrivée, et cette zone se rétrécit de plus en plus. Entre nous, certains essayent de saisir quelques bribes de conversation en tendant une oreille indiscrète pour entendre les fautes avouées et la sentence prononcée par le confesseur, souvent la même pour tous d’ailleurs : « Pour votre pénitence, vous direz 3 pater et 3 ave. Et maintenant récitez votre acte de contrition.« 

Pendant que vous bredouillez une suite de mots pas toujours très audibles, le confesseur vous donne l’absolution qui se termine par ces mots « Allez en paix » tandis que la planchette glisse dans sa rainure et termine sa course par un claquement sec! Vous pouvez alors retourner apaisé pour accomplir sans tarder votre pénitence. C’est une thérapie réconfortante de l’âme dont les effets étaient souvent bénéfiques tout autant sans doute que les conseils actuels de certains « psy » qui, eux, vous font payer fort cher leurs consultations!

Pour ce sacrement, Monsieur le Curé se fait souvent remplacer par le confrère d’une paroisse voisine ce qui rassure surtout les hommes plus soupçonneux que leur épouse quant au secret de la confession. Ah, combien de consciences ont souvent été ainsi soulagées, combien d’âmes scrupuleuses ont été rassérénées mais aussi combien de pécadilles ont été avouées, écoutées avec beaucoup de patience puis pardonnées par cet homme de Dieu qui entend aussi parfois de réelles misères qu’il doit garder pour lui seul!. Pour preuve de ce secret de la confession, voyez St Jean Népomucène. Une chapelle a été érigée en son honneur du côté de Montzen. Ce brave homme était l’aumônier de l’empereur Venceslas. Ce dernier lui avait demandé de lui rapporter les propos que son épouse l’impératrice lui avait confiés en confession. Sur le refus du saint homme, Venceslas le fit noyer!.

Le dimanche après-midi nous pouvons assister aux vêpres. C’est un office assez court où l’on chante quelques psaumes en latin et des cantiques en français. L’office se termine par la bénédiction du Saint Sacrement donnée par le prêtre revêtu d’un surplis sur lequel l’acolyte lui glisse l’huméral. Après avoir glissé ses mains dans les deux grandes poches du vêtement, il saisit le grand ostensoir avec lequel il trace un grand signe de croix sur la foule … clairsemée pendant que l’acolyte agite la sonnette et que le chantre entonne en grégorien un Tantum ergo tonitruant.

A propos de surplis, tout comme la grande aube blanche, ce vêtement est plié d’une façon extraordinaire à mes yeux d’enfant : chaque pli vertical mesure tout au plus 4 cm et forme un accordéon, tant pour les manches que pour la robe elle-même. D’un mouvement rapide des doigts, Monsieur le curé vous serre ainsi tout le vêtement qui mesure alors une dizaine de cm d’épaisseur, il le replie en deux et vous lace cette sorte de boudin de toile à l’aide d’un cordonnet. Epoustouflant vous dis-je, et je me demande encore comment Mademoiselle la gouvernante s’y prenait pour le repassage!

Et c’est ainsi que chaque semaine succède à la précédente. Heureusement, pour rompre la monotomie d’un tel calendrier nous avons des fêtes tout au long de l’année.

Tout d’abord je vous signale que l’année liturgique commence non pas le premier janvier mais le premier dimanche de l’Avent c’est-à-dire 4 semaines avant Noël, « Avent » avec « e » venant du latin « adventus » qui veut dire avènement. Les ornements sont de couleur violette et c’est une fête privée de 2me classe semi-double. Il faut savoir qu’il y des solennités, des fêtes doubles de 1re ou de 2me classe, des doubles majeurs (chacune de ces fêtes parfois doublées d’une octave privilégiée ou commune), des doubles tout simplement, ou des semi-doubles, ou encore des simples pour les humbles saints. En tout dernier lieu, viennent les « mémoires ». Quelle classification!.

Donc, pendant ces quatre semaines, nous avons les premiers « Quatre-Temps » ceux d’hiver. Il s’agit d’une semaine pendant laquelle les mercredi, vendredi et samedi, on « fait jeûne et abstinence », ce qui vous rapporte 10 ans et 10 quarantaines de jours d’indulgence! Bon, attendez que je vous explique : « jeûne et abstinence » c’est assez facile à comprendre, non? on réduit le nombre de ses repas et on s’abstient de viande et de jus de viande. Jusque là, ça va? Pour les indulgences voici : ce sont des jours à décompter de votre séjour au purgatoire, l’endroit où l’on prolonge sa pratique pénitentielle après la mort avant d’accéder au paradis ». (Dictionnaire de la bible p 364 aux Editions Brepols) Vous pouvez ainsi « gagner » entre 10 jours et une pleinière (remise complète des peines) selon certaines pratiques tarifées. Quelques exemples : 300 jours pour la récitation d’une ou l’autre litanie mais qui deviennent 7 ans et 7 quarantaines si cette récitation est ajoutée au chapelet durant le mois d’octobre. Une petite invocation durant la journée vous diminue votre purgatoire de 40 jours. La prière pour la Belgique vaut 400 jours et celle pour la conversion du Congo, la moitié seulement (raciste ou quoi?). La participation à certaines confréries dont « la cotisation s’élève à 25 ctes par mois relevés lors de la réunion d’une durée de 4O minutes maximum au cours de laquelle tout rafraîchissement sera refusé« . (Hosanna p.129). vous permet d’obtenir une indulgence plénière. Je ne sais si cette tarification est comptabilisée par certains pour leurs péchés ou comme remises de jours de purgatoire des âmes de leurs défunts. Cela paraît assez mercantile mais incitait à une certaine pratique religieuse laquelle déboucha sur une crise grave dans l’Eglise (voir le Pape Léon X et la guerre des indulgences au XVIe siècle entre Augustins et Dominicains et qui fut à l’origine de la Réforme.).

Je vous ai aussi signalé l’abstinence ou « faire maîgre », c’est à dire la non-consommation de viande et de jus de viande (voir Catéchisme p.77 ). Ceci aussi était critiqué par un de mes proches parents un tant soit peu anticlérical sur les bords : Il me disait : « Pendant les « quatre-temps », toi, tu ne peux pas manger un « crêton » avec ton oeuf, mais Monsieur le Baron, lui, il peut diner d’une truite au vin blanc puisque c’est du poisson!! ». Heureusement de telles pratiques sont révolues et pourtant elles avaient leur raison d’être. Et ces périodes de jeûne et d’abstinence durent … voyons : 40 jours de carême, + (4 x 3) jours des quatre-temps + les veilles des 4 grandes fêtes (Noël, Ascension, Assomption et Toussaint) soit 56 jours ou près de 2 mois par an, mais comme la viande est chère et qu’un jeûne de temps en temps ne fait aucun tort, c’est très bien ainsi. Voyez nos savants régimes actuels ou bien les menus végétariens qui sont un retour aux sources. ( Hosanna p. 55 et Catéchisme, leçon 28, p.76). Mais depuis le Concile de Vatican II, les « Commandements de l’Eglise » sont tombés dans l’oubli ce qui a laissé désemparés bien des vieux qui ne savent plus très bien ce qui se fait, ce qui peut se faire et ce qui doit se faire!

Mais je bavarde et je suis encore toujours en « Avent », il serait temps d’avancer … dans le temps et d’arriver à Noël. Ce temps débute par les « Grandes Antiennes » ou « Antiennes en O » parce qu’elles commencent toutes par la lettre « O » : « O Sagesse … O Adonaï … O Racine … » etc. et dont les deuxièmes lettres lues en les remontant donnent en latin ces mots  » Ero cras » ce qui se traduit par « Il vient bientôt » (subtil non?). Ce sont aussi les premiers « Quatre-Temps » où, le samedi, sont ordonnés les Portiers, les Lecteurs, les Exorcistes, les Acolytes, les Sous-diacres et les Diacres; c’est un mois très chargé. Evidemment, ces cérémonies ne se déroulent pas dans nos petites paroisses mais à l’évêché. Donc, je ne m’y attarderai pas.

Nous arrivons à Noël et ses trois messes, pas les « Trois messes basses » de Daudet, non! mais la messe de la nuit, à minuit, celle de l’aurore à 8 heures puis celle du jour à 10 heures. Ah quelle belle nuit, avec toutes ces bougies et cierges allumés partout à profusion; il y en a sur les appuis de fenêtres, les autels latéraux et tout autour de la crêche dressée dans le choeur. Monsieur le Curé a sorti tous les personnages en plâtre polychrome, avec un Jésus presqu’aussi grand que Joseph et Marie pour marquer l’importance du personnage, le tout entouré de bergers et de moutons sans oublier l’âne et le boeuf.

Et nos beaux chants repris en choeur par tous les fidèles, et le « Minuit, chrétiens, c’est l’heure solennelle » réservée au soliste de la chorale, chant puissant qui en fait encore frissonner plus d’un. Il y a parfois un couac lorsque le souffleur se fait bousculer dans l’étroit passage derrière l’orgue par un paroissien retardataire qui, sortant du café de la Place tient absolument à participer au Saint Office en chantant avec la chorale … avec parfois quelques mesures de retard. Après la messe, on se réunit en famille pour manger les cougnous.

Nous arrivons alors au 31 décembre, fête de Saint Sylvestre et tant pis pour qui se lève le dernier, il se fera appeler Sylvestre toute la journée. Ce qui n’est pas bien méchant.

Deux semaines plus tard, le 6 janvier, à l’Epiphanie, on fête les Rois, une occasion de plus de se réunir pour manger la galette des rois où la maman a dissimulé dans la pâte, une fève qui désignera le roi de la journée à qui la découvrira, un roi qui se choisira une reine et se permettra d’agir en despote d’un jour! (A la maison, l’année qui suivi celle où mon père avait avalé la fêve, maman avait dissimulé trois fêves dans la pâte pour éviter les disputes entre frères).

Nous arrivons à la Purification, le 2 février, mieux nommée la »Chandeleur », 40 jours après Noël (40, un nombre symbolique) avec sa bénédiction des cierges, des »chandelles » que chacun reçoit et porte en procession dans l’église. Ce cierge qu’on ramène chez soi sera allumé les jours d’orage pour éloigner la foudre de son toit. Et puis il y a les crêpes que nous avons hâte d’aller manger!.

Le lendemain, le 3 février forcément, personne ne manque la bénédiction de Saint Blaise qui nous évite les maux de gorge. Et j’y crois dur comme fer puisque je suis né ce jour-là et que je n’ai jamais souffert d’angine!. Le martyrologue nous apprend que l’évêque Blaise a sauvé un enfant qui se mourait après avoir avalé une arête. Saint Blaise fait partie des 14 saints auxiliaires, un groupe de saints particulièrement célèbres pour l’efficacité de leur intervention. En voici quelques uns, c’est parfois utile : St Georges est invoqué contre les dartres, St Erasme, aux entrailles enroulées sur un treuil (mon Dieu!) invoqué contre les maux de ventre, (on l’aurait deviné). St Vite (plus connu sous le nom de St Guy, le « Ghyslain » qui se retrouve dans les prénoms des anciens), invoqué contre les convulsions, le célèbre St Christophe qu’on prie avant les voyages et aussi pendant les orages (tiens ferait-il concurrence à notre St Donat?). Le diacre St Cyriaque, pour les maladies des yeux, St Acase pour les maux de tête, Egide ou Gilles contre la folie ou les cauchemars, Ste Catherine (d’Alexandrie, pas de Sienne) patronne des étudiants et que les demoiselles devaient éviter de coiffer. Hélas, la plupart de ces saints ne figurent plus au calendrier! Le 4 février, vous trouvez, d’après certains calendriers, Ste Véronique qui n’est pas le féminin de St Véron, un saint homme de chez nous dégommé depuis et qui ne se trouve plus nulle part. Et bien, Sainte Véronique n’a jamais eu les honneurs du missel est une sainte apocryphe ( du grec  signifiant : tenu secret) donc non reconnue authentique mais véhiculée par la tradition, cette femme qui aurait essuyé le visage de Jésus sur le chemin du calvaire et dont on a conservé le voile. Véronique, c’est aussi, soit dit en passant, le nom d’une jolie fleurette bleue de nos talus et … d’une passe en tauromachie!. Après tout ceci on pourrait se demander à quel saint se vouer?

Mais vous avez aussi toutes les autres invocations comme « Saint André, dites-moi dans mon dormant, quel sera mon amant et mettez lui en main l’outil de son gagne pain ». ou encore « Qui l’bon Diu v’bènisse! » à qui éternue car on craignait de voir son âme expulsée de son corps à la suite d’un éternuement parfois très retentissant. Ou encore : »Al wäde di Diu » ou « Si plêst à Diu », et aussi, sur un autre ton : »L’diale qui t’apice! » Et bien d’autres encore que vous devez certainement connaître, sans oublier le « Judas, crachez-moi, le Bon Dieu vous punira! », mais ceci n’est pas une invocation!.

A propos du calendrier, je ne résiste pas au plaisir de vous faire partager une partie des découvertes que j’ai faites en le, ou plutôt, les farfouillant. Saviez-vous que Saint Herménégilde, un prénom relevé sur la tombe d’un fidèle canadien, était fils d’un roi visigoth, il a été remplacé par St Martin Ier, dernier pape martyr. Autre exemple: l’abbé Benoît (21/3) a remplacé le pape Pie Ier (11/7) dégommé pour ajouter Pie X (21/8) tout en gardant Pie V, quant à St Thimothée, fêté le 24 janvier, il a cédé sa place à St François de Salles qu’on fêtait le 29 pour se retrouver le 26 qui se trouvait être la St Polycarpe lequel s’est retrouvé le 23 février bousculant ainsi St Pierre Damien Camaldule qui s’est retrouvé le 21 février, là où heureusement personne n’était inscrit! J’espère que vous m’vez suivi? Alors, pour en terminer, une dernière date : le 6 février, ici on se bouscule : dans l’ancien missel, on y fête Tite de Crête avec mémoire de Dorothée alors que le nouveau missel nous l’envoie au 26/1 où se trouvait Sts Paul Miki et Amand qui, eux, sont revenus au 6/1.

Ces changements ont quelque peu bousculé les dictons paysans: ainsi la St Didier que je ne retrouve nulle part est le jour où il faut semer ses haricots car « à la St Didier, pour un , tu en auras un millier. A la St Benjamin (31/3, lui aussi disparu) le mauvais temps prend fin », et « Après St Roch, » (16/8, il nous est resté celui-là), aiguise ton soc », sans oublier Sainte Claire à qui on porte des oeufs pour obtenir le beau temps. Noublions pas non plus les saints de glace, Mamert (6.5) , Pancrace (12.5) et Gervais (13.5), des saints au sang de navet comme l’écrit l’Almanach Rustica, et encore Médard (8.6) et la pluie, suivi, heureusement parfois, de Barnabé (11.6), et les saints-patrons : Honoré pour les pâtissiers (évidemment), Fiacre pour les jardiniers, Pantaléon pour les médecins et Loup pour les bergers (qui l’eut cru!)

Les saints ont aussi des animaux de compagnie. Ainsi St Roch dont je viens juste de vous parler et son chien bien entendu: ne dit-on pas de deux personnes dont on ne voit jamais l’une sans l’autre : » Volà St Roch è s’t chin! ». St Genès et ses abeilles, St Clément et son moucheron, St Rustique et son âne, St Robert et son aigle. Je vous laisse le soin d’en découvrir d’autres. Nous avons eu aussi des saints « inventés » enfin, des saints dont on ne saurait rien ou presque; telle Ste Cécile que tous les chanteurs connaissent et qui est fêtée le 22 novembre, n’aurait pas existé mais proviendrait d’une mauvaise interprétation d’un texte retrouvé sur une tombe découverte dans les catacombes. St Firmin n’est pas très bien connu non plus du moins officiellement ce qui ne l’empêche pas d’être le patron d’un de mes vieux oncles et même de l’église de Rotheux.

Nous pourrions jeter un regard géographique sur la sainteté et, partant de Saint-Séverin-en-Condroz et sa magnifique église romane, nous égarer dans la très laïque France pour passer par St Yrieix-la-Perche ou St Dié et ses déodatiens (le nom de ses habitants) ou St Avold avec son cimetière américain. Ce regard pourrait aussi être gastronomique si nous parlons de St Emilion ou St Estêve agrémenté d’un St Pourçain ou d’un St Nectaire pour terminer par une St Remy bien de chez nous! Mais : »Retro Satanas »! Eloignons-nous du péché de gourmandise et revenons-en à des pensées plus pieuses.

Qui de vous n’a jamais invoqué St Antoine? Pas vous? Alors vous êtes très ordonné. Vous connaissez aussi Ste Rita qui vous sort des situations désespérées. Certains se rendent aux Awirs prier St Georges pour les sortir d’une dépression. A Amay et ailleurs, « Sinte Brîhe » (Ste Brigitte) est vénérée pour la réussite dans le bétail et spécialement lors du vêlage des vaches et de leur production de lait. Sur le chemin de Sotrez, se trouve la chapelle de St Paupin. Les paysans viennent le trouver pour demander la guérison de leurs animaux. La méthode n’est pas toujours efficace. Jugez plutôt : un herbager avait envoyé sa femme prier le saint de lui guérir sa truie malade. A son retour, l’épouse s’entendit dire par son mari : »Vos polé bin rallé è dire à voss t’homme qui n’s’occupe pu d’vos affaires, ca l’pourçais è crèvé ». Vous devez aussi bien connaître St Laurent qui mourut sur un grill. Il est invoqué contre … devinez? les brûlures évidemment. D’ailleurs quand on se brûle on dit «  Chouf, Lorint! ». De plus, aux environs du 10 août, jour de sa fête, on peut voir la nuit dans le ciel, des étoiles filantes qu’on appelle « les larmes de St Laurent ».

Il court aussi des devinettes à propos de ces saintes personnes. Voyons, quel est le saint le plus poli? Sylvestre bien sûr, il laisse passer tous les autres avant lui (fête le 31 décembre), et le plus proche de Dieu le père? Sainte Barbe! A vous d’en trouver d’autres. Nous avons aussi les jeux de mots: Sinte Five Linne, Sint Londi, Sint Dicat, … il s’agit ici du folklore wallon et de son franc parlé pas toujours très respectueux mais si savoureux.

J’en parle à l’aise mais vous devriez lire la vie de l’un ou l’autre de ces saints, des vrais, ceux dont la vie n’a pas été de tout repos, tel le Curé d’Ars qui ne pouvait dormir la nuit tant il était secoué par le Malin, telle la petite Thérèse de Lisieux, la grande malade, mais aussi combien de lapidés (Etienne) de crucifiés (Pierre), d’étripés (Erasme) de brûlés, de décapités, d’écartelés, de fusillés et j’en passe. Non, sincèrement tous ces saints ont droit à notre respect pour avoir accepté de telles souffrances pour défendre leur foi. Et toutes ces atrocités vous les retrouvez dans la bible; c’est ainsi que j’ai dénombré dans le livre des Macabées (appelé aujourd’hui « Livre des martyres d’Israël »), le bien nommé, plus de 100.000 morts dans des combats de l’époque.

Mais je veux vous rassurer de suite. Tous les saints ne sont pas des martyrs et n’ont pas subi une fin aussi atroce. Voyez Thomas d’Aquin, un domicain de grande valeur par ses écrits théologiques, était, semble-t-il un bon vivant car il était si gros qu’on avait découpé un demi cercle dans la table du réfectoire pour qu’il puisse y placer son ventre. Saint Augustin, un docteur de l’Eglise ( du latin doctus = savant) « ce rétheur africain dissolu » (Missel, p.1693) qui fit le désespoir de sa mère dans sa jeunesse. Et pas loin ce chez nous, le Frère Mutien qui accomplit ses tâches quotidiennes au mieux qu’il pouvait mais sans éclat ni grands discours; c’est un saint lui aussi. D’ailleurs le Père Prévost parlant de Sainte Thérèse disait « qu’il n’est pas nécessaire d’avoir fait de grandes choses mais qu’au contraire la perfection consiste plutôt à faire grandement les petites choses ». Mais restons-en là avec tous les saints du calendrier sinon je risque de vous perdre comme lecteur dans cet embrouillamini et celà m’attisterait.

Et me voilà de nouveau en train de digresser au lieu de suivre mon calendrier. Nous en étions donc au temps du Carême précédé du dimanche de la Septuagésime, de la sexagésime et enfin de la quiquagésime appelés ainsi parce qu’étant le 7me puis le 6me et enfin le 5me dimanche avant les quatre dimanches du carême lequel débute par l’imposition des cendres « Tu es poussière et tu retourneras en poussière ». Ce n’est pas très gai non plus et pourtant cette longue période de 40 jours de jeûne est la bienvenue après les « crasses eureyes » de l’hiver où il a fallu combattre un froid souvent rigoureux. Comme régime on ne fait pas mieux et le remède porte ses fruits. Seulement, comme le faisait remarquer un mien parent quelque peu contestataire, cette règle épargnait les bien nantis. Ainsi ils pouvaient lors du repas complet de midi ou du soir manger une belle carpe pêchée dans leurs étangs alors que le paysan ne pouvait pas se fricasser une tranche du lard de son cochon. Il pouvait même, ce grand monsieur, se faire servir une sarcelle qui n’était pas considérée comme de la viande parce qu’ayant les pattes rouges (allez savoir pourquoi!) tandis que la fermière ne pouvait se cuire une de ses vieilles poules hors d’âge dont les pattes étaient jaunes. Mais trêve de médisance et laissons passer le Carême.

Durant cette période, nous avons les prières de LX (40) heures soit 5 pôses de 8 heures c’est à dire d’un matin 8h, après la messe, au lendemain, 16h, après les vêpres. Monsieur le Curé cherchait donc des paroissiens qui acceptaient de prendre en charge une ou deux paires d’heures pour être présents à l’église. Il y avait aussi les récollections qui se terminaient par la plantation d’une croix à certain coin du village comme celle de Rotheux récemment disparue.

Nous voici au dimanche des Rameaux, aux ornements violets et ses branches de buis coupées à la haie du jardin du presbytère, bénies (et qui en deviennent des branches bénites! Ah, la grammaire, quelle belle chose!!) et encensées durant 5 ou 6 oraisons chantées en latin. On se dirige en procession vers la porte de l’église que l’acolyte heurte avec la grande croix puis la foule assiste à la messe où on lit le long évangile de la passion.

Commencent alors les offices de la semaine sainte. Les étudiants se trouvant à l’époque aux études dans un collège participaient aux cérémonies: le mercredi c’était l’office des ténèbres au cours duquel on chante 15 psaumes et on éteint les 15 cierges des chandeliers triangulaires. On récite les lamentations de ce pauvre Jérémie dont chaque paragraphe commence par chacune des lettres de l’alphabeth hébreux ce qui donne en premier, « Alèèèf » puis quelques phrases, ensuite « Bèèèèth », et ainsi de suite, le tout terminé par quelques bruits que fait l’officiant pour rappeler le tremblement de terre du vendredi saint.

Le Jeudi-saint, pendant le gloria de la messe, toutes les cloches sonnent à toutes volées, les petites sonnettes des acolytes comme les grosses cloches du clocher qui elles vont prendre leur envol pour Rome pour aller quérir les « cocognes » de Pâques. L’orgue se tait pour trois jours ainsi que les cloches et on sort les deux crécelles (nous, on disait des « racagnacs ») pour remplacer les sonneries. Nous prenons la grosse et lourde crécelle difficile à manier pour faire le tour du village afin d’appeler les fidèles aux offices du vendredi et du samedi, la petite, beaucoup plus légère est réservée pour les offices célébrés à l’intérieur de l’église. Ces jours-là, l’organiste privé de l’orgue, sort de la poche de son gilet une sorte de petit sifflet qui lui donne le « do » et la chorale chante « a cappella ». Puis l’office se termine par une procession pendant laquelle Monsieur le Curé transporte le ciboire qu’il enferme dans le petit tabernacle de l’autel de la Vierge après quelques instants d’adoration. Les personnes qui visitent ces reposoirs ont droit à une indulgence plénière (ah! ces indulgences!) si, entre temps, elles se sont confessées et ont communié.

Enfin cette longue journée se termine par le dépouillement des autels: on enlève tout : les nappes, les chandeliers, les canons (voir plus haut), les fleurs, tout. Et pour finir c’est le lavement des pieds qui en a amusé plus d’un.

Le vendredi après avoir fait de nouveau le tour du village avec les crécelles, nous nous rendons à l’église où l’on chante les psaumes et les lamentations de Jérémie. Ensuite, après une nouvelle lecture de la passion, nous avons les oraisons avec des génuflexions qui donnent ceci : Monsieur le Curé : « Oremus … Flectamus genua ». L’organiste, après la génuflexion :« Levate ». Ceci est, je crois répété 7 fois, ( toujours un nombre symbolique déjà connu en Mésopotamie, bien avant le Christ et venant de l’observation du ciel avec ses 5 grandes planètes plus la lune et le soleil). Vient ensuite l’adoration de la croix, et la cérémonie se termine par la distribution des hosties qui ont été conservées dans le petit tabernacle de l’autel de la Vierge.

Et voici Pâques, la fête des oeufs que les cloches rentrées de leur voyage à Rome nous ont jetées dans nos jardins : des oeufs cuits dur, colorés en brun dans l’eau où trempe de la chicorée, en rouge si on a utilisé des pelures d’oignons, en vert …. là, j’ai oublié, bref comme vous voyez, rien que des colorants naturels. Les enfants peuvent aussi trouver des gros oeufs en carton contenant des « chiques ».

Chacun alors s’en retourne à ses travaux de jardinage car le printemps est là et la grande journée de la communion solennelle arrive à grands pas. Chez nous c’est le premier dimanche de mai. Les trois jours de retraite …. à la sacristie et la visite dans les grands magasins pour le choix de la robe ou du costume qui durent une éternité. Pour les filles, la longue robe blanche est indispensable avec la voilette et l’aumonière alors que pour les garçons il s’agit souvent du costume d’officier de marine avec le long pantalon, leur premier, et le brassard blanc. Et que dire des cadeaux souvent les mêmes : des bénitiers de chambre, des statues saintes et le gros missel. En remerciement nous distribuons nos « souvenirs de communion », images pieuses joliment illustrées au dos desquelles nous écrivons : »Souvenir de la communion solennelle de …. faite en l’église …. ce …… » .A la grand-messe de profession de foi, deux par deux nous nous agenouillons devant Monsieur le Curé et la main posée sur le gros évangile nous promettons de « renoncer à satan, à ses pompes et à ses oeuvres et de nous attacher à Jésus pour toujours ».

La journée se prolonge par le diner, un long repas qui réunit les vieux grands parents, les parrain et marraine, oncles et tantes, cousins et cousines ce qui pouvait faire une assemblée de 25 personnes. En milieu d’après-midi, entre le poisson et le plat de viande, le communiant et ses parents doivent se rendre à l’église pour assister aux vêpres. Ceci permet un moment de digestion pour les grands qui se promènent au jardin et une petite sieste pour les grands-parents. Le lendemain, un lundi bien entendu, les communiants ont congé pour se rendre après la messe de 8 heures en excursion à … Chèvremont.

Pendant le mois de mai, nous participons au salut de huit heures, une occasion pour nous les garçons de taquiner les filles pendant quelques moments autour du monument dans l’ombre complice de l’église.

Durant ce mois de mai également, nous étions « confirmés ». Pour cette journée, nous nous déplaçons vers l’église du doyenné, en l’occurence celle de Nandrin qui est très grande et qui peut accueillir ainsi beaucoup de monde. Nous étions en effet des dizaines, venus de toutes les paroisses, âgés de 11, 12 ou 13 ans car Monseigneur l’Evèque ne se déplace pas dans chaque paroisse ni chaque année. Nous étions accompagnés de nos parents bien entendu mais aussi d’un parrain et d’une marraine, des notables du village qui avaient les moyens de nous payer une tasse de café et un morceau de tarte offerts après la cérémonie. C’était aussi parfois, hélas, l’occasion de fumer notre première cigarette puisque nous étions sortis de l’enfance. En effet, Monseigneur l’Evêque nous avait donner un soufflet sur la joue pour nous adouber tout comme le seigneur du moyen-âge qui recevait ainsi son chevalier en lui frappant l’épaule du plat de son épée. Et en souvenir nous recevions une image avec le portrait de Monseigneur revetu de sa signature.

Ceci nous amène tout en douceur à l’été sans oublier le passage obligé par la semaine des Rogations du latin « rogarer=demander ». Dans le missel vespéral romain édité par l’Abbaye de St André en 1923 on lit : »A la suite de calamités publiques qui s’abattirent au Ve siècle sur le diocèse de Vienne en France, St Mamert établit une procession solennelle de pénitence qui précédait la fête de l’Ascension. ». Pendant cette procession, on récite la litanie des saints. Entre nous, c’est une fameuse litanie : ainsi on répète 61 fois « Ora pro nobis » et pourtant certains saints ont été regroupés comme Côme et Damien ou encore, Gervais et Protais ( tiens, en voilà que je ne connais pas). Suit une série d’invocations (j’en ai compté 38, telles : « a subitanea et improvisa morte », en français « de la mort subite et imprévue », l’une ne va pas sans l’autre, je crois, ou encore « a pest, fame et bello » traduction : »de la peste, de la famine et de la guerre ») terminées chacune par « Liberamus Domine« , le tout accompagné de psaumes et de prières. Evidemment pour durer toute la procession il faut bien ça. Nous parcourrons toutes les rues du villages mais aussi les chemins de campagnes et des prairies où les vaches enfin sorties de leur étable nous regardent passer d’un oeil bovin. Les plus jeunes bêtes nous accompagnent et certaines se mettent à « biser » quand on entonne un cantique. Aucun fermier n’aurait manqué cette procession qui assurait de bonnes récoltes pour l’année.

Et nous arrivons petit-à-petit à l’Ascension que nous apprécions beaucoup puisque c’est un jour férié légal et donc jour de congé suivi, 10 jours plus tard, par la Pentecôte précédée de sa période de 4 temps. Et c’est enfin l’été, avec les vacances, les fêtes de villages et les processions.

Chez nous, c’est le 15 août. Je ne vous parlerai pas de la « fête », « so l’fiesse » comme on dit, c’est à dire l’endroit où se situent les baraques foraines et les carrousels car tel n’est pas mon propos. Je vais vous parler de la procession. Celle-ci se prépare plusieurs jours d’avance par le grand nettoyage de l’église, la fabrication de roses en papier et la coupe des « mais », ces baliveaux, jeunes arbres provenant de la coupe des taillis. La veille ou même le dimanche matin, les hommes plantent les « mais » pendant que les femmes accrochent les roses et ornent les fenêtres de leur maison, des statues des saints ou des crucifix qui trônent un peu partout dans les maisons, entourés de chandeliers puis la rue est parsemée de pétales de fleurs et du feuillage de l’ache au parfum caractéristique et abondant au jardin à cette époque de l’année.

Le nec plus ultra est l’autorisation de pouvoir installer un reposoir chez soi, promesse certaine de nombreuses grâces. Une table recouverte d’une nappe blanche brodée sur laquelle sont déposés 2 chandeliers est dressée devant la porte d’entrée qui a été masquée par une grande draperie le tout entouré de mais et de bouquets de fleurs apportés par les voisins. Au cours de la procession, Monsieur le Curé y fait une halte et bénit la foule et tout spécialement les habitants qui ont érigé ce reposoir.

Le cortège se met en place après la grand-messe. Le garde-champêtre, en grand uniforme, ouvre la marche. Il est suivi d’une première bannière, celle de St Michel terrassant le démon, ceci pour écarter du parcours les mauvais esprits, suivie des jeunes gens pour lui prêter main forte! Vient alors la bannière de la Ste Famille escortée des jeunes filles portant elles-aussi de petites bannières et des communiantes de l’année qui ont revêtu leur robe blanche. Vous avez alors , précédée des dames, la statue de Notre-Dame portée sur un baldaquin par 4 jeunes hommes vigoureux accompagnés de leurs remplaçants. La bannière du St Sacrement arrive enfin suivie des hommes et des acolytes en ornements bleus, parmi ces derniers vous avez les thuriféraires secouant énergiquement les encensoirs, les sonneurs agitant vigoureusement leurs sonnettes et tous les autres. En dernier lieu arrive, porté par les dignitaires de la Fabrique d’église, le dais sous lequel Monsieur le Curé a pris place, revêtu de la lourde chape d’or et de l’huméral des fêtes et portant le lourd et magestueux hostensoir. Et tout autour, les chantres de la chorale formant une haie d’honneur parcourent toutes les pages de leur hosanna pour retrouver les paroles des chants latins ou des cantiques en français.

Si le droit de porter le dais est un honneur réservé à certains, il en est de même pour les bannières et cet honneur est presqu’une affaire de famille qui se transmet de génération en génération. Et dans ce cortège, les cantiques alternent avec la récitation du chapelet.

A chaque reposoir, le baldaquin de Notre-Dame est soutenu par des béquilles et Monsieur le Curé s’avance vers l’autel temporaire. On chante un cantique, on prie pour tous puis Monsieur le Curé bénit la foule avec l’hostensoir qui brille de tous ses feux pendant que les petites filles jettent à pleines mains des pétales de fleurs tandis que les acolytes agitent vigoureusement leurs sonnettes. La foule chante à pleine voix le « Tantum ergo ». Enfin la procession rentre à l’église pour une dernière bénédiction et chacun s’en retourne pour diner avant d’aller s’amuser sur la fête. A propos de la procession, il m’en a été conté une bien bonne tout dernièrement et elle est authentique. Voyez plutôt. Ce dimanche-là, on avait laché les pigeons et ils tardaient à rentrer. Soudain le maïté de Henri arrive et se pose sur le toit de la maison quand s’amène au coin de la rue, la première bannière. Henri craignant que les cantiques n’effraient son champion, se précipite au devant du cortège pour l’arrêter. Monsieur le Curé, colèbeu lui-aussi, n’a pas hésité un instant et … on fit une pause. Je n’ai pas su si le pigeon avait fait un prix!.

L’été tire à sa fin déjà et septembre est là avec la rentrée des classes et la reprise du catéchisme du matin puis c’est le mois d’octobre avec son salut du Rosaire, une nouvelle occasion pour les garçons de courir derrière les filles autour du monument dans l’obscurité naissante.

Et nous voici à la Toussaint puis au jour des morts, autre jour férié et de congé. La semaine qui précéde, voit arriver au cimetière un défilé de seaux, de brosse et d’eau de Javel pour nettoyer la pierre de taille des tombes. Il faut en effet débarrasser les dalles des mousses qui ont proliféré depuis 11 mois. Certains de ces monuments funéraires vallent une fortune et quelquefois certaines familles s’endettent pour faire ériger de véritables mausolées qui voisinent d’humbles tombes où se dresse une croix de fonte ou tout simplement une croix de bois.

Je me promène quelque fois au cimetière et je me remémore d’anciennes anecdotes du village au vu des photos vernissées et palies. Ici c’est mon ancien curé, tout à côté le garde-champêtre qui, l’un comme l’autre « requiescit in pace » sous une simple dalle de granit, une dalle qui porte ces 3 lettres « C.A.P », ce qui veut dire : concession à perpétuité! une perpétuité de … quelques décennies. Plus loin ce sont les mausolées des familles qui avaient du bien ou les caveaux des grandes familles : là reposent, côte à côte, les grands-parents, les parents, des oncles, des tantes, des enfants morts en bas âge. Et je revois la vieille forge, la petite maison du cordonnier, l’étal du boucher-charcutier, les belles « dorées d’Alice », le sourire d’une voisine, les frasques d’anciens condisciples, les aventures avec des amis, mes premières amourettes. J’entends encore la voix de basse de l’organiste et …. l’angélus, bien réel lui, qui sonne au clocher et me ramène à mon histoire, l’histoire …. d’une année au pied du clocher.