Olivier Renson D’après un article de « Vers l’Avenir » du jeudi 9 septembre 1965.
Quelques années avant la seconde guerre mondiale, Monsieur l’abbé Henri Meulders, curé d’alors, reçut en son presbytère la visite d’un monsieur désireux de consulter les anciens registres paroissiaux. En fouillant dans les archives, le visiteur découvrit dans le registre de 1728, la relation intégrale d’un miracle qui s’était produit devant la statue de Notre-Dame de Neuville à cette époque.
Depuis plus d’un siècle, cette statue avait miraculeusement disparu ! L’existence de cette statue n’était pas inconnue à Monsieur l’abbé Meulders mais il pensait qu’elle avait dû disparaître lors de la Révolution française. Le visiteur se retira et les choses en seraient sans doute restées là si toute l’affaire n’avait connu un sensationnel rebondissement lors des tragiques journées de mai 1940.
A leur arrivée dans le village, les Allemands firent vider les greniers. Au cours de cette opération, Monsieur l’abbé Meulders découvrit dans les combles du presbytère la fameuse statue de Notre-Dame !
D’après les experts qui l’examinèrent, il s’agissait d’une œuvre d’art qui datait de la moitié du xvème siècle. Lorsqu’elle fut retrouvée, la statue en bois avait perdu beaucoup de sa superbe !
Effectivement, la vierge avait perdu sa couronne, son sceptre et son bras droit tandis que l’enfant Jésus n’avait plus de bras du tout. Monsieur l’abbé Meulders la transporta un jour à l’église telle qu’elle était et toute la paroisse s’engagea à la restaurer et à rétablir son culte si tous les prisonniers rentraient sains et saufs.
Durant le grand conflit mondial, un obus allemand explosa devant le monument aux morts où plusieurs personnes se trouvaient ; un éclat pénétra même dans l’église et troua la chaire de vérité.
Vers la fin de la guerre 150 V1 tombèrent aux alentours immédiats de Neuville sans jamais endommager les maisons du village.
Le 7 septembre 1944, des avions ont survolé la commune alors qu’elle était encombrée de grosses pièces d’artillerie allemande mises en batterie pour stopper les chars alliés qui se trouvaient quelques kilomètres plus loin. A ce moment, Monsieur le curé Meulders prit peur, il transporta la statue sur son bureau et récita vingt et un chapelets devant elle ! Quand il ressortit, les Allemands avaient évacué le village avant même d’avoir tiré le premier obus.
Quant aux prisonniers de guerre ils rentrèrent tous sains et saufs !
Dès lors, les paroissiens tinrent à honorer leurs engagements. Il fut décidé de couvrir la statue d’une pelure d’or et de reconstituer la couronne et le sceptre d’argent de la vierge et le monde que l’enfant Jésus tient en mains. On vit alors les dons affluer ; bagues, pièces d’or et d’argent, broches, colliers, montres,… Les bénédictins de Maredsous se chargèrent du travail.
Le rétablissement du culte de Notre-Dame eut lieu le 9 septembre 1945.
Pendant les semaines qui précédèrent les cérémonies mariales, le village vécut dans la fièvre des préparatifs. L’ensemble prit les proportions d’une véritable apothéose ! Pas moins de huit arcs de triomphe majestueux se dressèrent dans les rues ; les maisons particulières furent garnies de fleurs, de guirlandes de verdure et d’oriflammes. 1300 roses en papier furent confectionnées pour la circonstance. A cette époque, le papier était une denrée tellement rare qu’on dut arracher un bon autorisant l’achat du stock au ministre des Affaires économiques !
Jamais Neuville n’avait été aussi richement parée que pour cette fête mariale qui se déroulait dans l’allégresse de la libération !
Le 9 septembre 1945, Neuville-en-Condroz fut véritablement un haut lieu de piété mariale. Mgr Kerkhofs évêque de Liège avait demandé à présider lui-même les cérémonies. Ces dernières se déroulèrent au milieu d’une foule évaluée à plusieurs milliers de personnes. Des trams spéciaux de la ligne Val-St-Lambert – Clavier avaient été mis en service par la SNCB. A la première messe, Mgr Kerkhofs distribua 392 communions dans un village de 600 âmes ! Ce fut là un fait unique dans les annales de la paroisse. Le moment le plus émouvant fut sans aucun doute l’apparition de la statue resplendissante portée par les prisonniers de guerre en uniforme militaire. Durant toute la journée, le charmant village condruzien fut secoué d’une extraordinaire ferveur mariale.
Au cours des années qui suivirent cet événement, Monsieur le curé Meulders vint souvent dans l’atmosphère feutrée de l’église se recueillir devant la statue, lui confier ses peines, ses joies, ses espérances. Il demeura en fonction jusqu’en 1973 et ses successeurs vouèrent à Notre-Dame une égale dévotion.
Le dernier en date, l’abbé Pierre Hanosset, rétablit même la procession à la fête patronale du 15 août. A l’intérieur de l’église, une plaque offerte par les paroissiens remercie Notre-Dame pour sa protection durant la grande guerre. Cette dernière étend sur l’entité une protection dont la vigilance ne s’est jamais relâchée, même pas lorsque pendant 150 ans, elle gisait abandonnée de tous et mutilée dans les combles du presbytère.