Monsieur Thomas Moor, nous a adressé le courrier suivant.
Je vous remercie de m’avoir envoyé les reproductions, très intéressantes, de cartes postales et de photographies du château Braconier, transformé par l’architecte C1ément Pirnay, vraisemblablement autour de 1910 (le permis de bâtir n’étant pas conservé, il n’est malheureusement pas possible de déterminer la date avec précision). Les archives de Clément Pirnay sont actuellement introuvables; seul un curriculum vitae de 1939, conservé à l’ordre des architectes de la province de Liège, permet de cerner – partiellement – la carrière de l’architecte. Pour la construction qui nous intéresse, Pirnay écrit dans son curriculum: « La Neuville en Condroz -1910- Château de Mr Braconier-Lamarche ». Il semble que ce soit la seule construction de l’architecte dans la région.
A l’analyse des cartes postales postérieures à 1906, on décèle la présence d’une nouvelle aile au château Braconier. Celle-ci est de style éclectique; Pirnay ne construit généralement pas en ce style, préférant l’ Art nouveau, puis le modernisme.
Cependant, les rangées de quatre fenêtres de la nouvelle aile, placées sous un pignon triangulaire, rappelle le traitement des fenêtres de la chocolaterie Rosmeulen, une importante construction industrielle érigée par Pirnay vers 1909 près de Tongres (Nérem), dont je vous envoie des photographies. On peut penser que Pirnay, conformément au souhait du propriétaire, a dessiné des transformations respectant l’architecture du château existant.
A titre d’information, je vous présente une petite notice biographique qui synthétise l’état d’avancement actuel de mes recherches sur ce personnage :
Clément Pirnay (Verviers, 13 juin 1881 – Chimay, 24 septembre 1955).
Pirnay est curieusement absent des publications d’époque; son œuvre, pourtant très importante, mérite à plus d’un titre de l’attention. Pirnay est l’un des premiers architectes, à Liège plus particulièrement où il a installé son bureau, a adhérer au mouvement moderne. Il est reconnu par ses contemporains, notamment par les architectes Paul Jaspar, Fernand Bodson ou encore Victor Horta. Les archives personnelles de l’architecte sont malheureusement introuvables, à l’exception de quelques photographies d’époque, des permis de bâtir, et des documents concernant sa collaboration avec les architectes liégeois Paul Jaspar et Paul Comblen.
Le bureau d’architecture qu’il dirige, 44 rue Dartois à Liège, aurait employé jusqu’à 14 personnes, selon les dires de ses enfants Julien Pirnay (aujourd’hui décédé) et Georgette Pirnay1.
Après une formation avortée à l’Institut d’architecture Saint-Luc et à l’Académie des Beaux-Arts de Liège, Pirnay entre au bureau de Paul Jaspar en 18982.
Il y devient l’employé principal, exécutant notamment les permis de bâtir de Jaspar (1902, maison du docteur Janssens, r. du Jardin Botanique, Liège; 1902, maison Dupont, rue Lairesse, Liège; 1903, salle de la Renommée, rue Laport, Liège; 1905, maison Van der Schrick, rue du Vieux-Mayeur, Liège)3 .
Il collabore à de nombreux projets sous la direction de Paul Comblen, entre autres, la construction des aubettes modernistes pour le libraire Bellens à Liège (1904-1910)4.
n°44-42
Etat actuel Photo
T.MOOR
Ses premières constructions sont influencées par l’architecture Jaspar, particulièrement par sa production art nouveau. L’habitation personnelle de Pirnay, érigée en 1910 rue Dartois à Liège (classée ; cf photos), constitue la première étape de son abandon des conventions stylistiques de l’Art nouveau pour le modernisme. Ace moment, il est pressenti par Gustave Serrurier-Bovy pour lui succéder, peu de temps avant le décès du décorateur liégeois5. Il préconise l’emploi du. béton armé pour la plupart de ses constructions, et utilise le métal pour les portes, châssis de fenêtre ou encore pour le mobilier.
Il est actif à Liège mais construit dans tout le pays pour des particuliers, des industriels ou des sociétés de logements à bon marché.
Il réalise plusieurs chocolateries: Rosmeulen, à Nerem près de Tongres, vers 1909 ; Gretry, quai de la Boverie vers 1920; Kwata, rue Dartois à Liège (classée; cf. photos), vers 19226.
Avec la co1laboration du peintre liégeois Emile Berchmans et de son frère sculpteur, Oscar, il transforme le cinéma Palace, rue du Pont d’ Avroy à Liège entre 1910 et 19137.
En 1920, il participe au lotissement de la Cité-jardin du Tribouillet à Liège8.
En 1921, il est chargé de la construction du stade du Royal Football Club Liégeois, chaussée de Tongres à Rocourt (démoli il y a quelques années).
En 1937, après avoir ralenti sa production architecturale pour des raisons de santé, Pirnay entre au service provincial des bâtiments comme dessinateur architecte.
La chocolaterie ROSMEULEN à Nérem (Tongres – 1909). Etat actuel de l’entrée.
Photo T.MOOR.
J’espère que ces informations vous intéresseront; je ne manquerai pas de vous tenir au courant de l’évolution de mes recherches sur Pirnay, en particulier si je peux apporter des précisions sur le château Braconier.
Bien à vous,
MOOR Thomas, Historien Remicourt, le 22 octobre 2001
1 BRUYERE Jean-Marie, Introduction de l’architecture moderne à Liège. Le Modern Style. Clément Pirnay, mémoire de l’Institut supérieur d’architecture Lambert-Lombart, Liège, 1977.
2 PIRNAY Clément, Curriculum Vitae, Ordre des Architectes de la Province de Liège, dossier personnel, 1939
3 CHARLIER Sébastien, L’architecture Art Nouveau à Liège, mémoire de licence en Histoire, Université de Liège, 2000, 2 vol.
4 MOOR Thomas, Paul Comblen (1869-1955). De l’art nouveau au pré-modernisme. Un architecte à la croisée des influences, mémoire de licence en Histoire. Université de Liège, vol. I, p. 117.
5 WATELET Jacques-Grégoire, L ‘Oeuvre d’une vie. Gustave Serrurier-Bovy. Architecte et décorateur liégeois, (1850-1910), Alleur-Liège, éditions du Perron, 2000. p. 282.
6 PIRNAY Clément. op.cit.. 1939.
7 PIRNAY Clément, op.cit., 1939; LEROY Gaëtane, Oscar Berchmans, (1869-1950), mémoire de licence en Histoire de 1’art et Archéologie, Université de Liège, 2000, p. 120-121.
8 PIRNAY Clémcnt. op.cit.. 1939.