Ferdinand M DESSENTE
Dans le courant du mois de mai de cette année, les ouvriers du cimetière entreprirent des travaux de terrassement. Le but était d’empierrer un chemin dans la parcelle de l’Etat belge à environ 50m derrière le complexe du mât situé au fond du cimetière. Quelle ne fut pas leur surprise de mettre au jour un dépôt de centaines de plaquettes d’identification. Le dépôt renfermait également les restes d’une pelle, d’un Jerrycan1 et de châssis de fenêtres. Les hommes rapportèrent qu’ils devait y en avoir encore un très grand nombre. Les plaquettes trouvées sont en aluminium mais portent d’importantes traces de rouille provenant des objets en fer mis en contact avec elles. Un très grand nombre sont cassées en deux et abîmées d’une manière ou d’une autre. En fait elles proviennent des marqueurs de tombes (Croix ou étoiles de David) en bois marquant les tombes provisoires Elles en ont été détachées avant la destruction des marqueurs de tombe irrécupérables. Les autres marqueurs furent remis à neuf et réutilisés provisoirement sur le cimetière actuel en attendant l’arrivée des stèles en marbre.
Il faut d’abord rappeler que ce que nous appelons la plaque matricule est une plaque métallique inoxydable rectangulaire munie d’une chaînette permettant de la passer autour du cou (plaque: hauteur 5cm, largeur 5,7cm; chaînette: longueur 71cm). Elle porte cinq petites fentes destinées à faciliter le bris en deux parties égales. Chaque moitié fut estampée: A la première ligne on estampa le mot ARMEE BELGE suivie du numéro matricule du militaire, à la deuxième ligne, le nom de famille suivi du prénom ou des initiales des prénoms, sur la troisième ligne sa date de naissance suivie de sa religion, elle-même suivie de son type sanguin. Lorsque le soldat est tué, une moitié, si possible, est détachée et remise à l’autorité compétente, preuve de sa mort.
Avant juillet 1943 L’armée américaine a choisi une solution différente: le soldat porte deux plaques matricules inoxydables. Elles sont plus petites, ont une forme rectangulaire avec deux extrémités arrondies. Celle de gauche porte une encoche dans le haut, celle de droite un trou. L’encoche permet à la plaque d’être introduite dans la machine à estamper et de la faire progresser au fur et à mesure de l’estampage.
Quant au trou, il a été prévu pour permettre d’enfiler une chaînette permettant de la passer au cou. La seconde plaque est munie d’une courte chaînette qui est enfilée sur la chaînette plus longue (plaque: hauteur 2,8cm, largeur 5,2cm; chaînette longue: 69cm, chaînette courte: 14cm). Les Américains appellent ces plaques « Dog tags » (plaques de chien!).
A partir de juillet 1943 Sur chaque plaque on trouve estampés:
-sur la première ligne: le premier prénom suivi de l’initiale du deuxième prénom lui- même suivi du nom de famille ;
-sur la deuxième ligne: le numéro matricule suivi de l’année du vaccin antitétanique (ex.:T43), suivi du type sanguin ;
-sur les anciennes plaques (celles d’avant juillet 1943), on trouve sur les trois lignes suivantes l’adresse de la personne à prévenir (père, mère, sœur…). Après cette date, cette mention fut omise car l’ennemi pouvait alors exercer une pression au cas où le soldat aurait été fait prisonnier.
-Enfin, on trouve sur la sur la dernière ligne, la cinquième, la lettre correspondant à la religion du soldat. P pour protestante ; C pour catholique et H pour hébraïque.
Duplicata avec la mention GRS Lorsqu’on récupérait la dépouille mortelle d’un soldat, on trouvait sur elle, soit les deux plaques, soit plus qu’une, soit encore aucune des deux plaques. Lors de l’inhumation provisoire, on épinglait dans le premier cas de figure, à l’aide d’une épingle de sûreté, une des deux plaques sur la poitrine du mort, l’autre étant clouée au dos du marqueur de tombe en bois. En l’absence d’une ou des deux plaques matricules, on réalisait un ou deux duplicata avec à la première ligne le nom complet du soldat et à la deuxième ligne son numéro matricule et à hauteur de la cinquième ligne les lettres GRS (pour Grave Registration Service: Service d’enregistrement des sépultures). La présence de cette dernière mention attestait qu’il s’agissait de duplicata. Ces duplicata jouaient alors le rôle des plaques matricules originales. On a trouvé de telles plaques enfouies au cimetière américain de Neuville.
Il est arrivé très souvent qu’une des plaques matricules absente fut remplacée non par un duplicata mais par une plaquette d’identification en aluminium (Identification label: étiquette d’identification). C’est cette dernière qui était alors clouée au dos du marqueur de tombe en bois
Dans le lot trouvé, il y a deux formats: une plaquette étroite (largeur: 3 cm, longueur: 14cm) et une plaquette large (largeur: 4,5cm, longueur: 13,5cm), et deux types de caractères: les grands font 6mm de hauteur~ les petits, 3mm de hauteur.
Plaques d’identification pour des soldats identifiés.
A) Sur les plaquettes étroites on trouve estampées avec les grands caractères les données suivantes:
pour les soldats identifiés:
1ére ligne: le nom complet~
2ème ligne: le n° matricule et le grade (en l’absence de l’une des deux données, on estampait les lettres UKN (= Unknown: inconnu) ;
3ème ligne: NEUVILLE suivi de la localisation de la tombe (carré -ligne -n° de la tombe).
pour les soldats non-identifiés:
1ére ligne: UNKNOWN (Inconnu) X N° (**);
2ème ligne: NEUVILLE suivi de la localisation de la tombe (carré, ligne, n° de la tombe).
B) Sur les plaquettes larges on a utilisé les petits caractères, sauf quand il n’y a que trois lignes de données. Voici les mentions:
pour les soldats identifiés:
1ére ligne: le nom complet;
2ème ligne: le n° matricule;
3ème ligne: le grade et l’unité (parfois simplement AGF: Army Ground Forces: Forces terrestres de l’armée; ou AAF: Army Air Forces: Forces aériennes de l’armée);
4e ligne: date du décès; et à l’extrême droite la lettre correspondant à la religion du soldat: P = protestante, C = catholique, H = hébraïque.
5ème ligne: Localisation de la tombe: carré, ligne, n° de la tombe suivi du nom du cimetière.
pour les soldats non-identifiés2 :
1ére ligne: UNKNOWN (: Inconnu) X N° 3;
2ème ligne: UNK (pour la matricule) UNK (pour le grade)
3ème ligne : Nom du cimetière et localisation de la tombe: carré, ligne, n° de la tombe.
Plaques d’identification pour des soldats inconnus.
Pour être complet, il faut signaler qu’à l’avant de chaque marqueur de tombe en bois, préalablement peint en blanc on stencilait à la peinture noire sur la partie horizontale:
1ère ligne: le nom complet du soldat ou UNKNOWN s’il était inconnu.
2ème ligne: le numéro matricule du soldat identifié. et
devant, au pied, le numéro de la tombe dans sa rangée.
Remarquons que sur les caisses de protection des cercueils ont été fixées des plaquettes similaires à celles clouées au dos des marqueurs de tombe, mais l’information y figurant provenait alors du Formulaire 1: DISINTERMENT DIRECTIVE (Directive d’exhumation).
L’auteur à prélevé au hasard 33 plaquettes en relatif bon état. Sur les 20 plaquettes d’identification de marqueurs de tombes, 2 correspondent à des tombes d’Inconnus inhumés dans le cimetière américain actuel de Neuville. Il s’agit des Inconnus X -80 et X -7433 respectivement inhumés dans les tombes B-36-38 et A- 23-14. Les 18 plaquettes restantes correspondent à des dépouilles mortelles qui ont été identifiées ici et ont, soit été rapatriées aux Etats-Unis, soit inhumées définitivement dans notre cimetière américain, à la demande expresse des famille.
Sur les 13 plaquettes correspondant à des soldats identifiés, 5 ne reposent plus ici à Neuville et leurs dépouilles mortelles ont donc été rapatriées aux Etats-Unis, également à la demande expresse des familles.
Ouvrages consultés:
-FM 10-63 -War Department Field Manuel- GRAVES REGISTRATION WARDEPARTMENT -January 1945.
-SR 830-110-5 -Special Regulations N° 830-110-5 -GRAVES REGISTRATION’
SERVICE
Permanent Interment of World War II Dead
DEPARTMENT OF THE ARMY, Washington 25, D.C., 3 March 1949.
1 Qui peuvent avoir été identifiés ultérieurement.
2 Qui peuvent avoir été identifiés ultérieurement.
3 Chaque corps non identifié recevait au fur et à mesure de son arrivée au cimetière provisoire un numéro X (par exemple: X 80, X 81, etc…).