Dans un ouvrage déjà ancien de Théodore Gobert1, le premier chapitre traite de la houille. Il mentionne2, fier d’être Liégeois, qu’il n’en est pas un qui ose dénier au pays de Liège le mérite d’avoir préludé à l’industrie houillère.
Dès lors, il invoque le témoignage d’un moine qui compilait bon nombre d’annotations à l’image de Renier de Saint-Jacques sur lequel nous allons revenir. Il s’agit de Gilles d’Orval. Gobert écrit que celui-ci est l’auteur de la version primitive du récit mystérieux dans lequel un forgeron paraît en héros de l’industrie charbonnière. Cette version aurait servi de base à toutes les autres relations légendaires s’y rapportant. Voici ce qu’en écrivait il y a plus de sept cents ans Gilles d’Orval : « Vers ce temps (d’Albert de Cuyck ; NDLR prince-évêque à l’époque), une terre noire, pouvant servir aux artisans du fer et pour les foyers domestiques, fut trouvée près de Liège d’une manière étonnante. A ce qu’on rapporte, un certain vieillard, vénérable par la barbe et les cheveux blancs, vêtu de blanc également, passait à un endroit appelé « Coché », lorsqu’il rencontra un forgeron qui se plaignait de ce que son rude travail ne lui donnait aucun bénéfice, à cause de l’excessivité du bois » 3. Citons en passant que le terme « coché » ou « cochets » correspondaient en vieux wallon aux premiers extraits de houille extraits d’une fosse.
Mais revenons sur cette histoire, d’autant plus que Gobert parle d’une historiette qui ne doit pas obtenir davantage de crédit que l’auteur lui-même n’a voulu lui en prêter évoquant d’ailleurs son histoire comme un « racontage ». Cependant, il convient de constater à ce sujet que Gilles d’Orval n’a connu ni Hullos ni son prétendu lieu d’origine : « Plénevaux ». Nous y sommes !
D’autre part, le texte le plus souvent cité pour l’invention de la houille est quand même Renier de Saint-Jacques4. Il a vécu entre 1155 et 1220.
Dans cette source, Renier se rend compte de la composition du charbon, non seulement de la nature de la houille, très semblable au charbon de bois, mais également de son utilité pour les forgerons. De plus, elle permet aux pauvres de se chauffer à bon compte.
Par ailleurs, dans un texte cité par Ferdinand Henaux5, le prince-évêque Hugues de Pierpont donnait à l’Abbaye du Val-Saint-Lambert une exploitation houillère en un endroit appelé « Cheans du bure » où se trouvait une houillère abandonnée.
Ce fait est vigoureusement rejeté par Eugène Polain6. Cependant, cette assertion nous intéresse directement puisque Henaut plaçait cette houillère en dessous de « la Neuville-en-Condroz », entre ce village et « Ville-en-Court ». La ferme qui s’y trouve se nomme toujours encore « Ferme du Champ des Bures » (dixit Polain), le terme n’étant pas contestable.
Cependant, Polain poursuit : « à l’assertion de Henaux » on pourrait objecter deux faits. Le premier est qu’il serait pour le moins singulier qu’un bure de houillère, ce qui suppose l’exploitation des veines en profondeur et sous le sol, autrement dit d’un stade déjà avancé, fût déjà abandonné au début du XIIIème siècle auprès de « la Neuville-en-Condroz, alors que, près de Liège, l’exploitation ne s’appliquait encore qu’aux houilles d’affleurement et probablement à ciel ouvert , comme une minière ou par galeries à flanc de coteau, en suivant la veine ou en la recoupant » . En outre, Polain trouve l’hypothèse de Henaux encore plus hasardeuse car il semble que c’est bel et bien par galerie à flanc de coteau que les premières houilles furent exploitées d’abord sur le thier de Ramet au sommet duquel se trouve « le Champ des Bures »…
Mais y a-t-il jamais eu de la houille à cet emplacement, limite de la zone calcaire ? Le « Champ des Bures » s’interroge Polain n’était-il pas primitivement le champ des bœufs par opposition aux « Prés des Vaches » qui se trouvent un peu plus haut sur le thier de Ramet ? 7.
D’autre part, au sujet de ces supposées exploitations et des rapports avec notre commune, le même Polain considère aussi les « Chroniques médiévales » comme anecdotiques « où l’on raconte que la houille fut découverte en 1198 par un « proidhomme » de Plainnevaux nommé Hullos, nom qui en réalité peut ne signifier que houilleur, ce qui rend vraisemblable le nom de Houlleux aux lieux de Hullos, que le personnage porte dans certaines de ces petites chroniques » (sic).
Quoi qu’il en soit, peu importe l’origine de la houille en Pays de Liège et les controverses, car finalement, et soyons chauvins Neuville et Plainevaux sont entrés dans l’histoire, même légendaire !
Alain-Gérard KRUPA
1 GOBERT, Théodore, Curiosités historiques de la Wallonie, Liége, 1914.
2 Idem, p. 26-27.
3 Ibidem.
4 ALEXANDRE , Annales Sancti Jacobi, s.l.n.d., p. 51.
5HENAUX, Ferdinand, Esquisses d’une géographie du pays de Liège, 1840.
6 POLAIN, Eugène, La vie à Liège sous Ernest de Bavière, L’industrie et le commerce, Liège, 1936, p. 94.
7 POLAIN, Eugène, Ibidem, p. 95.