1659. Ambiance (1917-1918) pendant la Grande guerre à Plainevaux…

Daniel Van Alken

« Mais où donc sont passés…tous ces Français ? »

Le 4 décembre 1916, l’ « Anna », un remorqueur parvient à passer en Hollande avec 42 passagers au nez et à la barbe des Teutons !

Décembre 1916, il fait froid, le charbon est rare et cher, le pétrole aussi et même le carbure (éclairage) !

Les Allemands « récoltent » les métaux non ferreux, cuivre, zinc, bronze… on démonte les poignées des portes et fenêtres et… les tringles à rideaux ! Beaucoup vont enterrer dans leur jardin, les objets en cuivre, en bronze et en laiton afin de ne pas devoir les donner aux Allemands. En 1918, plusieurs auront la surprise de ne plus retrouver qu’une infâme masse métallique rongée de « vert de gris » ! Cela avait été, paraît-il, le cas d’un voisin de mes grands-parents qui s’en est servi plus tard comme… prise de terre !

Noël 1916 est triste et froid !

Janvier 1917, Plainevaux passe commande de 10 tonnes de choux-raves, 10 tonnes de carottes rouges, 5 tonnes de tourbe mélassée, 5 tonnes de paillettes de lin mélassées (Sucréma), 10 tonnes de pommes de terre, de la chicorée et du sirop.

Prix des journées de travail à Plainevaux en 1917

La journée d’un homme : 2,50 F.

La journée d’un cheval : 5 F. A comparer avec le prix des denrées alimentaires !!

La journée d’un boeuf : 3 F.

La journée d’un poney : 3 F.

La nuit du 3 au 4 janvier 1917, l’« Atlas V », un autre remorqueur, quitte Liège et parvient, après plusieurs péripéties, à rejoindre Eysden avec 107 passagers clandestins !

Le mois de janvier est très froid, la température varie de – 4°C à – 16°C ! 

Le tabac devient introuvable, on fume n’importe quoi, des fanes de pommes de terre, des feuilles de chênes et même… du crottin de cheval.

La pomme de terre et le rutabaga entrent dans la fabrication du pain et… des gaufres.

Février 1917, le sucre se paie 8,5 F le kg, la viande 12 F le kg, le riz 4,25 F le kg… Les légumes ont presque disparu… il fait – 16° !

Mars est froid et la neige persiste à tomber.

Des groupes sillonnent les campagnes pour tenter d’acquérir à prix d’or des victuailles dans les fermes, d’autres font des kilomètres avec des charrettes à bras pour ramener du bois mort. Les Allemands les attendaient aux limites de la ville pour leur voler le précieux chargement…

Après un recensement « d’essences », l’occupant se met à dévaster les forêts et les villages pour « récupérer » les ormes, les frênes, les peupliers et les noyers.

AU MOIS DE MAI, ON DOIT REMETTRE À L’OCCUPANT… LES FILS DE FER QUI SERVENT DE CLÔTURES !

Au 13 juin 1917, demande de l’autorité allemande pour que la commune accueille 300 évacués français.

Juin 1917, il faut 80 F pour une paire de chaussettes.

On doit livrer à l’occupant les pneus, les morceaux de caoutchouc, la soude caustique, le plomb, et le carbonate de soude.

Nouvelle envolée des prix, la viande à 14 F le kg, le beurre à 18 F le kg, le café à 36 F et le chocolat à 60 F.

De la fin de 1913 à juin 1917, le prix de certains médicaments sera multiplié par… 400 !

Le 13 juillet 1917, la commune manifeste son intention de nommer

4 nouveaux agents de police !

Le 25 juillet, on en nomme… sept ! Pire Emile, Lognoul Alfred, Pirard Victor, Deprez Joseph, Thonon Alphonse, Thiry Jean et Wathy Joseph.

C’est une trouvaille géniale du bourgmestre Gilon ! En multipliant les agents de police, il s’assure ainsi que les Allemands (casernés à Esneux) ne viendront pas trop mettre leur nez dans les affaires de la commune ; de plus cela donnait droit à ces gens d’avoir un salaire fixe et des rations supplémentaires !

En août 1917, le beurre atteint 22 F, le café 50 F et le saucisson d’Ardenne 45F.

A Plainevaux, il y a 948 habitants, formant 250 ménages. 102 ménages sont éclairés par l’électricité ! La population maigrit à vue d’oeil… la volaille se fait rare et on ne sait plus la nourrir.

On teint de vieilles couvertures pour en faire des manteaux, les chaussures sont munies d’une semelle de 2 cm d’épaisseur en … bois !

Plusieurs voies vicinales sont démontées et prennent avec le matériel la direction de l’Allemagne (c’est le cas de notre voie vicinale Ougrée-Warzée.).

Noël 1917 est encore plus triste…

Janvier 1918, la vie devient très chère ; le lard à 30 F le kg, le sucre à 12 F, le beurre à 30 F, le riz à 16 F le kg et le poivre à… 150 F le kg !

Pétition des habitants du village qui veulent une rigole pavée en face de l’école des filles et du presbytère ! (12 janvier 1918)

Il est aussi question d’améliorer le chemin N° 6, c’est à dire le chemin du Moulin et de détourner le ruisseau qui le longe.

Vers le 15 janvier 1918, il y a de fortes inondations, la barque du passeur d’eau à Flémalle chavire et 39 personnes perdent la vie.

Le 17 février 1918, la commune reçoit 151 réfugiés civils français.

« … ces réfugiés sont descendus à la gare d’Esneux à 10 heures du soir et un repas chaud leur a été servi dans cette localité.

Les charretiers et cultivateurs de notre commune les ont ramenés avec leurs bagages et ils ont été placés dans des locaux (provisoires) chauffés où ils ont de nouveau reçu un repas chaud.

Toutes les formalités prescrites ont été observées et le jour même, ils ont été répartis dans des locaux sains et bien préparés. Aussi nous n’avons eu aucune réclamation et tous nos efforts tendront à ce qu’ils conservent un bon souvenir de l’hospitalité reçue dans notre commune... »

… ils veulent tous aller en Suisse !

Le 29 avril 1918, il y a à Plainevaux 244 maisons.

Mai 1918, le lard arrive à 50 F le kg et le beurre à 35 F le Kg.

Le médecin des écoles et de l’état-civil est le docteur Brouet.

Le 14 mai 1918, les Allemands veulent même les clenches et les poignées d’espagnolettes en cuivre du presbytère et de la maison de l’institutrice !

Le 27 mai 1918, il reste 205 vaches pour toute la commune. Il y a 200 « exploitations agricoles » au-dessous d’un hectare (certaines ont… 20 m² !)

A Plainevaux, les réfugiés français quittent la commune pour la Suisse :

Un premier départ a lieu le 27 mai et le deuxième, le 3 juin.

Ils auront donc été hébergés une centaine de jours dans la commune !

Curieusement, il ne semble en rester aucune trace concrète…
Même pas dans la tradition orale du village !!!

Je cherche des renseignements oraux ou écrits sur cet épisode oublié.

Peut-être y a-t-il une ou deux familles originaires de Plainevaux qui possèdent encore un objet, une lettre, un certificat de mariage ou même une photo pouvant témoigner des 3 mois (mars, avril, mai) 1918 ??