Monique Limburg
Texte rédigé à l’initiative de l’Echevinat des Travaux et de l’Aménagement du Territoire, pour Neupré en balade du 30 juillet 2006.
Un peu d’histoire de nos lignes des chemins de fer vicinaux
Le tronçon qui vient d’être aménagé à Plainevaux en direction de Boncelles, fait partie de l’ancienne ligne de tram qui reliait Warzée à Ougrée.
La S.N.C.V., société nationale des chemins de fer vicinaux se donne en 1884 le but de désenclaver les régions rurales. Chez nous, cela résulte en la construction des trois lignes vicinales du groupe de Clavier : la ligne Clavier-Station – Nandrin Quatre Bras – Val-Saint-Lambert, la ligne Warzée – Ougrée et la ligne Clavier-Station – Comblain-au-Pont. Ainsi, le plateau du Condroz s’ouvre vers la vallée mosane industrielle et vers l’agglomération liégeoise. Leur histoire constitue un « classique » des lignes vicinales avec deux périodes : vapeur et autorail.
Benjamine du groupe de Clavier, la ligne Warzée – Ougrée révèle une histoire aussi courte que mouvementée. C’est le 12 février 1901 que la SNCV reçoit l’accord du Gouvernement pour la création de cette ligne. Les enquêtes concernant l’entièreté de la ligne, soit 28,7 km, se terminent en 1904 et la concession d’exploitation doit être prochainement accordée. Hélas, les choses ne se déroulent pas aussi simplement, le tracé définitif ne sera arrêté qu’en 1910. 1913 voit l’achèvement des travaux de voies entre Boncelles et Warzée. La mise en exploitation des 20,18 km de voies a lieu le 15 mai 1914. Hélas, l’époque est mal choisie puisque nous entrons directement dans la première guerre mondiale et, effectivement, dès le début de juillet 1916, on voit l’occupant exiger l’arrêt du trafic.
Il faut attendre 1921 pour la remise en route de l’exploitation entre Boncelles et Warzée. En 1922 a lieu la préparation de l’adjudication des travaux pour la section Boncelles – Lize-Seraing. En 1924, on procède toujours à la construction de la ligne entre Boncelles et Ougrée. Pendant ce temps, apparaissent déjà les premiers indices d’un changement du mode d’exploitation des lignes vicinales. Ce sont les premiers essais des autorails et les premières mises en service d’autobus en 1925. Au cours de cette année, enfin, la ligne aboutit au quartier du Haut-Pré à Seraing-Ougrée, totalisant 28,7 km de voies. L’ouverture de cette section, le 21 mai 1925, entraîne une grosse augmentation de voyageurs et de marchandises. L’exploitation eut lieu en traction vapeur de 1924 à 1936. L’itinéraire Ougrée – Warzée durait plus ou moins 1h15 à la vitesse d’environ 30km/h quand tout allait bien car dans les montées et les agglomérations, on avait peine à dépasser les 10km/h.
Il n’était pas non plus exceptionnel de devoir descendre du train pour dégager une voie encombrée d’un arbre abattu par la tempête, de chasser une vache égarée broutant l’herbe entre les rails ou de devoir « pousser » car la locomotive patinait sur les rails mouillés ou givrés… dans les descentes un peu prononcées, des « habitués » se chargeaient d’actionner les freins qui se trouvaient à l’extrémité de certains wagons. Les hivers enneigés apportaient une note encore plus pittoresque sur cette ligne car les locomotives étaient garnies à l’avant d’un énorme chasse neige, comme les trains des films Western et la fumée de la machine se mélangeait à l’odeur du poêle chauffant le wagon. Les principaux utilisateurs de ce tram au confort rudimentaire des banquettes en bois étaient les écoliers et les ouvriers de jour des usines.
En 1935 sont fabriqués les premiers autorails diesel et le 1er mars 1936, ils font leur apparition sur les lignes de Clavier et l’exploitation a lieu désormais à l’aide de ces nouveaux engins. Les dimanches durant les étés de 1934 à 1939, le SNCV organise des promenades touristiques en train « radio ». Le monde de l’époque étant désireux d’admirer les sites pittoresques du Condroz. Les convois étaient décorés de branchages et chaque compartiment équipé d’un haut parleur diffusant la musique d’un tourne disque se trouvant dans le fourgon.
Lorsque la route du Condroz, nouvellement construite, atteint Boncelles, l’exploitation de la section Boncelles – Ougrée est supprimée. Le service d’autorail subsiste sur la section Warzée – Plainevaux et/ou Boncelles avec transbordement sur les autobus en direction de Liège et ce dès la fin 1938. 1940, nouveaux événements, nouveaux changements. L’exploitation est reprise sur l’entièreté du parcours, en partie, par les locomotives et en partie par les autorails. L’arrêt, en début de guerre de toute circulation SNCB, entraîne un trafic inusité de marchandises sur les lignes vicinales de Clavier qui reprennent tous les envois en provenance du bassin industriel mosan à destination de Comblain. Les « campagnards » vont travailler dans les usines de Seraing et d’Ougrée afin d’éviter le travail obligatoire en Allemagne et les « citadins » partent de bon matin de Seraing, Jemeppe et Ougrée vers les fermes du Condroz pour tenter de s’approvisionner en lait, œufs et pommes de terre. C’est l’époque de la « débrouille ».
Dès la fin de la guerre, le service complet reprend, mais pour peu de temps. L’ère automobile commence et le 8 décembre 1947 sera décrétée la suppression du service voyageurs et marchandises sur la ligne vicinale Ougrée – Warzée.
La succession est reprise par les premiers autobus disponibles à ce moment-là.
La vague américaine qui venait de déferler après la seconde guerre mondiale bouleverserait tant et tant de choses. Notre petit tram disparaissait et les voies furent démontées dès 1948 pour faire circuler les bus rouges et jaunes. Des voitures de plus en plus nombreuses exigeaient de plus en plus de place, des meilleures routes et même des « autostrades ». En effet la route du Condroz venant de Liège et qui s’arrêtait à Boncelles allait être prolongée, de sorte que son ruban motorisé s’ouvrit vers le Condroz par Plainevaux et Rotheux.
Pendant que les villages s’éveillaient au « modernisme », nos bonnes vieilles fontaines et pompes publiques disparaissaient au profit d’une distribution d’eau individualisée et par conséquent beaucoup plus discrète. Dès la fin des années 50, on inaugurait la route du Condroz au-delà de Boncelles et le nouveau règne des supermarchés et le« boum » de la construction s’imposèrent très rapidement durant les années 60 et transformèrent de fond en comble nos villages.
… et de nos jours :
Vues vers le village de Plainevaux (à gauche) et vers la Croisette (à droite) depuis la petite rue Voie de Liège
Après la disparition des trams vicinaux, les assiettes ont été cédées aux communes traversées ou vendues à des propriétaires privés. A Plainevaux, la majorité de cette assiette est restée propriété communale et a ainsi offert la possibilité de compléter l’itinéraire cyclable « au fil de l’eau » reliant le hameau de la Rimière à l’extrémité de Rotheux et la commune voisine de Nandrin à Plainevaux et bientôt à Boncelles (actuellement par les rues Croisette, Beauregard et la route de la Roche aux Faucons mais une liaison ultérieure par les bois de Plainevaux ou le long de la N63 ou mieux encore, par un passage aérien pour rejoindre le vicinal de Seraing est possible).
Passages bucoliques sur le tronçon entre la rue Voie de Liège et la rue Croisette avec, par endroits, des ouvertures de vues vers la vallée de l’Ourthe
Cet itinéraire partiellement en voirie, partiellement sur trottoir cyclable et utilisant aussi des chemins et sentiers passe par le centre de Rotheux et de Plainevaux tout en indiquant les liaisons possibles vers Neuville Village et Domaine. Il est destiné aux vélos mais est également praticable pour les autres usagers non motorisés.
Le vicinal aujourd’hui :
un but de promenade ou un raccourci vers les écoles, commerces et équipements sportifs et récréatifs
Sources :
Présence du tramway 48-49, périodique trimestriel I.II. 1974, éditeur Jean de Meurs , Imprimex, Bruxelles.
Les Tramways au pays de Liège, tome 2, les chemins de fer vicinaux, G.T.F., asbl 1985, Liège.
La Passerelle 1998, Léon Dispa. La Passerelle 1/1999, Léon Dispa
Monsieur Daniel Van Alken, Plainevaux
Remerciemments à Monsieur André Joris, Angleur