Daniel Van Alken & Albert Werner
Proposition de déplacement d’une croix.
Situation de la croix avant récupération par le service des travaux.
Cette ancienne croix était cachée depuis plus de 50 ans près du monument aux morts des deux guerres à Plainevaux (Voie de Liège).
Elle se trouvait sur la propriété de Madame Nicolay le long du mur extérieur des deux petites maisons ayant appartenu à Marcel Henrion et auparavant à la famille Hermann.
Madame Nicolay a vendu les deux maisons et a craint que cette croix ne soit menacée de disparition à court terme… Madame Nicolay a manifesté sa ferme intention pour que ce petit patrimoine rural soit sauvegardé et reste à Plainevaux !
En tant que « piètre historien amateur de la mémoire de Plainevaux », j’ai été consulté (et questionné) par Monsieur Albert Werner, membre de la Fabrique d’Eglise de Plainevaux et par Madame Nicolay.
D’où vient cette croix ? Où va-t-on la replacer ?
Questions pièges !
L’origine est incertaine !
L’endroit est proche d’un point haut, de deux voies antiques (la Voie de Liège et le Chemin des Grandzées) reliant l’Ourthe et le passage de la Meuse à Sclessin (Ougnée à l’époque et qui était la possession de l’abbaye de Stavelot).
Cet endroit était désert (aucune construction avant 1880 !). Autour de ce sommet, où on a construit le monument aux morts des deux guerres, il y a eu (et il y a encore…) plusieurs Chênes à la Vierge Marie ! Citation incontestable en 1661 !
D’après des témoignages oraux recueillis auprès de vieux du village en 1960, il semble se confirmer qu’il y avait, bien avant 1930, derrière ces terrains une croix. Elle était érigée au bout d’un petit chemin (aujourd’hui disparu) un peu au sud de l’endroit où Marcel Henrion a fait bâtir la villa… Ce serait donc Marcel Henrion qui aurait déplacé cette croix hors de sa propriété pour qu’elle soit accessible à tous au bord de la Voie de Liège.
Est-ce la croix d’origine ? J’en doute, mais je ne suis pas du tout un expert.
Elle est en très bon état de conservation, il aurait été navrant de la laisser partir à un ferrailleur !
Nous allons peut-être en savoir plus par les propos de Monsieur Lucien Liboy ! Ce témoignage a été soigneusement recueilli par Monsieur Albert Werner.
« Moi (Lucien Liboy), je suis né en 1919 et je suis l’aîné d’une famille de 5 enfants. Nous habitions Strivay (deux maisons au-dessus de chez Lallemand), la petite maison où il y a des escaliers. J’avais 8 ou 9 ans, oui… je n’avais pas dix ans, et régulièrement je montais de Grandzée vers Plainevaux par le thier de Strivay. Avec mon papa, nous allions rendre visite à son ami Charles qui habitait sur la crête, près du monument d’aujourd’hui.
Charles avait le même âge que mon père et il était douanier à la frontière, dans le village de Rosette ; je ne sais pas où se trouve ce village mais je me rappelle du nom !
Mon père s’était assis devant la fenêtre et Madame Rosine Scheepers (la maman de Charles) de lui demander – Ne vous mettez pas devant la fenêtre car je ne vois pas la croix !
C’est là que j’ai entendu, plus d’une fois, l’histoire de la croix.
En août 1914, les Allemands venant d’Esneux, montaient de Strivay vers Plainevaux. Ils montaient par Gargane, comme on disait à l’époque.
Sur la bosse (la crête), il n’y avait que cette petite maison avec des étables à côté.
L’armée belge était sur place et observait la progression de l’ennemi…1
Un soldat belge serait monté sous le toit d’une des étables et soulevant deux tuiles, aurait tiré vers les Teutons ! Un officier Allemand aurait été tué !
Le moment de surprise passé, la fumée trahissant l’origine du coup mortel, les Allemands se seraient regroupés afin d’encercler la maison.
Les soldats belges (en nette infériorité numérique) n’avaient pas attendu la réaction avant de se replier vers… Boncelles.
Furieux, les Teutons ont envahi la petite maison pour n’y trouver que le propriétaire Monsieur Hermann ! Il fut sauvagement tué à coups de hache !
Malheureusement pour lui, il venait de revenir d’Esneux (où son fils était boulanger) depuis moins de 3 heures ! »
Pendant des années, régulièrement, Madame Scheepers a fleuri cette croix en souvenir du vieux Monsieur Hermann !
Malgré plusieurs recherches, jamais je n’ai trouvé un texte, une allusion historique ou anecdotique sur l’origine exacte de cette croix !
Où la replacer ?
Il me semble logique d’essayer de trouver un emplacement pas trop éloigné de sa situation d’origine. Un lieu où elle serait visible de tous et où il y aurait une réelle raison historique de sa présence !
Je pense avoir trouvé…
Pourquoi ne pas la sceller dans la dernière section de « la Voie des Morts » ?
La Voie des morts.
Cette « Voie des Morts » avait été tracée il y a bien longtemps, certainement quand on a commencé les inhumations dans « l’Aître » (cimetière autour de l’église de Plainevaux). On peut ici avancer une date comprise entre 1535 et 1570 ! Je n’ai pas (encore) en ma possession de document pouvant prouver la date à 100 %.
Plusieurs textes anciens précisent qu’elle avait été construite pour faciliter le passage des convois funèbres.
La recherche est assez ardue et présente plusieurs « pièges » !
A Plainevaux, il y a une « voye des Mwerts », celle dont nous parlons ! Mais il y en avait une autre sur Bonsgnée qui passait près de la limite de la seigneurie de Plainevaux !
A Plainevaux, il y a deux endroits qui s’appellent « à la Grosse Pierre » !
Près des deux moulins (usage disparu). « Grosse Pierre » cité en 1592 où on construit un moulin à eau (près du pré d’Abierheid). Endroit situé près de la route de… Bonsgnée. (Beaucoup de citations jusqu’en 1700 et puis semble tomber dans l’oubli.)
Au sommet du thier de Strivay (toujours en usage). « Grosse Pierre » cité en 1687 (… une pièce de terre au lieu-dit alle grosse pierre joindante vers levant à la voie des morts.)
Ce qui suit nous intéresse plus particulièrement car tous les renseignements y sont !
1745 « item au thier de Strivais une terre contenant trois verges grandes et quatorze petites joindant vers meuse a Henry Brasseur et vers ardenne a Henry Macot d’amont a la voye de la Grosse pierre d’aval a la voye des morts ». Propriétaire : Lonhienne, curé de Plainevaux.
La « rue Grosse Pierre » actuelle (sur le plan Popp, elle s’appelle la Ruelle du Christ) n’existait que sous la forme d’un petit sentier rocailleux ! La portion de la « Voie de Liège » comprise entre le monument aux morts actuel et le « Tige Piret » devenait elle aussi impraticable dans sa partie basse !
Dès lors, on a tracé cette fameuse « Voie des Morts » encore chemin vers 1850.
Sur le plan des Voies vicinales, la Voie des Morts vient d’être déclassée.
La Voie de Liège est reprise comme étant le chemin N 4 et la Voie des Morts comme le chemin N° 19 (déclassé).
La « Voie des Morts » est bien visible et parfaitement identifiée. Elle partait donc du dessus du Thier de Strivay (au monument de Menten actuel) et suivait sur plus ou moins une longueur de 300m la « Voie de Liège » pour la quitter à peu près à la dernière maison à l’Ouest. Ce sont les deux maisons identiques construites par Marcel Henrion un peu avant la guerre (Je suis né dans la première en octobre 1943 !).
Par bonheur… ce terrain appartient encore à la Fabrique d’église !
Par Monsieur Werner, moi-même et Mémoire de Neupré, un petit dossier a été rentré à la commune pour avis. La commune de Neupré a apporté une aide en matériel de transport, de levage ainsi que quelques heures de travail pour des ouvriers communaux.
Avec l’aide de Monsieur Jean Pascal d’Inverno, échevin des travaux, et le service des travaux « l’affaire » n’a pas traîné. La croix fut enlevée et transportée afin de lui faire subir une cure de jeunesse. Un soin particulier a été pris pour la protéger des outrages des intempéries.
Maintenant elle a trouvé une nouvelle situation et fièrement, elle « regarde » son ancien emplacement !