Quelques témoignages. Edouard David
En 1935, un centre de cure a été ouvert par l’association des <<Mutualités professionnelles» dans le Château de La Rimière. Ce centre semble avoir été essentiellement géré par la section d’Ougrée-Marihaye de ladite mutuelle.
Par l’intermédiaire du journal « Le Messager du Condroz », nous avons fait appel aux lecteurs qui d’une façon ou d’une autre auraient approché cette institution, soit que simplement ils la connaissaient, y avaient travaillé ou y avaient été hébergés.
Madame Renée Hollanders
C’est ainsi que Mme Hollanders, d’Engis, nous a fait savoir que dès l’âge de 14 ans, elle avait été engagée au Centre de cure, où travaillait déjà sa tante. Toutes deux étaient nourries par l’établissement et bénéficiaient d’une après-midi et d’une soirée de congé chaque semaine.
La jeune Renée et sa tante faisaient, à pied ou à vélo, le trajet de leur domicile au centre par la route dite «< des 36 tournants », via Ehein et Neuville-en-Condroz. Pour elles, cela n’avait rien d’extraordinaire, pourtant lorsqu’on connaît l’itinéraire …
Renée avait une excellente présentation, et notamment une coupe de cheveux très soignée – on dirait aujourd’hui: «coupée au carré» -, elle a donc tout naturellement, malgré différents emplois, été principalement affectée en cuisine et au réfectoire, où tous l’appelaient tantôt «Capoul» (du nom du créateur du type de coiffure), tantôt «Bébé Cadum» en raison de son jeune âge – et la taquinaient en dénouant avec le sourire les cordons de son tablier.
Selon Mme Hollanders, la comptabilité du centre était tenue par M. Nicolas Jamoulle qui venait chaque semaine d’Ougrée-Marihaye. Mme Simone Goethals, par ailleurs infirmière en chef, gérait l’économat soigneusement, mais «avec une main de fer dans un gant de velours».
Malgré et peut-être en raison de l’objectif sanitaire de l’établissement, ce furent pour Mme Hollanders de très belles années qui se sont malheureusement tristement terminées par la mobilisation générale de mai 1940 et les événements qui en ont découlé.
Vingt ans plus tard, «la petite Renée » a de façon tout à fait fortuite rencontré Mme Goethals – qui l’a spontanément reconnue – et, malgré une très forte émotion, elle n’a pu s’empêcher de remercier et de congratuler celle qui, de nombreuses années, avait dirigé avec adresse et honnêteté cette institution aujourd’hui disparue.
Monsieur Maurice Lapaille
Monsieur Maurice Lapaille, quant à lui a séjourné au centre de cure en 1943, deux mois après une opération de l’appendice traitée en 40 jours à l’hôpital Cockerill.
Un hommage est à rendre au personnel de cet hôpital, au docteur Hubin et aux sœurs de Saint Vincent de Paul pour leur dévouement. Il faut rappeler que ces sœurs s’occupaient de tout le service hospitalier et de deux orphelinats garçons et filles. Un exemple de dévouement : Sœur Julienne après l’opération passait à mon chevet toutes les deux heures y compris la nuit pour m’administrer une cuiller d’eau.
Transféré directement au Centre de cure, j’ai été impressionné par la tenue du centre, par l’accueil qui m’a été réservé et par la qualité des soins. Dans le genre d’opération que j’avais subie, le drain introduit dans le corps devait éliminer l’infection et le tuyau devait être recoupé de 1 cm par jour.
A l’époque, j’avais 20 ans et je fus parrainé par un curiste d’une trentaine d’années, le directeur de l’orphelinat civil de Liège rue du Vertbois. Il m’apportait son savoir et nous bouquinions ensemble dans la magnifique bibliothèque.
Anecdote : Nous aimions découvrir la nature; c’est ainsi que chaque matin nous allions goûter le lait sortant du pis de la vache qui paissait dans les prés voisins.
Blague piquante: Mon ami, de par son opération, s’arrêtait régulièrement contre une haie, mais il y avait des oies de l’autre coté de celle-ci; un jour, elles ne manquèrent pas de le blesser, il dut donc recevoir des soins particuliers.
Monsieur Guy Chantraine
Voici quelques petits renseignements qui sont encore dans ma mémoire :De 1936 à 1939 (je suis né en 1935), j’ai vécu dans la maison du jardinier; elle se trouvait en dehors de la propriété du château qui en était propriétaire. Papa était le jardinier officiel et il remplissait également la mission de garde-chasse. Je me rappelle encore de son gros fusil.
La directrice du Centre à l’époque était Madame Goutal (orthographe probablement incorrecte). Mon père était sous les ordres de cette belle «Madame >> comme je l’appelais à l’époque.
C’étaient des personnes âgées qui étaient en convalescence.
En face de l’entrée principale du château habitait dans une petite maison la famille Pierrard dont le fils Maurice a tenu et peut-être érigé un magasin d’électricité non loin du carrefour du Chêne Madame. Cent mètres plus bas que la maison du jardinier habitait un petit cultivateur, Victor Deloge. J’étais à son (… derrière) à longueur de journée. Le long du bois longeant la route devant mon habitation et celle de Victor, un autre garde-chasse y passait souvent. J’en avais une frousse bleue. On le surnommait << Perrot ».
Sur la route qui va vers le centre de Rotheux à quelque deux cents mètres de l’entrée du château vivait la famille Simon. Les enfants qui étaient approximativement de mon âge se prénommaient Jean et Gaby. Si je vous cite ces noms, c’est que si poussez vos investigations plus loin, vous pourriez peut-être les contacter s’ils vivent encore?
En 1944 ou 45, ma mère et moi marchions le long du bois du château pour nous rendre chez Deloge. Nous étions venus en tram jusqu’à la Tolle. Dans le ciel grouillaient des escadrilles d’avions bombardiers qui regagnaient l’Angleterre.
A un moment donné éclate un vacarme infernal et nous plongeons tous deux dans le fossé. Nous avons appris par après que les avions revenant de mission en Allemagne avaient largué les bombes en trop le long du bois du château.
Madame Fernande Bultot
Louis Sacré, mon papa, est allé en convalescence au Centre de cure de La Rimière en 1954.
Je me souviens d’un château au milieu d’un grand parc arboré. Il était très beau, bien entretenu, égayé de parterres de fleurs. Des meubles de jardin permettaient aux convalescents de s’y installer et de jouir de la paix du lieu.
L’entrée de la maison était assez imposante de même que la terrasse bordée d’une clôture à balustres. On arrivait dans le hall d’entrée décoré et meublé avec goût. C’est là que Mademoiselle Lodowez accueillait ses pensionnaires.
Je me rappelle également que le rez-de-chaussée s’ouvrait sur de petits salons, une salle de billard et la salle à manger. Chaque résident disposait d’une petite chambre qui comprenait un lit une armoire, un fauteuil et un lavabo.
La nourriture était très bonne et variée. On y organisait des ateliers de bricolage. Certains réalisaient des cannes, des bateaux etc.
Chaque semaine, le docteur Souris venait en consultation. Maman et moi allions rendre régulièrement visite à Papa. Nous habitions Sclessin. Le tram nous amenait à Seraing au Beauséjour. Ensuite nous prenions l’autobus qui s’arrêtait juste en face du Centre de Cure.
Ensemble nous nous promenions dans le parc, le long des champs de blé avoisinants (qui je crois ont disparu) ou encore par la route passant en face de la maison du jardinier, nous allions voir l’avancement des travaux de la route du Condroz. Un jour, nous avions emmené le tout petit Alain Bertrand que papa aimait beaucoup. Lors de ces promenades chacun des hommes était équipé de sa canne (fabrication maison).
Que de bons souvenirs Papa avait gardés du Centre de cure! Pour lui, c’étaient de vraies vacances tant l’ambiance y était chaleureuse. Il avait gardé longtemps des contacts avec certains résidents.
Tout cela est du passé.
Dommage que l’on ait détruit ce si plaisant domaine.