1863. La coix du Hock et la petite chapelle à Notre Dame de Banneux.

Ghislaine Rome Souris.

INTRODUCTION

Une énigme à Neuville-Village ? La croix du Hock et la chapelle de Notre Dame des pauvres se déplacent ! Où ? Quand ? Comment ? Pourquoi ?

Ma mémoire se dérobe. Je ne puis donner, cette fois-ci, mes impressions. Mais la curiosité me titille et me reporte bien loin dans le passé. Entre 1950 et 1969, je n’habite presque plus à Neuville : humanités à l’internat, école normale, enseignement à Flémalle où, jeunes mariés, nous habitons, jusqu’au retour dans mon cher village, dans la maison où nous vivons toujours.

Alors, humblement, mais avec détermination, je me jure de trouver les réponses à ces nombreuses questions qui me taraudent et me stimulent.

Photo 1 de G.Rome Je me dis : « Allons, Ghislaine, tu as une formation solide en histoire, tu as dû résoudre souvent des problèmes analogues». Comment procéder ? Et resurgissent les cours si vivants de Monsieur Lemaire, mon regretté professeur d’histoire et de pédagogie. Je l’entends encore : « Il est impératif de chercher et de vous appuyer sur des sources historiques : iconographiques, photos, écrits, témoignages oraux, … » De la rigueur et une sacrée patience pour recomposer le puzzle avec tout ce que j’ai appris, par bribes et morceaux, au cours de mes recherches dans la mémoire collective, concrète, de Neuville.

LA CROIX DU HOCK

Photo 1 de G.Rome

Voici deux photos. Sur la photo n° 1, datée au verso d’avril 1957, on remarque que les bois de la croix sont de section ronde, comme un tronc et une branche d’arbre écorcé. Le montant est plus élevé que celui de la photo n° 2. Sur celle-ci, un petit toit couvre les bois de la croix, de section carrée. Le montant est plus court. Mais le christ est identique. Des sapins l’entourent, décorés de guirlandes, de drapelets et de fleurs vraisemblablement en papier. Donc les croix sont différentes et leur emplacement aussi.

Madame Jeanine Piron me raconte : « On disait que les personnes malades étaient nombreuses à Neuville ; la toiture protégera la croix et les villageois. »

Pourquoi l’ancienne croix est-elle appelée « croix du Hock » ?

Photo 2 de J. Piron

Parce qu’elle est érigée sur la colline qui surplombe le moulin, à quelques mètres du Chemin Madame et de la réserve naturelle. De là, jadis, on voyait tout « le Hock », car la végétation n’occultait pas encore le paysage. Il est intéressant de noter qu’actuellement, les grands arbres de la colline abattus, le site d’antan réapparaît à nouveau. (Voir photo 3 – Vaut le détour). Et cela après bien des décennies. Personnellement, je n’ai jamais vu ce panorama, même quand, toute petite nous allions en promenade avec notre institutrice, il y a plus d’un demi siècle (Cf article dans le n° 41 des Cahiers de Jadis page 1551).

Ph. 3 – Le moulin de Neuville-en-Condroz.

« La croix du Hock ?

Doc. 4.

« On l’a toujours vue là, près du moulin » affirme Madame Mylène Gillet. Toutes les personnes que j’ai rencontrées le confirment. Mes aînés bien sûr, et moi aussi. «  », c’est le domaine des barons de Tornaco. Le dernier, François de Tornaco, est décédé le 27 octobre 1943, comme l’indique le souvenir mortuaire (document n° 4), retrouvé avec d’autres photos anciennes, dans une boîte à cigares « Taf », si chers à mon grand père Jean Gony. Mais je pense que le calvaire était déjà là bien avant 1940.

La guerre terminée, la famille Michiels achète le château – qui a beaucoup souffert de l’occupation – et tous les bois et terrains alentour. Je tiens ce témoignage de Monsieur Willy Blommaers, originaire de Malines, où la famille Michiels fabrique et vend des meubles. « Les meubles Cedia » se souvient Willy car son père y est occupé. Et donc la famille Blommaers est dans ce qui devient l’entreprise Michiels grande pourvoyeuse des chênes et des hêtres remarquables de l’ex-propriété « de Tornaco ». On peut le regretter. A cette époque, on ne se soucie pas d’écologie ni de préservation de l’environnement.

Mais qu’est devenue cette croix du Hock ?

Vermoulue elle a vraisemblablement été détruite par les intempéries et le temps écoulé depuis son édification. Et pourtant au Chemin Madame, tout le monde peut attester la présence de la deuxième croix ! Madame Jeanne Halleux, épouse de Monsieur Gilbert Tambour, menuisier charpentier, est certaine que son mari a recréé la deuxième croix, mais la date lui échappe. Par contre son fils aîné, Monsieur Francis Tambour explique : « Je me souviens de la date avec précision, car c’était l’année de ma communion solennelle en 1959. Il y a donc tout juste 50 ans. Le christ a été récupéré de l’ancienne croix. Mon père a équarri les bois, des chênes industriels provenant de chez Monsieur Daper, négociant en bois. Ils ont été offerts par Messieurs Daper, Tambour et le curé Meulders. La croix surmontée d’une petite toiture a été placée le 11 juin 1959. C’était une journée pluvieuse ! »

Pourquoi avoir dressé le calvaire au Chemin Madame ?

Parce que Monsieur le curé Meulders est en bons termes avec Monsieur Michiels qui a autorisé le placement de cette deuxième croix au début du Chemin Madame – ainsi appelé car les châtelaines l’empruntent pour se promener, aller chasser, visiter d’autres propriétés. Cet arrangement se fait oralement, c’est assez courant à l’époque. Par après la chapelle dédiée à Notre Dame de Banneux rejoindra la croix de son fils Jésus au même endroit.

LA CHAPELLE

Photo 5 de G. Rome

Nous y voici enfin !! Elle aussi se déplace. Regardons la photo n° 5. Elle date du début des années 1950 (comme les vêtements des deux dames en témoignent : Madame Irma Souris-Gony et une amie luxembourgeoise). Sur cette ancienne photo, les arbres et les buissons feuillus offrent leur écrin de verdure pour la chapelle. Elle a d’abord été construite à l’Ermitage au lieu-dit « Les quatre bosquets » au bord du chemin en terre et en gros cailloux qui conduit à « La Rondelle ».

Après la guerre 1945, le village épargné, tous les prisonniers revenus, l’abbé Meulders, bien connu pour sa dévotion mariale, propose d’ériger une petite chapelle – une niche en ogive pour remercier Notre Dame. Il demande à Monsieur Maurice Mestdagt d’en assurer la construction. On se souvient au village de sa compétence et de son sens du service. Il accepte !!

Mais pourquoi apparaît-elle alors sur la photo n° 6 de Madame Jeanine Piron, au Chemin Madame où la deuxième croix est déjà plantée ? Voici un document écrit que j’ai retrouvé dans le registre de la Fabrique d’église Notre Dame, daté du 1er octobre 1961. Il n’est pas signé mais le compte rendu de la séance atteste la présence de Monsieur Gillet père, Monsieur le Notaire André Maréchal, Messieurs Marcel Moreau, Jules Petit et le curé Meulders. (Document n° 7 photocopie du document). Voici l’extrait qui nous intéresse. Il régularise une situation de fait. Monsieur Henry de Huy est un homme d’affaires de l’entreprise Michiels qui fait donation à la Fabrique d’église du terrain du Chemin Madame.

Photo 6 de J. Piron

La petite construction a été déplacée en 1964 ou 1965, dit Julien Mestdagt car on construit sur les terrains vendus par l’entreprise Michiels, devenu lotissement. La chapelle dans sa première localisation complique la tâche des géomètres pour délimiter les parcelles.

Reste à trouver l’histoire de la petite bâtisse. Je retourne chez Mestdagt. L’épouse de Maurice me conseille : « Mon fils Julien pourrait te renseigner mieux que moi ». Soit !

Il me dit : « Je me souviens de la construction et de la réédification de la chapelle, car j’accompagnais souvent mon père. Monsieur Dubru surnommé « le pingouin » et Monsieur Galderoux – dit Kiki – viennent parfois l’aider également. La date ? » Longue réflexion, avec sa maman et sa sœur Liliane…. « Probablement en 1953 ou 1954 ». Cela coïncide avec mon appréciation à propos de la petite photo.

Pourtant je veux être bien certaine de la date de construction avancée par Julien. Je retourne près de Notre Dame de Banneux, j’observe les pierres, devant, derrière, de bas en haut, cherchant un moellon ou un éventuel ex-voto daté. Et cela à plusieurs reprises. Chaque fois je rentre bredouille. « Agaçant, quand même ». Les semaines se succèdent.

Comment est-elle délocalisée au Chemin Madame en 1964 ou 1965 ?

Monsieur Mestdagt veut numéroter les pierres afin de les réajuster plus facilement au remontage. Monsieur Dubru, lui, préconise de la soulever tout entière et la transporter plus rapidement près de la deuxième croix avec une espèce de grue constituée d’une simple potence munie d’un crochet et fixée sur un chariot de fortune improvisé avec du bois de chez Daper. Mal lui en prit car … tout s’écroule ! On imagine la fureur de Monsieur Mestdagt ! Cela ne l’empêche pas de reprendre le travail promis.

Le printemps arrive avec les anémones au Chemin Madame. En passant devant la chapelle familière, je m’approche avec Jacqueline, mon amie d’école normale. Voici la pierre de taille avec l’inscription : « Notre Dame de Banneux Priez pour nous ». Et par acquit de conscience, je déplace plusieurs vasques remplaçant les fleurs de la belle saison qui masquent, sous l’invocation la date : 1954! Mi-figue, mi-raisin, je pense quand même être arrivée à mes fins. Et Jacqueline, silencieuse me décoche, bien à propos, un sourire ironique et pétillant.

Synthèse Chronologique

  1. Construction de la chapelle rue de l’Ermitage
  2. Placement de la deuxième croix au Chemin Madame
  3. Acte de donation du terrain par Mr Henry à la Fabrique d’Eglise

1964-1965 Réédification de la chapelle au Chemin Madame

Remerciements

De tout cœur, merci à tous et à toutes qui m’avez permis la rédaction de cette petite recherche et de rassembler les pièces du puzzle. Je ne puis citer tout le monde, bien sûr. C’est agréable de pouvoir secouer sa mémoire dans ces échanges pleins de convivialité à Neuville-Village.