Par Claire MOREAU
Campée au centre d’Amay, la Collégiale a fière allure. Elle profile sur le ciel sa silhouette caractéristique: un long vaisseau prolongé par la masse imposante de l’avant-corps, trois tours majestueuses surmontées de clochers aigus.
Edifice de l’époque ottonienne, l’église a été bâtie vers 1089, elle a toutefois subi au cours des siècles de nombreuses transformations.
En fait, que subsiste-t-il des bâtiments primitifs ? Peu de chose en vérité: la haute nef, percée sur chaque face de cinq fenêtres en plein cintre, et les deux tours latérales, dans leur plus grande partie (la 3me ne s’est élevée qu’à partir de 1525).
Remaniée profondément au XVIIIe siècle (sous l’abbatial de Lambert-Walthère van den STEEN), la Collégiale a perdu le caractère rigide et sévère de ses origines; ses tours autrefois dépourvues d’ouvertures, sauf des meurtrières et des fenêtres aux étages, se sont ouvertes vers l’extérieur par deux portails monumentaux, son transept s’est enjolivé et affiné, ses toitures se sont surélevées et leur profil s’est adouci: elle s’est mise, à partir de 1765, « au goût du jour ».
Elle avait remplacé une église précédente du Haut Moyen Age peut-être, elle-même superposée à un lieu de culte romain: ainsi, les découvertes du Cercle Archéologique Hesbaye-Condroz permettent de conclure que le site de l’actuelle Collégiale a été affecté, durant dix-huit siècles au moins, au culte, païen d’abord, chrétien ensuite.
Le visiteur qui pénètre dans le sanctuaire par le portail Sud se trouve d’emblée dominé par un beau crucifix attribué à l’école de Del Cour (fin XVIIe s.; un autre, plus pathétique, daté fin XVe début XVIe s., l’accueille s’il entre par le portail opposé.
Si le caractère roman primitif a disparu dans l’intérieur de l’église, on se trouve néanmoins devant un bel ensemble architectural. Ainsi, c’est vers 1641 que les élégantes colonnes de style toscan (modifié) qui soutiennent la nef ont remplacé les colonnes carrées d’origine. A noter que cet important ouvrage a été réalisé en sous-oeuvre, les murs supérieurs de la grande nef restant suspendus pendant les travaux ! C’est moins d’un siècle plus tard, que l’ancien plafond plat roman a été abandonné au profit de la voûte actuelle (sous l’abbatial du baron Bartholdus de WANZOULLE).
Le fond de l’église est occupé par le jubé, oeuvre remarquable de marbre noir, offert par l’Abbé René-François de SLUSE. Le panneau central présente une magnifique porte sculptée; les deux autres sont ornées de médaillons en stuc, de MORET-N. Surplombant le jubé, le buffet d’orgues en chêne sculpté pourrait dater de la fin du XVIIe s.
Le maître-autel (1697) comporte une « Assomption »; le choeur, restauré en 1725, abrite en outre un ensemble remarquable de quatre toiles de JUPPIN (1675-1729) pour les paysages, et de FISEN (1655-1733) pour les personnages. Avec la « Charité de sainte Ode » (1681) de FISEN également (autel de la nef latérale de gauche), ces oeuvres sont bien représentatives de l’Ecole Liégeoise des XVIIe-XVIIIe siècles. Une « Descente de Croix » de FISEN encore, qui garnissait l’autel de droite, a disparu en 1794. Elle a été remplacée par une copie, de qualité – datant du XVIIe-XVIIIe s.- d’une « Déploration » du Bolognais Annibal CARRACHE.
L’ASBL « 900e Anniversaire de la Collégiale d’Amay – 1089-1989 » a entrepris le sauvetage des toiles de FISEN et de JUPPIN. La restauration du « Baptême du Christ » (en haut du choeur, à droite) a été offerte par la S.A. Carrières & Fours à Chaux DUMONT-WAUTIER (Groupe LHOISI), tandis que celle de « La Charité de Sainte Ode » va pouvoir être réalisée grâce à la générosité de la S.A. « ELECTRABEL/Centrale Nucléaire de Tihange ». Cette vaste opération de restauration, qui n’est réalisable qu’avec l’aide de chacun, se poursuit avec le concours particulièrement efficace de la FONDATION ROI BAUDOUIN.
Au centre du choeur, par une large ouverture vitrée dans le dallage, on peut admirer, là où il fut découvert en 1977, le sarcophage de Sancta Chrodoara, véritable chef d’oeuvre de l’art mérovingien.
Le personnage représenté serait-il une abbesse ? Le dessin en est remarquable et la gravure toute de finesse. Plat et flancs du couvercle sont embellis d’entrelacs et de motifs végétaux. Un texte gravé présente Chrodoara comme noble, illustre et généreuse.
Le
Trésor de la Collégiale comprend également la châsse gothique de
St-Georges et de Ste-Ode, datant de 1240-1250. Elle abrite les
reliques de sainte Ode. Il s’agit d’une magnifique pièce
d’orfèvrerie de style rhénomosan. Ses pignons sont occupés par
St-Georges et par Ste-Ode, tandis que les douze apôtres sont alignés
le long de ses côtés. La toiture est ornée de six reliefs
d’argent qui racontent la vie des deux saints.
Certains rapprochements ont été opérés par archéologues et historiens à l’effet d’établir si Sancta Chrodoara ne peut s’identifier à Ste Ode. Des textes du VIIe s. pourraient le faire supposer. Par ailleurs, il est troublant de constater que la légende relative à sainte Ode jetant son bâton des hauteurs d’Ombret et formulant le voeu de bâtir un oratoire là où il retomberait, se retrouve sur des documents archéologiques et historiques.
Les statues garnissant le maître-autel (dont St-Georges et Ste-Ode de part et d’autre du tabernacle) datent de la fin du XVIIe s. A noter que la maquette en terre cuite de la Vierge assise, réalisée par Del COUR, se trouve toujours au Musée Curtius; les anges adorateurs des autels latéraux datent du début du XVIIIe. Les autres statues, des XVIe, XVIIe et XVIIIe s., les reliquaires et les bas-reliefs (de MELOTTE, vers 1780/1790) ont été momentanément retirés. A noter également un splendide lutrin en cuivre, et quelques belles pierres tombales qui rappellent notamment qu’Amay fut le siège d’un Chapitre de Chanoines (déjà cité en 1091) et d’une Avouerie…