0715. Les Trois Seigneuries

R. HERRIN et H. GROSJEAN

Evolution après l’Ancien régime.

Le changement brutal de régime politique, entraîne pillages et dévastations dans tous les sous-secteurs du site de Villencourt.

Sous secteur n°1 (ss) – PLAINE ALLUVIALE

La friche du fond de Villencourt va évoluer en prairies vers l’amont (ferme de la Venne). En aval, au débouché du vallon, les Cristalleries vont progressivement développer leurs constructions jusqu’à 2 à 300 m. au Sud de l’ancien mur de l’abbaye. Dans ce prolongement, mais déjà fin du 19me s., la grosse villa de la direction du moulin s’entoure d’un parc où sera creusé un étang. Un quartier pour le personnel de la meunerie est aménagé à la même époque, qui verra aussi l’installation du chemin de fer vicinal et de son dépôt.

Le reste de ces pâturages humides sera planté en peupliers vers 1930. Dans les années 1950, après l’exploitation des peupliers, la plantation de nouveaux et de quelques résineux, la fin des chemins de fer vicinaux, la forêt se réinstalle de plus en plus, répartie par essences selon la profondeur de la nappe phréatique. Ceci, joint à l’ambiance marécageuse, favorise la multiplication de la vie animale. Malheureusement, l’étang sera détruit par ignorance. Ensuite, dépotoirs, vandalisme et coupes s’additionnent pour altérer sérieusement le renouveau de richesse naturelle.

 L’ancien trajet du vicinal (vue du point A sur la carte page 716)

Sous secteur n°2 (ss) – COLLINE DU BAR

Les temps n’ont pas épargné ce coteau. Si la forêt reconquiert le vignoble, si l’aspect policé du Parc de l’Abbé subsiste quasi jusqu’au début de notre siècle, la surexploitation en fait du fourré et le mur d’enceinte de cet ancien parc sera rasé. L’essor industriel du 19me s. crée – non loin du Cabinet de l’Abbé – le charbonnage d’Ivoz. Il submerge la crête de ses gravats. La végétation mettra longtemps à les camoufler.

Photo actuelle des « Grands Sarts »

Nous trouvons dans le Dictionnaire géographique de Ph. Vander Maelen :

1831 Route n°3 – Seraing/Ivoz/La Neuville (ou Chaussée de France dite maintenant d’Ivoz) … construite vers 1705. Reconstruction de 1816 à 1819 de la partie … de la montagne d’Yvot à Terwagne … un pont de pierre de 4 m.04 d’ouverture sur le ruisseau de Villencour … le sable est pris dans la Meuse, la montagne d’Yvot … la pierre extraite des carrières du val St Lambert …

… une carrière de grès sise à Villencourt,, exploitée primitivement par les moines pour construire le gothique, fut reprise par Delcourt Joseph puis abandonnée …Il

Une photo aérienne prise dans les années 1930, montre l’extrémité du promontoire presque nue, hérissée de maigres taillis, La petite construction romantique reçoit une bombe en 1944.

L’après-guerre 1940/45 voit la lente réoccupation forestière des deux versants, carrières et gravats de ce mont perturbé. Récemment il fut encore escaladé par la percée amenant vers la rive gauche de la Meuse, l’eau d’Eupen.


Trajet du vicinal, montée vers Neuville (photo prise à hauteur de la ferme de la Venne)

Sous-secteur n°3 (SS) – AMPHYTHEATRE – Versants Ouest et Est

De nos jours, la forêt périphérique occupe le même espace qu’en 1777.

L’essentiel du Bois de l’Abbaye s’est vu surpâturé et pillé après la Révolution, durant les périodes française et hollandaise (le 19me s., il portera le nom de du Val St Lambert). Fin du même siècle, un des propriétaires rachètera les droits d’usage de la population, à la Commune de Seraing.

Le travail de restauration forestière s’avère important. On peut supposer que les différents responsables s’y emploient, après l’âge desessences extérieures introduitesçà et là.

Plus tard, la guerre 1940/45 altérera à nouveau le peuplement. Fin des années 1950, le propriétaire passe au bulldozer les emplacements les moins accidentés du versant rive droite du ruisseau, avec l’intention de créer un quartier résidentiel. Ce projet ne se fait pas et la nature reprend le dessus.

En dernier lieu, la Commune de Seraing obtient legros de la partie sérésienne des bois de Villencourt qui, réunis au Fond des Stiennes, constituent depuis peu un bois communal 1.

Une large percée déjà verdoyante vient d’être aménagée sur le versant rive droite. En dessous, circulent l’égoût du quartier de l’Air pur ainsi que l’eau d’Eupen.

Le versant rive gauche, isolé en partie par une clôture, appartient toujours à un particulier.

A noter que les cartes contemporaines réutilisent le plus souvent la dénomination « Bois de l’Abbaye » au lieu de « Bois du Val St Lambert ».

Sous secteur n°4 (SS) – FOND DES STIENNES

Cet endroit parait avoir moins souffert que les autres des dévastations forestières de la période française. Il montre cependant des vestiges d’exploitations houillères anarchiques que la dureté des temps autorisa à cet endroit Il est d’ailleurs malaisé de savoir à quelle période troublée cela se produisit ou reproduisit !

An 8 « … demande de concession de mine par le citoyen Jean-François Deneef, 3 germinal an 8 n°22. »

«  … que pour rendre ses établissements plus par faits … (Deneef) désire y joindre le terrain qui comprend voie Potet, bois dit anciennes vignes, bois Martin et bois Renard ou terre Marianne, quatre angles rentrant dans ses terres du bois de l’Abbaye, tous appartenant à la République, un coin de terre de la ferme de Marihaye et un autre au citoyen Plumier. (Demande concernant concession souterraine à borner en surface). »

« … opposition du charbonnage de Marihaye : sur la défense et prohibition si haut que la loi porte qu’ils lui ont faite de travail (à Deneef) ou faire travailler les mines de houilles et char bons estans sous et en fond des trixhes dittes les hauts sarts (vieille bergerie) et autres héritages qui furent au couvent du V.S.L. à l’exception des prez, jardin, vignobles, viviers et autres biens qui sont ceints et enclos de murailles et dans quels le dit monastère et couvent sont situés et sur deux verges près des dittes murailles et de la colinne fond des bois qu’on dit les fonds d’etienne qui a appartenu au dit monastère, point qui sert de borne au dits ouvrages. »

Après les dégradations forestières mentionnées plus haut, le caractère du Fond des Stiennes et celui du reste des bois de Villencourt seront nettement différenciés (ce qui peut être dû à une différence de gestion ultérieure).

A la fin de la période française, vers 1814, en bordure Ouest du champ triangulaire (devenu de nos jours une pessière) et surplombant la « Terre aux choux », la houillère du Bois du Val St Lambert cesse ses activités. Elle laissera comme vestige une vaste plate-forme encore visible actuellement. Une trentaine d’année plus tard, dans le vallon des Stiennes tout proche, est créé un autre petit charbonnage qui fonctionnera une cinquantaine d’années, Lui aussi provoque une plate-forme existant toujours. Quant à ses rejets, joints aux gravats des Cristalleries, ils ont comblé partiellement le val inférieur qui sera, ainsi que ses environs, reboisé par l’usine après 1867. A noter qu’en ces lieux sont visibles quelques bornes pyramidales numérotées 17-18-19-20. Une cinquième se trouve rue du Val au pied du mur de l’usine. Elle porte le n°14. Sur toutes figurent les lettres S:Y: n° …

Le charbonnage du Val-St-Lambert (début du 19ème siècle- Coll Univ. de Liège)

Selon Monsieur Crine, historien sérésien à qui nous les avons montrées, il serait peu plausible – même si elles ont été déplacées – que ces bornes aient servi de limites entre les Communes de Seraing (S) et Ivoz (Y) car, à sa connaissance, les séparations entre communes n’étaient pas bornées.

Par contre, ces pierres étant plantées sur un ancientracé de concession charbonnière pourraient signifier « Serre (serrage) – Yvoz« .

Lorsque cessent les exploitations charbonnières, ce secteur – tout en conservant son ambiance sylvestre – évolue en parc d’agrément au bénéfice de la direction des Cristalleries. Ce qui devient le petit bois de l’usine (10 Ha àce moment) est entouré d’une haie raccordée au mur d’enceinte de l’Abbaye, toujours entretenu. Deux étangs ont été installés en aval du remblai houiller reboisé. Ils servent de château d’eau. Deux captages d’eau alimentaire sont creusés. Le bois est agrandi vers l’Est par plantation de pins noirs dans ce qui était au 18me s le Nord – Ouest du Bois des Masuirs et, plus tard, par plantation d’épicéas dans le champ triangulaire de l’Ouest.

Début du 20me s, ce qui reste d’un bâtiment du petit charbonnage des Stiennes est utilisé comme fondations pour un coquet chalet de bois qu’encadrent, plantés dans le gravat, noyer acacias, épicéas. Aidée de la sorte, la nature dissimule bientôt les vestiges de l’ancienne fosse. L’endroit est un but de promenade pour les familles des cadres de l’usine. Finalement délaissée la bâtisse est restaurée et occupée par une équipe de routiers-scouts sérésiens, dans les années 1950. Après eux dans les années 1960 vandales et pillards détruisent tout et les matériaux disparaissent.

Entre les deux guerres mondiales au-dessus de ce beau coin de sylve, est installé le nouveau cimetière de Seraing (Bergerie).

Finalement, ce bois est acquis par la ville de Seraing, ce qui préserve l’essentiel de cette belle futaie.

Relevons pour terminer que dans le dernier quart du 20me s. est prévu dans les prairies de Villencourt un quartier d’habitations. Il doit occuper l’ex-domaine de la ferme de l’Abbaye côté Seraing ainsi que les anciens jardins et vergers des Cristalleries.

Il est évident qu’étendre ces constructions à l’ancienne friche côté Ivoz (SS nl) ne serait pas un calcul heureux, vu le caractère marécageux de la plupart de ces terrains.

1 Les efforts de divers naturalistes locaux joints à lacompréhension d’édiles sérésiens ont finalement donné à ces couverts menacés par des projets immobiliers le statut de bois communaux.