Histoire d’une famille de fermiers Par Rolande Bertrand
Deux drames de guerre ?
Le premier incident éclate un jour soir lorsque toute la famille est réunie. Un des valets de ferme entre brusquement accompagné de deux amis aussi dévoyés que lui. Ils exigent du fermier la somme d’argent qu’il a ramenée de Huy où il a vendu quatre chevaux, à la fermière ils réclament son coffret à bijoux. Les fermiers refusent. Les coups pleuvent sur le fermier sous les yeux des enfants qui réveillés sont descendus et se tiennent atterrés près de leur maman.
Vue sur la cour de la ferme de la Haie.
Les voyous poussent la cruauté jusqu’à vouloir brûler les pieds du fermier qui cède à leurs exigences et demande à son épouse d’aller chercher les bijoux au premier étage. Aussitôt dans la chambre, Madame Gérard appelle « au secours » par la fenêtre dans la direction du village. Ses cris affolés ameutent enfin quelques villageois qui accourent avec les outils qui leur tombent sous la main pour aider les habitants de la ferme (Jeannine Modave se souvient de son papa parti une fourche à la main).
Les voleurs sont déjà en fuite par l’arrière de la ferme, ils se sauvent dans les bois d’Ehein où un braconnier caché dans des buissons assiste au partage du butin.
Vu son isolement du village, la ferme de Haie abritait dans une cave murée ou dans un grenier bien camouflé des résistants, des travailleurs recherchés par les Allemands ou même des aviateurs alliés en transit. Les Neuvillois ont cru longtemps que c’était pour connaître les caches que Henri Gérard avait été torturé alors qu’il ne s’agissait que de vulgaires voleurs.
Quelques mois plus tard un camion entre dans la cour. Le conducteur et le convoyeur demandent au fermier du froment au nom de « l’armée blanche ». Henri Gérard, résistant lui-même, a déjà versé sa participation il réalise que ce sont des voleurs et refuse tout net.
La vengeance arrive endéans les trois jours.
Midi vient de sonner, trois ou quatre hommes armés envahissent la cour de la ferme, ils tirent en l’air, brisent tout sur leur passage. Sous la menace de leurs armes, ils regroupent la famille et les valets dans la cuisine. Ils cassent la vaisselle, la piétinent, brisent des petits meubles et jouissent de la peur de leurs victimes.
Après les avoir frappés, ils lient dos à dos le fermier et Maxime Galderoux son valet principal, à l’aide d’une bride de cheval et obligent tout le monde à descendre à la cave. Madame Gérard craint pour la vie de son mari, elle est accompagnée de madame Furnémont, sa toute dévouée femme de ménage et le fils de celle-ci, prénommé Marcel lui-même ami de la petite Jeannine bien jeune pour subir de telles émotions. Les malfaiteurs les enferment tous à la cave, remontent, ferment la porte et poussent le verrou. Ils continuent à casser bruyamment les ustensiles de cuisine, peu à peu le bruit s’éloigne, s’estompe et disparaît.
Henri Gérard, délivré de ses liens, brise la petite fenêtre de la cave et demande à Jeannine de la franchir mais la petite fille tremble de peur et c’est le petit Marcel qui enjambe l’appui de fenêtre, fait le tour de la ferme, rentre dans la cuisine. Mais le verrou est placé trop haut et il pleure de dépit. Sa maman, de l’escalier, lui conseille de tirer une chaise et de grimper dessus pour arriver au verrou.
Enfin la porte est ouverte, quelle délivrance ! Beaucoup de dégâts matériels mais pas de blessés graves sauf moralement, ils sont tous traumatisés et n’oublieront jamais.