Par Rolande Bertrand
Nous sommes en 1930, d’une maison de la Croix Bellaire, un garçon de 9 ans s’échappe en courant, il entre sur les terres des Gruselin fermiers habitant en face de chez lui, là il a l’habitude de jouer. Il tend l’index en l’air, le vent souffle vers la Rimière, c’est idéal pour jouer au cerf-volant, de plus il vient de « chiper » une bobine de gros fil du n°10 (le 36 casse trop facilement) il pourra allonger son amarre, il a lu 100 yards et s’il ne connaît pas la mesure du yard (0,914m) il se doute que c’est beaucoup. Il lance son cerf-volant, court, pilote son engin celui-ci monte, monte c’est fabuleux, un sourire illumine son visage.
Mais la bobine s’est dévidée sans qu’il s’en aperçoive et le cerf-volant obéissant à la force naturelle du vent s’éloigne inexorablement.En une seconde sa résolution est prise, il faut le suivre, il faut le récupérer. Voilà la clôture du pré d’Urbain Bertrand il l’enjambe et continue sa course, un petit marécage, qu’importe il aura le temps de sécher. Encore un obstacle il passe en dessous du fil barbelé et y laisse une partie de son pull, rien ne l’arrête mais voilà bientôt le bois des Moges.
Que va-t-il arriver ? il ne voit plus son cher jouet. Miracle, il est là pendu à une branche. Renaud le détache délicatement et le tient avec tendresse contre lui. Je vous laisse deviner la nature de l’objet de sa sollicitude : un simple losange de papier journal, mais pour lui, un vrai trésor. Pour le confectionner il a choisi avec soin deux branches de noisetier de +/- 80 et 50 cm, les a croisées la petite à 1/3 de la grande et serrées avec de la ficelle. A chaque extrémité, il fait une rainure à l’aide d’un canif et a passé une ficelle dans les entailles pour former le losange. Il l’a posé sur un journal qu’il a découpé avec environ 5cm de réserve tout autour.
Il a préparé de la colle à tapisser et a fait adhérer les bords en les repliant sur le quadrilatère. Il a fixé une belle queue dont la ficelle est garnie de papillotes (petits rectangles de papier torchés ou pliés en accordéon ou parfois une tige de liserons. Deux ficelles de la longueur des 2 baguettes servent de point d’ancrage à l’amarre. Celle-ci peut aussi recevoir des messages lancés pendant le jeu. Renaud a confectionné bien des cerfs-volants de toutes formes, et de toutes les couleurs et même un « pierrot » qui faisait sa fierté.
Il reçut enfin un « vrai » cerf-volant en tissu et fut heureux mais jamais il n’a ressenti les sensations indescriptibles du début.
Le cerf-volant ou lucane est en réalité un gros coléoptère à mandibules dentelées qui rappellent les bois du cerf. Dans notre Wallonie il portait un surnom bien particulier.
Quand on demandait à la grand’maman de Renaud : « où est donc le gamin ? » elle répondait « il è-stèvoye cori avou s’dragon ». D’ailleurs si nous parcourons le dictionnaire de Jean Haust, il foisonne de noms de cerfs-volants dont, le dragon, le mohet, mohone, balon, peure, pome, ome, matelas, tchèstê.
D’après Touring 1995 et 1997 .
Les modèles actuels coûtent 1000 à 5000frs.
Ils peuvent être :
à un fil et permettent l’étude de l’aérologie,
à 2 ou plusieurs fils et permettent la vitesse, l’acrobatie et les escadrilles, de traction et permettent d’évoluer dans un buggy à marée basse ou à ski sur l’eau.
Il existe aussi des modèles de compétition à 25000frs et plus. Ils sont spécialement étudiés pour la vitesse et certains peuvent même résister à des vents de force 8. Ils sont le plus souvent de formes triangulaires delta ou souples tels les parapentes.
Avec 2 poignées l’utilisateur, amateur de sensations fortes, devient un vrai pilote pouvant réaliser looping, rase-mottes, piqués et tout autre figure.Il peuvent aussi être à traction, tirer un buggy
ou une embarcation légère, ils peuvent être utilisés pour ramener
des naufragés à terre. Et l’épopée de l’Antarctique
n’est-elle pas basée sur le même principe.
Depuis quand existent les cerfs-volants ? L’origine remonte bien avant notre ère, il est né en Chine puis s’est répandu dans les régions asiatiques et est apparu en Europe dès le XIVème siècle. Mais il a fallu attendre le XVIIIème siècle pour qu’il connaisse une certaine vogue.