Joseph Filée
La petite église de la Neuville (en Condroz) recèle quelques trésors du passé.
Pour ne pas aiguiser la curiosité d’amateurs peu scrupuleux, je ne vous parlerai pas des petites pièces facilement transportables car les vols, ça nous connaissons. Un encensoir et sa navette, des chandeliers en étain, un angelot en pierre pourtant bien lourd, un missel doré sur tranche avec ferrures et surtout notre saint Roch en bois sculpté et polychromé en ont fait les frais.
Je ne vous parlerai pas non plus des cloches, deux belles pièces en bronze d’une demi tonne chacune. Elles avaient été volées pendant la guerre 40/45. Il fallait le faire! Heureusement, avant d’être fondues, elles ont été retrouvées et remises en place aux frais de l’Etat.
Le propos de ce billet concerne l’histoire des vitraux de l’église.
Elle débute au XVIII° siècle. Entre 1724 et 1735, l’abbé Pierre Dossogne était le recteur de la chapelle castrale qui deviendra plus tard notre église paroissiale. Ce prêtre fut un grand bâtisseur. Aidé financièrement par les seigneurs de la Neuville (du moins, je le suppose) il commanda des travaux importants : la remise en état du plafond, la fabrication de nouveaux bancs et, le plus onéreux, l’édification du choeur.
Il fit donc construire côté Est, vers l’Orient, bref vers Jérusalem, plus ou moins dans l’axe de la nef, un rajout mesurant près du quart du bâtiment. Le mur du fond était percé de trois fenêtres où il fit placer les premiers vitraux connus : Jésus au centre ayant à droite Marie, sa mère et à gauche saint Joseph.
Malheureusement de ces vitraux il ne reste que des fragments et voici pourquoi. En 1936, l’Abbé Meulders, curé de l’époque, fit démolir le mur du fond pour le remplacer par une rotonde ornée d’une « Assomption », une peinture sur toile représentant la Vierge montant au ciel. Au fil du temps, l’humidité aidant, cette toile s’est décollée du mur et il fallut l’enlever. Lors de la démolition du mur, le patrimoine culturel n’étant pas la préoccupation majeure des maçons, les vitraux tombèrent sous leurs masses et seuls trois éléments trouvèrent miraculeusement refuge dans le grenier du presbytère. Pourquoi ? Mystère ! Peut-être un reflexe pieux du prêtre. Voici donc résumées la vie et la fin des premiers vitraux.
Verre peint vers 1844. Les suivants dont je vais vous entretenir ne sont pas à proprement parler des vitraux. Il s’agit de peintures sur verre placées en 1844 aux fenêtres de la chapelle funéraire des comtes de Lannoy. Elles représentent les armoiries de la famille surmontées d’un saint Louis. Malheureusement, les intempéries ont eu raison de la couleur non fixée et de la boiserie entourant les vitres. Seule celle à l’Est a été en partie préservée et la fenêtre remastiquée et repeinte. Ce pourrait donc être appelé les deuxièmes vitraux.
En 1932, en souvenir de leur bon pasteur, celui de la grande guerre, l’Abbé Pierre Decocq, les paroissiens firent placer dans la première fenêtre de la nef, un grand vitrail représentant saint Pierre. Et ce fut le troisième vitrail.
En 1990, la chapelle des de Lannoy se trouva transformée en chapelle de semaine. C’est un petit local plus facile à chauffer que la nef pour la dizaine de paroissiens qui assistent à la messe. Il fallut remplacer la fenêtre Ouest, celle qui regarde le monument et qui est exposée à la pluie. Ceci amena le Conseil de Fabrique à demander à Mano Guisti, maître verrier dans la paroisse, un vitrail qui serait protégé de l’extérieur par une vitre résistant aux jets de pierres et autres projectiles. Elle nous proposa donc et réalisa une « Vierge aux oiseaux ». C’est notre quatrième vitrail.
Prenant goût aux belles choses, les fabriciens sur la suggestion de l’Abbé Vanduffel qui avait retrouvé dans son grenier les fragments des premiers vitraux, acceptèrent de les faire restaurer. Ils s’adressèrent de nouveau au maître verrier. Aussitôt dit, aussi tôt fait : depuis 1996, une Vierge Marie garnit la fenêtre droite du choeur. Elle est un peu particulière, je l’avoue car …
Mais je vous laisse le soin de découvrir cette particularité qui a été longuement discutée au Conseil. Et voilà notre cinquième vitrail.
La Vierge Marie – Cherchez l’erreur. Ce vitrail très bien restauré et mis en valeur demandait son pendant dans l’autre fenêtre. A la recherche d’une solution, Monsieur Corman, l’époux de Mano Guisti, avait repéré les vitraux de l’église d’Ombret en ruine suite à un incendie. Dans les restes du choeur de cette église existaient encore des vitraux en plus ou moins bon état mais voués à disparaître. Après une série de démarches auprès de la Fabrique d’Eglise d’Ombret et de l’Administration communale d’Amay, l’autorisation de démonter ces vitraux fut accordée pour autant qu’ils soient replacés dans notre église. Accord fut pris et après de longs mois d’attente, notre église se vit dotée d’un très beau Sacré-Coeur.
Depuis 1999, nous avons donc notre sixième vitrail.
Pour le septième vitrail, c’est un peu comme dans le livre de la Genèse où Dieu vit que celà était beau et il se reposa. Nous aussi nous faisons une pose en attendant …. des fonds. La remise en état d’un vitrail n’est pas une petite affaire.
Il faut tout démonter, remplacer les plombs, découper des morceaux de verre pour remplacer les cassés ou les disparus, les peindre, les cuire puis remonter le tout. Ce qui nécessite beaucoup de temps et d’argent.
Nous avons donc en réserve … trois autres vitraux, de quoi garnir les fenêtres côté Sud. Ce sont une « Vierge aux trois ave », un saint Eloi et un troisième vitrail dont le personnage n’a pas encore été identifié. Ils sont tous datés de 1927. Nous les aurons puisque nous les avons à condition de les replacer chez nous. Ce n’est qu’une question … disons de temps et comme « le temps c’est de l’argent » comme on dit, eh bien … nous attendrons. N’avons-nous pas l’éternité devant nous?