2095. Travaux publics – 29 juillet 1684 Instauration de péages

Paul Dangoxhe

Péage vers 1780

Liege le 29 de juillet 1684.
texte de Maximilien Henri de Bavière, Prince-Evêque de 1650 à 1688

Octroy pour les surceants de La Neufville en Condroz dexiger une taxe sur les chars chariots et chevaux pour la reparation des chemins publics2

Maximilian Henry3 par la grace de Dieu etc.

A tous ceux qui ces presentes verront salut. De la parts des mannants et surceants de La Neuveville en Condroz nous a esté tres humblement remonstré comme quoÿ le mayeur4 dudit lieu pretendant d’estre molesté5 par n(ot)re Procureur general auroit fait adjourner6 les remonstrants pour les obliger a faire cesser cette molestation, or est il, qu’attendu que les chemins dont est question sont publics et reaux7 conduisants d’une province a l’autre et tels qu’un chascun tant estrangers qu’autres s’en serviroyent journalierement et les deterioreroyent sans comparaison davantage que ne puissent faire iceux remontrants en sorte quil sembleroit que la justice ordonneroit d’y prendre esgard convenable pour quils ne soyent par trop chargez a la descharge d’autres. Ce pourquoi ils nous ont tres humblement supplié dy apporter la moderation convenable en ordonnant un moyen par quel tant les estrangers qu’autres qui se servent desdits chemins et les gastent avec leurs chevaux chars et charettes soÿent obligé de contribuer pour la reparation et entretien diceux chemins utils a un chacun8; ce qu’ayant fait communicquer au Seigneur et a la Justice du lieu afin de suggerer des moyens practiquables et les moins sensibles pour la reparation demandee et veu leurs rescription9 ladessus nous avons bien voulu accorder et permettre, comme par les presentes nous accordons et permettons que les remonstrants pour leurs soulagement dans les fraix quil conviendra de faire en ladite reparation necessaire et utille au commerce public, pourront collecter sur un chariot ou grosse charrette attellee de plus de deux chevaux en passant par led(it) lieu deux soulz et sur celle attellee de deux ou d’un, un soul et sur chasque chevaux de voiturons un liard tant en passant qu’en repassant, jusques a ce que le chemin sera reparé ou que la personne qui aura advancé les deniers necessaires les aura retiré authorisant l’officier du lieu pour avoir soin de ladite reparation voir que les deniers en provenants seront uniquement et fidelement applicquez a icelle reparation, et a charge de nous rendre compte en nostre Conseil privé du revenu et applicat10 desdits deniers, et quel exaction11 en cessera immediatement apres le remboursement de la somme quil conviendra pour ce advancer. Si ordonnons a nos hauts Officiers et autres quil appartiendra de tenir et prester la main a l’execution de la p(rése)nte prennant pour plus dasseurance le collecteur en n(ot)re sauvegarde et protection. Donné sous mon scel12 secret en n(ot)re Cité de Liege le 29 de juillet 1684.

Observons le texte de plus près. On peut sans grand effort se représenter la scène des années 1680. Il est amusant de constater qu’aujourd’hui, plus de 300 ans plus tard, rien n’a changé et que les mêmes problèmes se posent encore et encore.

Le mayeur, officier de la cour échevinale locale, est tancé par le Procureur général, représentant du pouvoir central, qui débarque un beau matin sans crier gare. Peut-être ce dernier est-il resté embourbé avec sa voiture et s’est-il sali les bottes sur des routes mal entretenues. Il reporte bien évidemment la faute sur le mayeur qui furieux en appelle à l’instance supérieure, en l’occurrence le Conseil privé du Prince-Evêque.

Les chemins sont manifestement en mauvais état, défoncés par le charroi quotidien des habitants du village et surtout par le passage des étrangers traversant La Neuville, en route vers les seigneuries voisines, vers Liège ou se dirigeant vers la Meuse ou les Ardennes.

Bien entendu la communauté est désargentée et ne voit pas comment réparer les routes; les autorités locales souhaiteraient par conséquent être déchargées du coût des travaux.

Elles savent qu’il est absolument vain d’introduire une demande de subsides pour une répartition équitable des charges. Elles auraient certes pu recourir à l’emprunt. Mais comment rembourser ?

Quelqu’un a alors une idée géniale. On instaurera des péages dans les deux sens en fonction de l’importance du véhicule : un sou pour une charrette à un ou deux chevaux, deux sous sur celle de plus de deux chevaux, un liard sur chaque cheval.

De leur côté, les conseillers du Prince sont prudents par nature ou par expérience : l’argent récolté aux péages ne peut servir qu’au poste « réparations » et à aucun autre usage.

L’éventuel bailleur de fonds, lui, aurait pris ses précautions: il convenait de le rembourser en priorité.

Bien évidemment la taxe est temporaire. Savait-on à l’époque qu’on doit très souvent se méfier du mot « temporaire »?

N’oublions pas la justification des frais engagés : le mayeur est chargé de rendre compte de l’emploi de la somme collectée. Il ne faudrait pas que l’argent s’égare Dieu sait où.

Quand je vous disais que rien n’a changé.

PV du Conseil Provincial – Session de 1861. Le comte de Looz fait rapport sur la demande des habitants de Neuville-en-Condroz et Rotheux-Rimière, du déplacement d’un poteau de barrière sur la route de Liège à Marche.

2 LAEL – Conseil privé – Reg 127 – fol. 82… 29 juillet 1684
3 Maximilien Henri de Bavière, Prince-Evêque de 1650 à 1688
4 N… Frerard « senior »
5 molester : faire grief
6 a(d)journer: citer, appeler à comparaîtr
7 real chemin : chemin « royal », i.e. « route nationale »
8 [mots barrés dans l’original]
9 rescription: validité du procédé
10 applicat: emploi
11 exaction: taxe, impôt
12 scel sceau

Les barrières sur notre territoire