1 1. Les Tilleuls (suite…).
Les tilleuls servirent également d’arbres fétiches. Beaucoup d’entre eux restent entourés d’un certain mystère même si il semble probable que certains de ces arbres furent le centre de pratiques culturelles.
Par exemple, les lieux voués à un culte païen furent souvent repris par les chrétiens. La présence de chapelles ou de calvaires près ou sur des arbres, et notamment des tilleuls, fait songer plus d’une fois à cette hypothèse. Rares sont les exemplaires où l’on a décelé encore un semblant de référence à un paganisme ancien. C’est le cas, par exemple, des célèbres arbres à clous. En effet, une croyance populaire, remontant à plusieurs siècles, attribue à ces arbres élus, le principe de guérir toutes les maladies et spécialement les maux de dents ! Pour cela, rien de plus simple, il suffisait d’enchâsser un clou dans l’écorce en prononçant les paroles habituelles. Le Musée de la Vie Wallonne possède, dans une de ses innombrables salles d’exposition, le tronc d’un de ces arbres. Il s’agit de celui du Soleilmont-Gilly, qui fut abattu par la foudre.
Dans notre commune, nous avions déjà eu l’occasion d’évoquer l’un ou l’autre exemple de tilleul paré de sa potale. Près de la Chapelle de Strivay, une croix votive est épaulée par deux tilleuls.Citons, à ce titre, les tilleuls du calvaire du Presbytère de Plainevaux, qui illustrent la fonction religieuse attribuée à certains de ces arbres. Bref, à côté des tilleuls situés à proximité des habitations, comme ceux de Plainevaux, près de la poste (tilleul-tétârd) et près de l’église, celui de « li rodje mohone » à Neuville, ou comme ceux sis aux abords des fermes aux hameaux du Bout-de-Rotheux et de la Salle1, certains revêtaient une fonction plus spécifique. Ainsi, l’on peut aussi rencontrer un antique usage observé par les maîtres de forges. Il consistait à planter un tilleul à proximité de ces ateliers. La fonction protectrice de ces arbres, déjà annoncée dans le second article de cette série, semble alors refaire surface.
Enfin, on ne peut passer sous silence la drève de 185 tilleuls qui conduit au cimetière américain. Selon Abel Lurkin, ces arbres auraient été plantés vers la fin du siècle des lumières, en l’occurrence en 1790. Il est difficile de préciser la raison de cette implantation. Quoi qu’il en soit, il semble bien que la connotation historique puisse être avancée, que ce soit à l’occasion d’une commémoration de souvenirs ou en référence aux « Arbres de la Liberté ». La question est ouverte…
Dans les prochains articles, nous traiterons plus particulièrement du chêne, de sa symbolique, de ses spécificités et des témoins présents sur le territoire de notre commune. Signalons, pour clore ce troisième volet, qu’une carte de notre entité sera jointe au terme de cette série d’articles, afin de localiser de façon précise les arbres évoqués à travers ces lignes.
Alain-Gérard KRUPA.
1 Cf. NELISSEN André, Tilleuls, arbres fétiches et autres arbres remarquables dans le Condroz liégeois, l’Ardenne liégeoise et le Pays de Herve, in Bulletin des enquêtes du Musée de la Vie Wallonne, t. IX,
1960-62, pp. 2-38