0186. LA MORT DU GENERAL CASTLE

Dimanche 24 décembre 1944.

Très haut, à plus de 6000 mètres au-dessus de la Hesbaye libérée, à quelques minutes de Brusthem, l’US Air Force, le puissant corps de bombardiers américains, opère sur l’Europe.


Derrière la forteresse de Henry MAC ARTY, 2045 autres quadrimoteurs sont en l’air vers la RHENANIE où, à Saint-Vith, le convoi aérien se scindera en 3 flottes lancées vers leurs objectifs.

A la pointe de l’Armada, cent forteresses volent vers Francfort avec à leur tête le B-17G de commandement. C’est un appareil tout neuf, en duralumin vierge de peinture: l’empennage est peint en jaune vif et timbré du P blanc sur carré noir qui dénote le Groupe 487; sur ses flancs, de part et d’autre de l’étoile blanche liserée de bleu, les lettres noires 2GC identifient le Squadron 836 et l’avion dans le groupe.

Aujourd’hui, un équipage de 10 hommes occupe l’avion et parmi ceux-ci, au siège de copilote, le Brigadier Général d’aviation Frederick CASTLE. Ce petit homme blond, à la voix monocorde, un vrai bourreau de travail, commande le 4 Bombardement.

Le matin, vers 9 heures, il s’est faufilé dans les entrailles métalliques du quadrimoteur qui allait devenir son cercueil. Rien ne distingue ce militaire de haut rang des autres aviateurs. A 12H30, le Groupe de tête passe donc à la verticale d’Eghezée. Là, le navigateur MAC ARTY explique que le moteur n1 du B-17 perd de l’huile, il faut donc réduire la puissance et la vitesse de l’avion…

CASTLE transmet sa responsabilité de Commandant aérien au meneur en second, le Commandant MAYFIELD qui vole dans un avion voisin.

La LUFTWAFFE, alertée par les radars des côtes hollandaises et guidée par ceux de l’Eifel, survole les Ardennes jusqu’à LIEGE. Trois chasseurs allemands sont signalés lorsque la forteresse de CASTLE doit se dégager à gauche, au-dessus de l’axe SAINT-SEVERIN – COMBLAIN. CASTLE reste d’abord sous la protection de la formation; les 3 Allemands foncent plein SUD sans tirer. Ce danger passé, la Forteresse, continuant à perdre du terrain, doit de nouveau dégager à gauche. CASTLE aurait pu se délester de ses 2 tonnes de bombes et ainsi allégé, continuer avec ses amis. Mais il a refusé de larguer ses explosifs au-dessus des territoires libérés et habités.

Un B F 109 allemand, isolé, tiraille sur la forteresse et blesse le radariste à la jambe droite. Trois autres Allemands déboulent, tirant de toutes leurs armes, ils incendient les moteurs, le commandant de bord ordonne à l’équipage d’abandonner l’avion.

Les restes de la forteresse volante à ENGLEBERMONT. Photo R. BERTRAND.

LTrois hommes sautent en parachute, deux sains et saufs, le 3 se fracturera la jambe gauche et aboutira à l’hôpital de Bavière. Au moment où le 4 se prépare à sauter, un 20mm allemand explose dans l’aile droite, dans un réservoir. Les vapeurs d’essence achèvent le travail destructeur. Le quadrimoteur s’engage en brutale vrille qui soude les occupants aux parois.

Un ouragan de feu balaie le fuselage arrière, le quadrimoteur se brise.

Les deux occupants radios ne survivront pas, PROCUPIO est retrouvé grièvement blessé sous son parachute, le radio SWAIN n’a pas pu boucler son parachute. C’est lui qu’André PAHAUT, adolescent de 15 ans, voit, depuis HODY, tomber désarticulé, dans la terre gelée.

Le fuselage arrière ainsi que l’aile droite tombent dans un bois de BAUGNEE, la section de queue gît à 1 km de TAVIER.

Le général CASTLE est attaché à son siège de pilotage de droite d’où il a tenté de contrôler l’avion, HARRIMAN est cloué à la membrure par l’écrasante force centrifuge de la vrille. L’épave touche terre, sous un angle de 30. Les bombes sont encore à bord, elles explosent sous l’impact, dispersant à 200 m à la ronde débris humains et ferrailles, il est 12H40.

A ROTHEUX-RIMIERE, un peu de fumée noire monte des frondaisons bordant le ruisseau du BOIS des MOGES, à 800 m du château d’ENGLEBERMONT.

CASTLE ET HARRIMAN seront inhumés au Château puis à HENRI-CHAPELLE qui est alors le cimetière de campagne américain le plus proche.

La mémoire de CASTLE sera perpétuée par l’attribution, à titre posthume, de la plus haute décoration militaire de son pays: la MEDAILLE d’HONNEUR du CONGRES.

Résumé: extrait de CARNET DE VOL.

par Rolande BERTRAND