Dans les Cahiers de Jadis n°37, nous vous parlions du docteur Souris et de son activité. Entre autres, la distribution avec d’autres habitants de la commune de la presse clandestine « Churchill Gazette » et la « Libre Belgique ».
L’extrait ci-dessous vous présente le groupement de résistants à la base de cette activité.
Publié avec l’aimable autorisation de l’IHOES Institut d’Histoire Ouvrière, Economique et Sociale.
C’est en août 1940, que se constitue le premier noyau de résistants qui donnera naissance au groupement: M. Goffin reçut d’abord la collaboration de Louis Latin, qui tiendra toute la guerre, puis presque aussitôt Albert Franken, Alphonse Lecarte, Marcel Mayeres, l’abbé Ernotte, Auguste Renson.
Au début, ce groupe s’occupe de contrecarrer la propagande allemande par l’enlèvement de ses affiches, l’apposition d’affiches les attaquant, distribution de tracts et reproduction de tous articles patriotiques: cette reproduction se fit au début grâce à la bonne obligeance de M. l’abbé Gillard, alors révérend curé de la paroisse de Saint-Hubert, à Liège…, qui possédait un duplicateur.
Vers octobre 1940, l’équipe se renforce de Robert Léonard, Maurice
Toussaint, Augustin Boulanger, Henri Evrard, Yvan Ujevic, tous membres dont les services furent inappréciables.
La plus heureuse recrue à ce moment fut celle de M. Edouard Verjus qui, après avoir mis à la disposition de son chef, M. Coffin, l’entièreté de son activité et de son dévouement, en quelques heures de temps, mit ses amis en possession de tout le matériel nécessaire à une impression de journaux clandestins sur place ( ?)… c’est-à-dire chez lui, où il travaille seul avec son épouse, Beelen Maria; seul M. Goffin censurait les articles et en faisait le choix chez ce dernier, à toutes les heures du jour -et de la nuit.
Noblesse oblige, et pour satisfaire l’intérêt de plus en plus grand porté à la petite « gazette », il faut compléter l’organisation: c’est alors que M. Verjus est autorisé à s’adjoindre une équipe qui devait cependant ignorer son chef: elle se constituera de M. et Mme. Verjus, M. et Mme Cornélis, M. et Mme Ponsgen ; il y a trois machines, ils forment trois équipes de deux. Ce sont ces personnes qui conduiront l’impression à bonne fin, et quelles que soient les circonstances, jusqu’à la fin de l’occupation.
L’impression se fait toujours chez M. Verjus: fin février 1943, M. Verjus sera arrêté à son domicile alors que l’impression vient de se terminer depuis deux heures à peine; une cachette très habile a heureusement permis de dissimuler tout le matériel qui échappera ainsi à la perquisition.
Disons que, depuis le 14 octobre 1942, M. Goffin a échappé à la Gestapo, a pris le maquis, mais reste en liaison avec ses hommes par MM Lecarte et Franken.
Pour être complet, disons aussi que, depuis 1941, dès le début, une équipe s’est constituée à Ougrée, où nous retrouvons MM. Augustin Verjus, Nicolas Lacroix, Constant Paquay, Léopold Harzé, Mme Augustin Verjus, sa fille Irène, et M. Fagot.
Il s’en constituera la même peu après à Flémalle-Grande, avec MM. Francken, Lecarte, Joiris Victor, Lemaire.
Fin 1940, s’était joint au groupe… sans en connaître qu’un seul membre, un ancien compagnon d’armes de M. Goffin, M. Adelin Husson. Sa collaboration fut très appréciée, du fait d’abord qu’il écrivait bien (son seul rôle était d’ailleurs rédacteur) et que, ensuite, ancien employé de « La Meuse », il parvenait à posséder tous les secrets de la « La Légia » et permettait ainsi à ses amis de la « martyriser » avec beaucoup de succès.
Ce fut Husson qui imagina le titre « Churchill-Gazette », fin décembre 1940; il en parla à M. Goffin, et celui-ci décida, dès ce moment, d’adopter ce titre pour son journal. Le premier numéro ainsi titré sortit en janvier 1941.
Lors de l’arrestation de M. Verjus, c’est André Ponsgen, choisi par Verjus, qui se chargera du sauvetage du matériel pour l’installer chez lui, rue des Bas-Sarts, où il travaillera en compagnie des mêmes équipiers. M. Ponsgen eut à ce moment une entrevue avec M. Goffin sur la grand-route Ferrière-Werbomont, et reçut ainsi toutes les directives utiles.
A la suite d’une alerte très sérieuse, nos imprimeurs seront obligés de s’installer dans la sacristie de l’église du Val-Saint-Lambert, mise il leur disposition par M. le révérend curé Marrier, puis dans le grenier du vicaire, M. Goldstein.
Le journal n’a fait que s’améliorer, et les rédacteurs sont de choix: Belga ou l’abbé Ernotte, Keep Smelling ou M. Breulheid, Espérance ou Mme Boussard, le Soukeu ou M. Franchioli, directeur du Trocadéro, Jean-Marie ou M. Daniel, Rosa ou M. Fagot, Joseph II ou Albert Franken, Jean des Trois ou M. Alphonse Lecarte, professeur Nimbus ou M. le docteur Moreau, le colonel BEM ou le major Leloup, et X 43 ou M. Fernand Peeters.
Le 15 janvier 1944, M. Ponsgen est arrêté, M. et Mme Cornélis, nullement impressionnés, rejoignent l’équipe d’Ougrée… sur des positions préparées d’avance !!! Et c’est là que l’impression reprend de plus belle. Le 3 mars 1944 d’ailleurs,
M. Ponsgen est remis en liberté et il rejoint son équipe. A ce moment, on retrouve dans l’équipe M. et Mme Louis Debain.
En 1940, par l’intermédiaire d’un de ses distributeurs, M. de Ville de Goyet, M. Goffin sera mis en rapport avec « La Libre Belgique » dactylographiée et fera, par la même occasion, connaissance de M. Frans Hentjens. L’un et l’autre acceptent de reproduire « La Libre Belgique », un intermédiaire bruxellois, M. Barhier, leur apportant les stenci1s. L’équipe bruxelloise n’aura pas longue vie et sera arrêtée assez tôt. M. Hentjens, aidé par les époux Bosmans-Wyshof et de M. Krins, se chargera de reprendre l’impression inédite de «La Libre Belgique » et organisera avec le groupe « Churchill-Gazette» une collaboration d’impression qui ne se désorganisa jamais. Au départ de M. Hentjens, arrêté en octobre 1942, M. Krins reprit les rênes et tout resta dans l’ordre jusqu’à la Libération. Ceci devait être dit, parce que le groupement « Churchill-Gazette » sortait alternativement son journal, puis, la semaine suivante «La Libre Belgique ».
Telle fut l’activité Presse Clandestine du groupement «Churchill-Gazette», mais il ne se borna pas à cela, loin de là : il s’est occupé très activement des sabotages, services de renseignements, sauvetage des traqués: réfractaires, aviateurs, etc… En 1943, une section spéciale « Soutien Churchill» s’occupera spécialement du ravitaillement des traqués et réfractaires et de leur famille. Ponsgen, Lecarte, Ernotte, Franken et Dehain s’en firent une spécialité, avec M. Louis Latin. Au cours de l’été 1944, ils distribuèrent 1.427.835 francs.
Dès 1940, le groupement était organisé militairement en groupes dénommés
« Les Corps Francs », groupes que, début 1942, M. Goffin mit à la disposition du colonel Warland, chef de la Légion Belge, province de Liège. Cela constitua C.T.9-AS., dont M. Goffin était le commandant.
Churchill Journal
Notre but
Notre but, chers lecteurs, est de raffermir et d’encourager le patriotisme belge jusqu’à l’heure proche et certaine de la délivrance. Nous devons faire connaître aussi les progrès accomplis par nos alliés, en opposition avec la situation toujours, plus compromise de l’Axe. Nous devons lutter contre le défaitisme particulier de notre presse qui consiste a déclarer vaine la résistance à l’oppresseur et dénoncer les crimes rexistes. Correspondants liégeois, de la Churchill-Gazette nous nous faisons un impérieux devoir de dénoncer quiconque pactisera avec l’ennemi. C’est pour cette raison que nous nous en prenons d’abord à la presse, ce terrible et efficace moyen de propagande.
Le tour des autres viendra. Tous ceux qui de près ou de loin auront eu des attaches avec l’ennemi, avec le momentané occupant, seront mis au jour par nos soins et livrés quand sonnera l’heure de la libération, à la vindicte publique.
Extrait de
« Churchill-Gazette » n°3 de février 1941
1 Bulletin mensuel de l’Union provinciale liégeoise de la Presse clandestine. – n°2, février 1947