Un intéressant retour vers le passé ?
V’là l’printemps ! Le renouveau ! Résonner trompettes !
Daniel Van Alken
Voici le cadeau rapporté par les cloches pour Pâques :
On va vous placer un bel égout tout neuf !
Et on va défoncer, creuser, étançonner, bétonner, placer, raccorder, reboucher et enfin ré asphalter soigneusement quelques chaussées de Plainevaux.
Les travaux vont commencer et la durée est fixée à 160 jours ouvrables ( 8 mois, disent les plus optimistes, 12 supposent les réalistes et oserais-je vous confier que certains « rigolos » parlent de 3 ans !)
L’occasion est trop belle, ne nous plaignons pas…
Nous allons (re)découvrir les difficultés de communication qui ont fait la joie des habitants de Plainevaux pendant au moins 800 ans !
Les anciens chemins de liaison avec les gués de l’Ourthe, la crête du Condroz et les rivages de la Meuse sont très anciens. En temps que tels, ils n’existent pratiquement plus.
Rassurez-vous, nous n’allons pas remonter si loin dans le passé.
En ce début du troisième millénaire, nous avons l’habitude de nous déplacer à bord de notre confortable véhicule climatisé sur des chaussées qui sont relativement récentes et capables de supporter un trafic dense…
Il y a moins de 200 ans, à Plainevaux, la situation était tout autre…
Afin d’avoir une idée du « trafic routier interne » dans la commune, de 1815 à 1840, tous les relevés (de taxes !) sont unanimes… Il n’y a dans l’ensemble de la commune de Plainevaux que :
- Deux chariots (4 roues) à deux colliers (on y mettait soit des bovins ou des chevaux)
- Sept charrettes (2 roues) à un collier.
Ceci peut nous étonner mais pourtant, tous les écrits le confirme !
Les « routes » ou anciens « chemins royaux » sont en si mauvais état que les transporteurs de l’époque doublent les prix pour livrer dans le village de Plainevaux.
C’est après la création de l’Etat belge, en 1830, que l’on va réellement se soucier d’améliorer le transport par route.
Cela demande un réel effort pour imaginer la commune jusqu’au XIXe siècle sans les routes suivantes :
- La route de Martin
(de Houte-si-Ploût à Esneux) (construction :1833-1838).
Elle sera réalisée, non sans peine, en 2 phases. La première qui ne reprend que le petit tronçon de voirie allant du bas de la route de Strivay vers Esneux et nécessitant la construction d’un nouveau pont à Martin.
Ce pont sera en bois mais…pavé (On prévoit 25 m² de pavés, du 3ième échantillon, provenant des carrières de Monfort). Le projet de la seconde phase, qui est la véritable jonction Martin-Houte-si-Ploût, date de juillet 1835 (Sa réalisation va prendre une petite dizaine d’années.)
- La rue
du Centre (1ère
partie) (du garage Delincé à la maison des
jeunes) qui portait précédemment le nom de « tige
Piret » jusqu’au ruisseau, était
impraticable avec une charrette (construction :1920 !).
Elle sera réalisée après la première guerre mondiale pour avoir un accès aisé entre le centre du village et… la gare du vicinal !
- La rue
Grosse Pierre (construction vers
1880).
Ce n’était alors qu’un sentier tellement difficile que l’on avait tracé une route, aujourd’hui disparue, « li voye dè mwerts », servant à acheminer les convois funèbres venant de Strivay vers l’église, en passant par la rue du Christ et la ruelle Maton !
- La rue des
Chartreux ( après
« le thier des Fawes »,
c’était un cul de sac ! Il y avait possibilité de prendre
la ruelle des Loups ou la ruelle du Saint-Sacrement mais dans un cas
comme dans l’autre, on se retrouvait dans la ruelle Linette !)
.Le projet d’une liaison avec Rotheux par Pirgotte
date de 1873, mais la réalisation va prendre presque 60 ans !
C’est simple, en septembre 1944, elle ne
figurait pas sur les cartes du général Rose venant libérer
Plainevaux ! De Rotheux, il est passé par le gué du Trou
Bottin et la ruelle Linette !
(Pour se rendre à Rotheux vers 1890, le seul itinéraire possible était de passer par… le bas du village, rejoindre le moulin par le chemin longeant le ruisseau de Plainevaux et monter le chemin de Bonsgnée !)
- La rue de
Beauregard (construction :1875).
On parle ici de la liaison entre le bas de la rue Croisette et les premières
maisons de Beauregard, soit 600 m.. Depuis la plus haute antiquité, on passait, depuis le carrefour de la croix Waldor, par le chemin de la Roche aux Faucons, « Li voye dî Tonk » !
- La Grand-Route
(construction :1843-1846).
C’est la liaison avec la route venant de Seraing le long du ruisseau de la Vecquée et se dirigeant vers Houte-si-Ploût.
La partie traversant Seraing porte plusieurs noms :
« La route de Lize à Hody »,
« La route d’Entre Meuse et Ourthe »,
« La route du Val-Benoit à Hody »
et sa construction semble dater de 1839.
(Il y avait une barrière de péage à l’entrée de Seraing, sur le côté droit en descendant, 100 m après la maison Devillers, exactement dans le tournant actuel)
La partie concernant Plainevaux date de 1843.
( A l’époque, la limite entre les communes de Seraing et de Plainevaux se trouvait juste à hauteur du château de Plainevaux ; elle a été modifiée à la fusion des communes.)
C’est en grande partie un nouveau tracé car la seule voie directe de communication avec Seraing était depuis des « temps immémoriaux », l’Allée du Ban ou « voie de l’Abbé ».
Depuis le château de Plainevaux, on reprend l’assise d’un tout petit sentier existant, le « Tige Jacquet » pour arriver à « la Croisette ».
Le baron de Waha, propriétaire du château n’est vraiment pas heureux, on coupe sa propriété en deux par une levée de terre importante, nécessaire à la nouvelle route, afin éviter les dégâts des eaux de ruissellement. On le calme en lui aménageant… un tunnel sous la route ! (Il y est encore…)
Du carrefour Croisette-Croupée, on trace un nouveau tronçon en décrivant un arc de cercle au-dessus de la rue du Christ. (L’ ancien chemin de passage)
De l’actuel garage Delincé on descend vers le moulin par un tronçon neuf, à travers prés, en coupant deux anciens chemins. Du carrefour de la rue Fine Pierre (anciennement, Tige du Moulinier ou tige du Meunier), à partir du lieu-dit « â p’tit Molin », la route descend en lacets vers Houte-si-Ploût en reprenant plus ou moins des tronçons d’anciens sentiers.
Et que dire du fond du village ?
En 1845, ce ne sont encore que des sentes boueuses et parfois dangereuses. Il n’y a aucun pont !
Pardon, il y en a un en face de la « maison vicariale » ou école communale de Plainevaux !
« Suite à une demande spéciale à l’inspecteur des forêts on a reçu l’autorisation de couper un chêne dans les bois communaux afin que les enfants puissent rejoindre l’école à pied sec ! »
Le chemin du fond du village (et uniquement, du côté droit) ne sera empierré qu’en 1848 et seulement entre… le pied du thier des Fawes et la Ruelle Linette !
« En période de fortes pluies, il est impossible, même à pied, de passer entre l’église et le ruisseau ! »
Le premier pont sur le ruisseau date de 1850, il est près de la nouvelle école actuelle. Deux autres ponts en pierres seront construits à partir de 1861. L’un en bas de la Croupée, en amont de l’église. L’autre près de l’actuelle maison des jeunes.
Ces ponts auront les caractéristiques suivantes: La voûte aura la forme d’une demi circonférence et d’une ouverture d’un mètre cinquante ! La largeur sera de 1,50 m y compris les banquettes de 50 cm de haut et de 40 cm de base !
A la lecture de ces lignes, vous aurez déjà pesté dans la cohue et les véhicules qui n’avancent pas devant vous !
Patience… on vous dévie !
Comme les ancêtres, vous cheminerez dans la gadoue, au pas du bœuf… en rejoignant votre logis !
Patientez… on va vous égoutter !
Pas de crispation autour du volant, pas d’énervement et surtout… ne rongez pas vos freins !
Patientez… on va vous épurer !
Vous n’êtes pas encore chez vous ? Alors, comme nombre de générations de pauvres Plainevallois l’ont fait avant vous, en essayant de se déplacer sur les chemins de la commune,
… râlez !