Je veux vous faire partager mon enthousiasme et mon attachement au point d’eau de ma jeunesse et même s’il ne reste rien de visible, je suis intimement persuadée que la bonne eau pure reste présente là-dessous et n’attend qu’à revivre pour nous.
A l’entrée du village, la rue des Deux Eglises (ancienne rue du village) coupe la route gouvernementale à angle droit et là, au seul coin non bâti1, un puits nous accueillait, il ronronnait dans un grincement de chaîne et arrondissait son vieux dos fatigué.
Un seau était attaché à une chaîne, celle-ci glissait sur une poulie et à l’autre extrémité un contre-poids un peu rouillé ne parvenait pas à polluer la bonne eau calcareuse, d’un goût délicieux, la meilleure du village à notre avis (certains prétendent qu’elle dépend de la Fontaine Paulus) et une des rares à ne jamais avoir été à sec. Un mur en ciment permettait de se pencher sans aucun danger. Le puits était interdit aux enfants.
Son eau était tellement fraîche, que le boulanger devait la laisser tiédir avant de l’utiliser.
Bien avant les années 30, le vieux puits ayant bien rempli sa mission, laissa la place à une pompe en fonte, semblable aux autres placées dans tout le village.
Le bras de la pompe chantera pour les quelques maisons déjà bâties rue Sart-Laurent, rue Bellaire et rue du Village.
Une fermière du dessus de la rue monopolisait la pompe chaque jour, elle conduisait un petit tonneau qu’elle devait remplir un seau à la fois, elle était en pays conquis et malheur à qui voulait interrompre, ne fût-ce que pour un …seau, son travail absorbant.
Maria.
Histoire du tonneau, racontée par Josette.
Félicie, plus petite, pompait avec vigueur. Victoire, très grande remplaçait d’un seul mouvement le seau plein par le seau vide, élevait le seau rempli à la hauteur de l’ouverture du tonneau et ainsi de suite. Les deux soeurs fonctionnaient comme une machine bien huilée.
Pour la petite côte du retour, les seaux accrochés aux bras du tonneau brinquebalaient, Victoire tirait et Félicie, derrière, poussait, un vrai tableau ancien.
Quelques idylles s’y sont nouées, quelques commérages y ont attaqué, sans malignité, les réputations. Mais ce que je retiens c’est la belle amitié, la profonde entente qui unissaient les utilisateurs heureux de s’y rencontrer et qui plus d’un demi-siècle plus tard, en reparlent avec émotion.
Rolande.
Mes deux garçons se disputaient pour échapper à la corvée « eau » pourtant nous n’étions qu’à 300 mètres de la pompe. L’aîné Jacques, disait (et soutient encore à l’heure actuelle) que c’était lui qui y allait tous les jours et que je protégeais Michel, plus petit.
Ils « charriaient » chacun à leur tour, un jour l’un, un jour l’autre et ils n’ont certainement jamais imaginé le nombre de fois que moi, leur maman, je faisais le trajet chaque jour et à bout de bras car je ne supportais pas le « harkê ».
Georgette.
1 A cet endroit, depuis 1993, la Régie des Postes y fait ériger un bâtiment afin d’y regrouper tous ses services.0