« La Magrée » est le nom donné à ce ruisseau qui, venant du village de Ellemelle, traverse Tavier, puis La Chapelle et rejoint au lieu-dit « âs deûs ris » (Tavier), le ruisseau venant de Nandrin. De là, tantôt à ciel ouvert, tantôt en cours souterrain, leurs eaux réunies vont se jeter dans l’Ourthe à Esneux, après avoir traversé une partie du territoire de notre entité.
Comme le signale Edgard Renard, « offrant d’intéressants spécimens de phénomènes propres aux terrains calcaires – chantoirs, cours souterrains, résurgences, grottes – la région a été étudiée par les géographes et les géologues« 1. C’est le cas du baron de Radzitzky qui décrit ce petit cours d’eau.
« La Magrée, prenant sa source près d’Ellemelle, se jette dans l’Ourthe à Esneux; elle n’a pas moins d’une douzaine d’affluents, parmi lesquels les ruisseaux de Plainevaux, de Moxhe (en réalité des « Moges »), de Lavaux, du grand-Bois et du Sart, presque tous tributaires importants« 2.
Mais d’où vient le nom de « Magrée« ? D’après Renard, dans son article de 1936, le ruisseau n’a pas de nom qui lui soit propre. Les habitants du coin le désignent par un terme générique, celui de « ri« . Il ajoute que « au besoin, ils précisent en ajoutant le nom des endroits traversés : ri dèl mèle, rid’molin, ri d’Taviêr, ri dèl tchapèle,…«
Continuons le développement de Renard:
…Les formes anciennes dont nous disposons ne remontent pas au-delà de la fin du 16e siècle: « une aultre piece de terre en triexhe gissante en lieu condist en malgree, assez près dedit Xhos, joindante vers Ardenne a chemin tendant delle melle a Mollinea » (1574); « un preit scitué entre Xhos et la Melle en lieu qu’on dist malgree » (1621).
Le terme représente male grata (terra), ou male joue le rôle d’adverbe et, placé devant consonne, aboutit à mâ, comme dans mâhêtî, mâssî, mâssêve, etc… Quant au sens, nous trouvons chez Pline gratae terrae signifiant terres productives, et chez Martial, ager non ingratus. En français, avant de passer à l’emploi métaphorique dans terre ingrate, l’adjectif a eu bel et bien le sens improductif. Mâgrêye désigne donc, non l’une ou l’autre particularité d’un ruisseau, mais un terrain de mauvaise qualité…3
Alain-Gérard KRUPA.
1 RENARD,Edgard, Glanures toponymiques,in B.C.R.T.D., t.X,(1936).
2 de RADZITZKY d’OSTROWICK,Baron Ivan, Notes sur la région de la Magrée,in Bulletin des Chercheurs de Wallonie,t.IV,(1960),pp.176-180.
3 RENARD,Edgard, op.cit.