1ère partie
Jadis, la fabrication de manches d’outils destinés à l’industrie et à l’agriculture était un artisanat florissant, dans certaines communes du Condroz, comme à Rotheux-Rimière ou à Neuville-en-Condroz. En 1950, une équipe d’enquêteurs du Musée de la Vie Wallonne s’est rendue chez Mr Bourgeois pour y recueillir à la fois le vocabulaire utilisé dans ce métier et noter les opérations de fabrication.
Les essences utilisées étaient diverses. Pour les pelles, on utilisait de l’aulne, du platane, du frêne, du bouleau, ou du saule. La fabrication des râteaux nécessitait l’emploi de coudrier ou de frêne, alors que les pioches étaient confectionnées en frêne. Ces dernières étaient faites « sur quartier », c’est-à-dire en façonnant des « quartiers » obtenus en fendant des tronçons de frêne. Ces manches présentent l’avantage d’être plus solides que les manches dénommés « sur rondins ».
Dans ce petit article, nous examinerons d’abord comment on fabriquait ces bois de quartier. Les tronçons (« roles ») de frêne ont été sciés à la scie à tronçonner (« fiêr di r’cèpe »), maniée horizontalement par deux hommes. Pour fendre (« finde »), le tronçon dressé, on se sert de coins (« cougnets »), de fer et de bois, qu’on chasse au marteau. On les fend en un certain nombre de quartiers, (« cwartîs ») d’après la grosseur du bois (…). Les quartiers à leur tour sont fendus (…). Le manche qu’on tient dressé sur le billot est ensuite dégrossi ou « sbatou » à la hache (…). Pour travailler les manches « sur quartier », on dispose d’un bâti spécial dit « ponte » (« pointe »), où le manche est tenu horizontalement par deux « pointes » de fer dont l’une est fixée, et dont l’autre, placée à la distance voulue, se serre à la manivelle. Le travail est fait à la plane et au rabot. Pour la fabrication de haches et « hav’rèces », on utilise le « couteau à deux mains » et une seconde plane, un couteau étroit appelé « li strût coûtê ». Après avoir ensuite raboté le manche avec le rabot cintré, on doit encore racler l' »échancrure » avec un racloir, pour parachever le creux. Reste alors à biseauter le bout et à passer le manche au papier de verre.
A-G. K.
Extrait de LEGROS Elisée, La fabrication des manches d’outils (enquête à Rotheux-Rimière), in Enquêtes du Musée de la Vie Wallonne, n°57-58, tome V, (Liège), 1950, pp 297-308.