Dans la vie du village, la place occupée par le forgeron était très importante, c’est ainsi que pour NEUVILLE avec ses quelques centaines d’habitants, il y avait deux forges. L’une située rue du village et tenue par Monsieur FONZE et l’autre, grand route, par Monsieur BEAUJEAN.
Ces deux forges sont disparues depuis de nombreuses années. Je me souviens de Monsieur Beaujean, ce forgeron de grande taille, revêtu d’un long tablier en cuir très épais, qui le protégeait des étincelles et de la chaleur du feu ardent du foyer de la forge. La face rougie par les flammes, il actionnait le soufflet, ce qui donnait au feu un éclat vif et brillant.
Le fer dur et noir était plongé dans les braises brûlantes, il devenait rouge vif, presque blanc tant il était chaud. Avec une pince qui ressemblait à une grande tenaille, il retirait le fer incandescent du feu, et oh! miracle, le fer prenait la forme désirée. Le lourd marteau, manoeuvré par un bras musclé, tombait sur l’enclume et projetait des gerbes d’étincelles dans toutes les directions. Le bruit du marteau sur le fer et sur l’enclume remplissait la forge et résonnait, dans tous les environs, comme un carillon cristallin.
Les chevaux qui à cette époque étaient nombreux, dans le village, venaient prendre place dans un châssis en bois appelé « travail (trava)« . Ils étaient maintenus immobiles durant toutes les opérations de ferrage. Le fer était façonné et ajusté à la forme exacte et avant la pose définitive, il était réchauffé et appliqué sur le sabot. Sous l’effet de la chaleur, il dégageait une fumée bleue et une odeur de corne brûlée. Avec des clous spéciaux, le maréchal ferrant fixait définitivement le fer au sabot du cheval.
La forge était aussi le lieu où l’on réparait le matériel agricole.
Une des opérations spectaculaires, était la pose de nouveaux bandages aux roues des chariots et des tombereaux.
La roue en bois était débarrassée du vieux bandage, le nouveau était forgé de façon à avoir un diamètre plus petit que celui de la roue. Le fait que le fer se dilate en chauffant et se contracte en refroidissant, maintient l’assemblage de la roue. Chauffé au rouge d’une manière régulière sur un feu circulaire, le bandage est façonné et enfoncé brûlant sur le contour de la roue, avec de gros marteaux. Pour cette opération, la roue était placée en face de la forge dans un gabarit spécial. Le bandage était refroidi avec de l’eau, avant que le bois de la roue ne brûle.
Le suintement du bois brûlé, la fumée bleue, la vapeur produite par l’eau au contact du fer rouge attiraient toujours de nombreux curieux, car c’était un événement important dans la vie du village
J. PIRON-MODAVE.