La fontaine au pré

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Depuis 1992, année des fontaines, chacun essaye de se souvenir, qui de son puits, qui de sa pompe, qui de sa source

où, chaque jour il venait remplir ses deux seaux pour les besoins alimentaires de la maisonnée.

Hélas, l’installation des conduites d’eau en 1955 a fait disparaître assez rapidement tous ces points d’alimentation; et c’est ainsi qu’à Neuville-en-Condroz les quelques pompes ou fontaines se sont retrouvées soit enterrées sous les trottoirs en bitume, soit rasées et fermées d’une dalle au niveau du sol à l’exception de la pompe du Bida dont il subsiste encore la planche d’attache, et l’un ou l’autre puits chez quelques particuliers.

1 (Photo R. Bertrand)

Et pourtant….Dans les terrains de cultures appartenant à Mr Jacquemotte et jouxtant le cimetière américain, il subsiste encore une jolie fontaine. Si elle a résisté à l’invasion des canalisations c’est sans doute parce qu’à cette époque elle était déjà oubliée, et cet oubli l’aura sauvée.

Installée sur le versant sud dominant le château de la Neuville, constituée de trois murs de briques barrés d’une porte de fer, et recouverte de terre, elle devait alimenter le jardin du château et son jet d’eau.

Elle a été surmontée d’une jolie colonnette de pierre en 1792, époque des grandes transformations décidées par les propriétaires, la famille de Lannoy.

Appelée « la fontaine au pré (ou au preit) » elle a donné son nom au nouveau lotissement de la « Terre à la Fontaine ».

Elle était connue des ouvriers agricoles qui venaient y puiser une cruche d’eau bien fraîche pour étancher la soif qui se faisait sentir aux heures les plus chaudes de l’été, quand on fauchait les moissons de la Terre des Quarrés ou le long du Bois des Fumets. Ainsi que pour les premiers ouvriers du cimetière américain qui s’y désaltéraient après avoir creusé les fosses pour y enterrer les corps de ces jeunes américains tombés dans les Ardennes.

Actuellement, elle est livrée à la curiosité de quelques enfants imaginatifs qui en font leur île de Robinson, leur caverne d’Ali-Baba ou leur campement de survie.

Mais il est urgent de la dégager de toute végétation sauvage qui a envahi son tertre et de restaurer ses murs de briques crues. De plus, sa colonne présente un réel danger pour celui qui, malencontreusement, descellera la dernière brique qui la maintient encore en équilibre.

L’année des fontaines est donc arrivée à point nommé; l’Administration Communale, qui a reçu le feu vert de la part du propriétaire, a bien l’intention de s’en occuper, et c’est heureux ! Elle reste en effet la dernière fontaine digne de ce nom sur le territoire de La Neuville.

Joseph FILEE.

GLOSSAIRE1

Afforains: Bourgeois de la banlieue de Liège, étrangers.

Aides: Impôts extraordinaires collectés dans les quartiers, dans la noblesse et le clergé.

Alleu: Propriété allodiale, c’est-à-dire héréditaire, dégagée de redevances quelconques.

Ancien régime: Régime féodal qui prit fin à la révolution française.

Ban: Division territoriale, juridiction.

Banalités: Droits du seigneur d’astreindre les paysans à moudre leur grain à son moulin, cuire leur pain à son four, presser leur raisin à son pressoir, contre paiement en farine, en pain, en vin.

Biens féodaux: Fiefs.

1     D’après PIRSON et DOUNAN, voir Biblio. page 45.