0203. NEUPRE SOUS L’ANCIEN REGIME.

APERCU SUCCINCT DES INSTITUTIONS POLITIQUES, ADMINISTRATIVES, JUDICIAIRES ET SOCIALES DE NEUPRE SOUS L’ANCIEN REGIME.

4ème partie.

LES DROITS SEIGNEURIAUX: LA SEIGNEURIE FONCIÈRE.

Esneux, terre limbourgeoise sous l’Ancien Régime, apparaît pour la première fois dans un document daté de 814 sous la dénomination « Astenido ». C’est à partir de la fin du XIIe siècle qu’il est possible d’identifier les Seigneurs d’Esneux: Wéry de Walcourt et son fils Thierry1. La famille d’Argenteau, qui acquiert la seigneurie d’Esneux au XIVe siècle, la conservera jusqu’à la fin de l’Ancien Régime.

Sceau de la Cour de Justice d’Esneux.

Au Moyen Age, le terme « Seigneurie » désigne à la fois les droits seigneuriaux et le territoire sur lequel ils s’exercent2. Ces droits sont à la fois réels (droits sur les choses) et personnels (droits sur les personnes). Ainsi la seigneurie foncière, également appelée domaine éminent est-elle un droit de propriété sur les biens immobiliers : l’usufruit, également appelé domaine utile, d’une partie de ces biens (tenure) peut-être cédé à des tenanciers sous la forme de censives ou de fiefs. Les censives sont des tenures cédées à des paysans contre le versement d’une redevance, le cens, payable en nature ou en monnaie; les fiefs sont des tenures cédés à des hommes d’arme dénommés vassaux contre l’accomplissement du service militaire (service d’ost). En qualité de vassaux des princes-évêques de Liège, pour leurs terres liégeoises et de vassaux du souverain des Pays-Bas, pour leur terre d’Esneux, les représentants successifs de la famille d’Argenteau serviront comme officiers dans les armées liégeoises et espagnoles …

A partir du XVIe siècle, les redevances et les services exigés par les Seigneurs tendent à se dévaloriser et à tomber en désuétude.

La seigneurie foncière donne également le droit au seigneur d’instaurer une cour de justice censale ou féodale qui exerce sa juridiction sur les censives ou les fiefs dont le seigneur possède le domaine éminent. La seigneurie d’Esneux possède sous l’Ancien Régime une cour féodale dont les membres, nommés par le Seigneur, veillent à la sauvegarde des droits du propriétaire, jugent les litiges et enregistrent les actes de mutation. C’est devant la cour féodale que s’accomplit le relief, formalité imposée aux vassaux chaque fois que les fiefs changent de titulaire ou de propriétaire.

LES DROITS SEIGNEURIAUX : LA SEIGNEURIE HAUTAINE

La seigneurie hautaine s’exerce sur les biens, mais aussi et surtout sur les personnes : il s’agit essentiellement d’une série de droits réglementaires, fiscaux et judiciaires qui résultent du morcellement de la souveraineté impériale ou royale.

Au cours d’une période qui s’étend au Xe ou au XIIe siècle, les pouvoirs régaliens (du latin « rex-regis ») sont transférés de gré ou de force à des potentats locaux

(princes-évêques, princes-abbés, ducs, comtes, châtelains) qui vont les posséder et les exercer en tout ou en partie : droit d’élever des fortifications, droits fiscaux (taille, tonlieu sur les marchandises), corvées collectives, réquisitions, service militaire, droits de justice, banalités (moulin, brasserie, four), … Le renforcement de l’autorité centrale et le mouvement communal (coutumes, franchises)auront tendance à partir du XIIe – XIIIe siècle à limiter la Seigneurie hautaine, sans l’abolir pour autant.

A Esneux, le seigneur possède le monopole des cours d’eau et de leur utilisation :

droit d’alluvion,

droit d’épave,

droit de winage sur les marchandises transportées par eau, droit de pêche concédé à des particuliers moyennant une redevance,

droit de faire tourner les roues hydrauliques concédés à des exploitants privés (meuniers, maîtres de forge).

A la condition de respecter les droits d’usage fixés par la coutume au bénéfice des manants (glanage, pâturage, essartage, …), le seigneur dispose des territoires de la seigneurie qui n’appartiennent à personne : forêts (droits de chasse et de flasche), mines et carrières (droit de terrage).

La cour de justice scabinale, composée d’un mayeur, d’échevins et d’un bailli, est nommée par le seigneur

d’Esneux : elle est compétente dans le domaine des litiges relatifs aux biens mobiliers et dans le domaine des délits et des crimes. Les affaires sont jugées aux plaids (audiences) généraux qui ont lieu trois fois sur l’année. Les amendes sont payées au profit du seigneur et de la cour scabinale. La Haute Cour de justice de Limbourg fait office de juridiction d’appel de la cour d’Esneux. Comme juridiction gracieuse, elle enregistre les actes : prêts, contrats, testaments, … Enfin la cour scabinale fixe le prix de vente de la bière, vérifie les poids et mesures et sert de cour d’appel aux cours de justice des seigneuries voisines : Tavier, La Chapelle, Baugnée, La Rimière, Villers-aux-Tours, Sprimont. S

L’ADMINISTRATION DES BIENS COMMUNAUX.

Sceau échevinal de la Cour de La Chapelle.

L’administration des biens, des obligations et des droits de la communauté des habitants de la Seigneurie d’Esneux est confiée à un bailli ou à un directeur, assisté par un Conseil de régence, élu chaque année au plaid général (cfr infra) qui a lieu le lendemain de la Saint-Jean (25 juin). Seuls les chefs de famille et les veuves, constitués en escadres réunissant les manants d’un même quartier d’Esneux, ont le droit de vote.

En 1707, à l’instar de ce qui se produit ailleurs à la même époque, une ordonnance royale réduit le nombre de votants à ceux qui paient dix florins de taille (impôt foncier direct de répartition). Ce régime électoral « censitaire », qui tend à réserver l’accès des assemblées aux habitants les plus aisés, se généralise au XVIIIe siècle dans les Pays-Bas et en Principauté de Liége.3

Marc LORNEAU.

1     Wery de Walcourt et son fils Thierry concèdent en 1192 Rosières, Plainevaux et Strivay à des moines originaires de Signy. Ceux-ci fonderont l’abbaye cistercienne du Val-Saint-Lambert en 1202.

2     G. HANSOTTE, op.cit.,p.107.

3     G. HANSOTTE, Les institutions politiques et judiciaires de la Principauté de Liége aux Temps modernes, S.l. Crédit Communal, 1986;(Collection Histoire, n73), 1987,p.236-237.