2052.Petite histoire d’un commerce coopératif local

L’Union Coopérative à Neupré

Jean Mertens
Les Cahiers de Jadis N°54 2010-2011

1ère série : La Coopérative de Rotheux-Rimière.
3ème partie : 1940-1953

Pendant la deuxième guerre mondiale : l’UC, sous tutelle allemande

L’union coopérative fait l’objet d’une stricte mise au pas par l’autorité occupante entre 1940 et 1945. Un haut commissaire allemand y exerce une surveillance étroite. Il ne peut être question d’organiser les assemblées locales et régionales bisannuelles de coopérateurs.

L’UC doit probablement son maintien à son réseau dense de magasins ordinaires, assurant la distribution d’une alimentation rationnée (donc contrôlable) à la population, jusque dans les campagnes.

En Allemagne hitlérienne, les coopératives avaient été supprimées « parce que toute organisation démocratique libre était gênante. »1

Carte postale publicitaire de l’Union Coopérative Ouvrière doc. N. Leclerc

1945 : Dommages de guerre

« Dès la fin de la guerre de 1945, l’UC commence par panser ses plaies: on pare au plus pressé pour réparer les dommages de guerre. »2

Ainsi, elle reçoit dès la fin 1945 des dommages de guerre pour les dégâts subis par le bâtiment de Rotheux s’élevant à 5.077,32 frs3. Cette somme ne semble pas avoir été utilisée pour réparer quoi que ce soit puisqu’elle est soustraite des dépenses dans le calcul d’amortissement du bâtiment.

Transformations urgentes en 1951-53

La construction d’un wc et d’un puits pour le transport des « détritus » est bien documentée : fin novembre 1953, un wc avec fosse est installé pour 13.334 frs. Une pompe et un puits pour le transport des « détritus » s’y ajoutent; les archives attestent d’un paiement complémentaire de 6.610 frs fin décembre 1953.4

Le 14 février 1951, le Comité Local de Rotheux adresse une lettre à L’union coopérative5 :

« Le gérant et le Comité Local ont eu un échange de vue et après constatation des faits, la décision suivante a été prise.

Le Comité Local vous prie de bien vouloir noter ce qui suit et y donner la suite nécessaire :

  1. Le gérant ne disposant au rez-de-chaussée que d’une place beaucoup trop exiguë, il y aurait lieu d’aménager une seconde place faisant suite à la cuisine[;] vu les murs existant[s] et le pavement, il n’y a là aucune difficulté.
  2. Les latrines existantes sont dans un état tel qu’elles provoquent les réclamations des voisins et tout à fait contraire[s] aux règles de la bienséance et de l’hygiène. Une fosse d’aisance conforme serait de toute nécessité.

Le comité Local vous fait également remarquer l’état des plafonds de la salle qui sert de réserve. Outre les risques d’accident que présente la chute de plâtras, de nombreuses marchandises perdent de la valeur par suite des poussières existantes. […]»

Il faudra deux ans et 9 mois pour que ces aménagements sanitaires « urgents » soient réalisés pour presque 20.000frs de l’époque. On comprend mieux ces atermoiements à la lecture de la note interne à l’UC du 2 mars 1951 adressée à M. Adam, directeur des travaux :

« Nous avons pris connaissance de l’extrait du compte-rendu du comité local, dans lequel il est question d’aménagements à notre immeuble.[…] Voici notre avis sur les demandes formulées :

  1. il est posé la question de l’érection d’une pièce supplémentaire faisant suite à la cuisine du gérant et à l’usage de celui-ci. Nous marquons directement un avis défavorable sur cette affaire, car depuis plus de vingt ans cette section existe dans l’état actuel et donner satisfaction serait amener un grand nombre d’autres demandes pour des cas identiques.
  2. Les latrines sont, parait-il, dans un mauvais état. Si comme le disent les camarades, il y a une question d’hygiène qui s’impose, vous devrez bien examiner favorablement.
  3. Pour ce qui est du plafond de la réserve, veuillez voir s’il n’y a pas possibilité d’effectuer une réparation sommaire qui pourrait quand même donner satisfaction, sans pour cela que nous soyions obligés de faire enlever tout le plâtras. »6

Déjà au début des années cinquante, un franc est un franc à l’UC. Il suffit d’analyser les trois réponses pour s’en convaincre :

  1. « avis défavorable » car « donner satisfaction serait amener un grand nombre d’autres demandes pour des cas identiques. » ;
  2. Approbation réticente : « vous devrez bien examiner favorablement » ; il ne s’agit pas d’un ordre d’exécution de travaux, juste un examen qui donnera lieu à appréciation par le directeur des Travaux.
  3. Minimisation des coûts enfin : « réparation sommaire qui pourrait quand même donner satisfaction ».

Sur trois revendications, une seule est finalement vraiment prise en compte par les services centraux et mise en œuvre par le service des travaux de l’UC.

Illus. 8 choix de marché pour fournitures classiques
Source : Archives administration communale de Neupré.

Les ventes dans les années 50

Pour vous donner une idée de ce qui était vendu dans un magasin typique des coopératives socialistes, voici, selon les recherches de Willy Serwy7 en 1954, l’intervention proportionnelle des diverses branches exploitées dans les ventes de toutes coopératives socialistes belges :


19381954
Boulangerie26,70%15,70%
Alimentation38,20%52,50%
Ameublement, ménage, toilette et fantaisie25,90%20,90%

« La moyenne d’achat des coopérateurs en 1953 était de 7.000 frs. […] La moyenne de la part sociale détenue par chaque coopérateur est de 114 frs. »

La même année 1953, l’échevin de l’enseignement informe le collège échevinal de Rotheux-Rimière, en sa séance du 13 juillet, d’offres reçues pour des fournitures classiques.

L’UC obtient une commande, après un appel d’offres auprès de plusieurs librairies, pour 11.419 frs de livres scolaires parce qu’elle est « la plus avantageuse ». Il lui est demandé de « fournir les articles huit jours avant la rentrée des classes »8. La maison Richelle du fond de Seraing (rue J. Calas) reçoit, elle, commande pour 12.925 frs d’autres fournitures scolaires pour lesquelles elle avait soumissionné moins cher.

Jean Mertens

1 p12. in Coop relations, numéro spécial 50è anniversaire U.C. – 1918 -1968, publié aux éditions Biblio, place St Lambert 26. Le terme « haut commissaire » est peut-être mal choisi. C’est toutefois la seule source trouvée qui en parle.
2 Idem, p14.
3 Doc 85 31 12 1954, farde n°217, IHOES.
4 Doc 85 31 12 1954, farde n°217, IHOES.
5 Doc 50 1951 02 14 Décision du comité local de Rotheux à Union Coopérative. Farde n° 217, IHOES.
6 Document 49 1951 03 02 de l’administration générale au c. directeur des travaux  ADAM, Farde n° 217, IHOES.
7 P. 13 in Serwy, Willy, secrétaire général de la société générale coopérative, extrait de l’exposé fait à la 25è école coopérative internationale, Le mouvement coopératif socialiste en Belgique, édité par le Comité national d’éducation coopérative sous forme de supplément à la revue Coopération, N°s 8 et 9 août-septembre 1955, 20p., boîte coopération 1, IHOES.
8 Séance du Collège échevinal de Rotheux-Rimière en date du 13 07 53, archives communales. Découverte d’Edouard David.