0880. Quand un ruisseau disparaît…du jour au lendemain !

Van Alken Daniel

En ce matin du premier octobre 1994, quelle ne fut pas la surprise des habitants de la rue du… Ruisseau, au centre du village de Plainevaux, de se réveiller sans le cours d’eau !

C’est Monsieur Paul Maréchal qui en allant rendre visite à sa mère constata que l’eau ne coulait plus. Sa curiosité étant aiguisée, il remonta le lit à sec et vit que l’eau était « avalée » par un trou à hauteur du n° 7, la maison occupée par Monsieur C.Guidice.
De mémoire d’homme, ce n’était jamais arrivé car le ruisseau alimentant jadis plusieurs moulins en aval, un tel fait aurait été consigné.
En géologie, le cas n’est pas rare, les spécialistes appellent cela « une capture ».
Ce phénomène parfaitement naturel se produit quand l’eau d’un ruisseau « aérien » (c’est à dire au niveau du sol) rencontre une faille ou une fissure dans le massif calcaire et va rejoindre un cours d’eau souterrain, souvent dans la direction des joints de stratification.

Il est extrêmement inhabituel d’assister à un tel événement « en direct » !

Monsieur P. Maréchal alerta un ancien collègue de travail, géologue amateur et spéléologue confirmé, Monsieur José Schoonbroodt. Ce dernier, très intrigué, effectua quelques sondages avec la collaboration de son club, le Groupe de Recherches spéléologiques de Comblain-au-Pont (G.R.S.C.), parvenant aussi à rétablir le ruisseau dans le lit primitif.


Monsieur J. Schoonbroodt avec « sa tenue d’astronaute » afin de se protéger de la …pollution du ruisseau.
Avec le concours de l’administration communale…

L’administration communale de Neupré fut prévenue et apporta aussitôt son concours afin de réaliser la sécurité de l’endroit. Avec l’aide technique d’une grue aimablement mise à disposition par le service des travaux, divers aménagements ont été réalisés: -la consolidation du lit du ruisseau,
-le placement de divers tuyaux,
-la sécurisation du site afin d’éviter des accidents,
-la réalisation d’une chambre de visite (voir photo page 872).

Enfin, des recherches allaient pouvoir être entamées dans ce nouveau chantoir.

De mois en mois, les travaux deviennent pénibles pour Monsieur Schoonbroodt, l’eau suinte de partout et la fissure étroite est difficile à élargir. Petit à petit, courageusement, il se fraye un passage en dégageant bloc après bloc.
Avec l’aide de Monsieur C. Guidice (ancien mineur), le soutien moral et matériel des riverains, plusieurs mètres sont grignotés sous le lit du ruisseau.
En étudiant minutieusement les cartes géologiques et les dernières données de l’Université de Liège, une question brûlait les lèvres des intéressés  » Où va cette eau ? » L’hypothèse la plus correcte, géologiquement parlant, aurait été un trajet souterrain d’une longueur de 4 Km !
L’étude de la direction des plissements, des bancs de calcaire et de toutes les données connues indiquaient la résurgence de Monceau comme l’endroit le plus probable de la sortie du cours souterrain. Afin d’avoir une certitude toute scientifique, il fut décidé d’effectuer un traçage au fluor.
En principe, c’est très simple, en déversant un colorant (neutre) dans l’eau, on peut déterminer aisément le lieu où ce colorant réapparaît. La réalisation scientifique d’un tel traçage est quand même assez complexe et demande des précautions pour ne pas fausser les résultats !
Plus d’une dizaine de points de résurgences, de Monceau vers l’amont à proximité du pont d’Esneux, de Martin en passant par la Magrée et l’ancien moulin de Plainevaux furent retenus. Le 26 décembre 1997, à chaque points probables, des échantillons témoins furent prélevés et analysés afin d’éviter des erreurs dues à d’éventuels traçages antérieurs.


Le deux janvier 1998, Monsieur Schoonbroodt, injecta 300gr de fluorescéine (C20H12O5) dans la fissure du lit du ruisseau au centre du village ; il était 12h30.
Des capteurs avaient été disposés à tous les points de contrôle et relevés plusieurs fois par jour. Le quatre janvier 1998 à 10h, un capteur s’est révélé positif avec la restitution sans équivoque d’une concentration du produit de 30mg par litre.

Depuis plus de 100 ans, le vallon de Beauregard et le massif de la Roche aux Faucons ont fait l’objet de nombreuses recherches par des géologues et des spéléologues renommés : VAN DEN BOECK, MARTEL, RAHIR en 1910, FOURMARIER et FORIR en 1915, I. DE RADZITZKY en 1948, sans oublier E.DOUDOU en 1903, HOTTERBEEX en 1967 et Maurice BAY, qui en 1968 a réalisé un mémoire remarquable sur l’étude géomorphologique d’un synclinal calcaire en analysant les douves de Beauregard.

C’est E.DOUDOU qui le premier a prouvé (en 1905) la communication entre la douve des Eaux Sauvages (située entre le point de vue de la Roche aux Faucons et la ferme de Nomont) et les résurgences de la grotte du MONCEAU (Face à la grotte Sainte Anne) à TILFF.

En ce qui concerne l’explication et l’origine des deux résurgences du bas de la Roche aux Faucons (au bord de l’Ourthe), tous en sont restés à des explications vagues et lacunaires en supposant des infiltrations du vallon de Beauregard !

Avec l’incident du ruisseau de Plainevaux, nos connaissances se complètent avec une certaine surprise. Le sous-sol du ruisseau de Plainevaux est donc en communication directe avec une des résurgences de… Fèchereux ! (celle qui est la plus proche en aval de la Rosière, 1 sur la carte). La preuve était faite d’une liaison souterraine d’une longueur de 2km à vol d’oiseau et d’une dénivellation d’une centaine de mètres entre ces deux points.

Chantoir de Plainevaux village

Ceci laisse présager d’autres surprises.
Restait à découvrir, me direz-vous, l’origine de la deuxième résurgence !
Depuis le 30 décembre 1999, notre curiosité est satisfaite mais cela est une autre histoire…