0835. Le Bois de la NEUVILLE

R. HERRIN et H. GROSJEAN

« Bedouille » ou le Pont des Cosaques

Vers l’amont du rû du Chèrâ, est un site qui fut longtemps carrefour de transit pour les communautés rurales de Boncelles, Rotheux, la Neuville et Seraing.

Il se localise au point où le val cesse d’être un obstacle conséquent. Le nombre de chemins creux y convergeant et déplacés latéralement quand ils devenaient incommodes, montre la durée d’utilisation de ce croisement.

Surnommé « Bedouille »1 l’endroit illustre les sempiternels tiraillements entre propriétaires de fond et passants.

Au-18ème-siècle Les « voyes » concernées se répartissent comme suit :

1. La voie venant de Seraing arrive du Nord (Chèrâ future VV n°1 Sg). A Bedouille, elle se scinde.en deux :

Liaison Neuville – La drève franchit le rû pour monter le versant rive gauche par un chemin (future VV n°7 N1, dite « vers Bedouille »), en direction de l’aubette qu’on surnommera plus tard Baraque de l’Aigle, Devant l’emplacement de ce pavillon de chasse, elle se partage en deux embranchements (en T) : celui de gauche mène à Rotheux; celui de droite va jusqu’au rond point qui s’appellera « Berceau Madame ». Là, il bifurque 90° à gauche et devient la Drève de l’Hermitage vers le château de la Neuville. Compte tenu de la topographie de l’époque, ce trajet Seraing/Neuville est logique.

Liaison Rotheux – l’autre branche reste rive droite, à l’écart du fond marécageux, jusqu’au confluent des deux ruisselets dont l’union fait le rû du Cherâ (oùl’actuelle route Rotheux/Seraing franchit lerû). Là, elle passe sur la rive gauche qu’elle remonte jusque Rotheux, à la rencontre de la future VV n°6 N1.

2. Un sentier issu de « Haute Rognac » (Neuville) aboutit également à « Bedouille » ainsi que des chemins d’exploitation.

Dans les années 1840 : Afin de préserver les droits de passage coutumiers, sont créés les Atlas des Communications Vicinales. Celles-ci doivent être «imprescriptibles et inaliénables ». Cela provoque évidemment quelques remous. Usagers et propriétaires s’efforcent de confirmer ce qu’ils estiment être leurs droits.

En 1843 La situation à « Bedouille » est la suivante :

1. Un chemin Boncelles/Neuville (VV nOl6 Sg) atteint Bedouille. Il y rejoint la liaison Seraing/Neuville devenue, après le gué, VV n°7 N1. Elle suit toujours le même tracé mais, à l’aubette, reste seul autorisé l’embranchement de gauche. Prolongation de la VV n°7 N1., il conduit à Rotheux. Celui de droite, le plus direct, est privé. Jugez du détour et des infractions probables.

La liaison Seraing/Rotheux (Chèrâ – VV n°1 Sg) voit, après Bedouille, le tronçon rive droite délaissé. Son ancien prolongement après le confluent – la section N1 longeant ensuite la rive gauche du rû jusque Rotheux – n’est pas reprise comme voie vicinale. Sans doute est-elle privée ou déclassée. En principe, ceci contraint l’utilisateur à emprunter la VV n°7 N1., par le pavillon de chasse. Détour également …

2. Le sentier « Haute Rognac/Bedouille », n’étant pas repris comme voie vicinale, est privé.

En 1845 Un projet étonnant – peut-être justifié par les fanges du Chèrâ – préconise la rectification du ruisseau sur toute sa longueur, en trois tronçons absolument rectilignes !!! Sans suite …

Le « Pont des Cosaques » aujourd’hui. Photo E.David

Le 2 février 1854 – donc l’année de son décès – le Comte de Lannoit fait aux copropriétaires de la Vecquée une demande d’achat pour 11 parcelles qui lui permettraient des rectifications facilitant la création d’une route privée à la limite Est de sa propriété. Il s’agissait de la voie empierrée devant aller de Bedouille à Rotheux, entre le rû et la toute récente haie de charmes.

Boncelles, en tant que copropriétaire donne son accord. En abrégé :

… le Conseil Communal approuve la demande de rectification du Comte de Lannoit du ruisseau de Moncherra faisant limite entre les propriétés du Comte et le bois de la Vecquée et qui longe la haie.
A condition que le Comte supporte tous les frais.

Sept parcelles sont finalement cédées. Le coût de leurs arbres et taillis est estimé à 132 frs.

Il n’est pas exclu que le projet cité pour 1845, n’ait eu pour origine une démarche du Comte en vue de faciliter l’implantation de la haie ci-dessus.Entre 1854 et 1867 : Est créé le long de la rive gauche, le chemin en dur, allant de Bedouille à Rotheux et qui, dès le confluent, réutilise l’ancienne voie du Chèrâ. Sans doute est-il destiné à diminuer les passages au centre des Bois de la Neuville, par la

VV n°7 N1.2

En 18733 Est négocié un accord entre commune et propriétaire du fond. Depuis le « Pont des Cosaques », les usagers doivent emprunter cette voie nouvelle le long du cours d’eau.
Convenablement empierrée, elle remplace
– le tronçon de la vieille Voie du Chèrâ disparu rive droite;
– l’utilisation de la VV n°7 N1. par l’aubette.
Au confluent (Ritchèrâ actuel, sur la route), elle reprend donc l’ancienne voie du Chèrâ qui suit la rive gauche jusque Rotheux.

Cette solution restitue aux « navetteurs » Seraing/ Rotheux, à peu de chose près, leur parcours ancestral (Vieille Voie du Chèrâ); atténue pour les trajets Boncelles/Neuville (en dehors du Bois de la Vecquée), le détour aubette/Rotheux; mais supprime ainsi la liaison Seraing/Neuville.

La fameuse haie de charmes entourant depuis peu la Seigneurie de la Neuville, concrétise cet accord. A quelques mètres en retrait, elle garnit le talus Ouest, laissant ainsi aux usagers le nouveau passage tout au long du rû.

Peu après, la grand route Seraing/Rotheux rejoint au confluent (Richèrâ) ce chemin/servitude, dont elle recouvre ensuite le tracé, toujours dans l’intervalle entre rive gauche et haie de charmes.

Le gué d’autrefois amorçant la VV n°7 N1.se situait juste devant ce ponceau.
Quant à celui-ci, il desservait la voie charretière du 19me siècle.

La haie de charmes le long du rû Chèrâ. Photo E.David

1 Ce lieu, du fait de nombreuses sources, est marécageux.
La circulation en faisait évidemment un bourbier. Peut-Être faut-il assimiler « Bedouille » au populaire « Berdouille »?
Un campement de militaires étrangers fut installé en ce point névralgique, et vécut – comme toujours – sur le pays. Nous en conservons ce texte :
« 27 Juillet 1745 – livré au « quand » de Bedouille … » (sur ordre de réquisition).
Le surnom « Pont des Cosaques » est une référence à ce camp militaire qui, sans doute, n’était même pas « cosaque ».

2 Comment jusque 1873, quitte-t-on Bedouille pour la Neuville ?
Au départ du gué encore visible actuellement à côté du ponceau est utilisé un profond chemin creux, prolongation directe de la VV n°7 Nl.(de nos jours, désaffecté depuis longtemps, il est suivi par une source).
Le « Pont des Cosaques » ne pouvait amorcer ce chemin. Tel qu’il est orienté, il dessert la voie charretière longeant la rive gauche. Or cette voie n’existe pas avant 1854. Par contre, elle est relevée en 1867. L’ouvrage date donc des alentours de 1860.

3 Après 20 ans de travaux (coupes, remblais/ déblais, empierrement, pont et tractations) l’accord est légalement concrétisé :
« Par acte passé le 9 décembre 1873 devant le notaire Crousse de la Neuville, l’assiette du chemin vicinal n’7 fut abandonnée au Baron de Tornaco qui céda en contrepartie un nouveau chemin de la Bidouille … »

Extrait de « En parcourant les rues de Seraing » par l’historien R. Crine.