0523. Joseph FILEE raconte NEUVILLE …

Joseph FILEE raconte NEUVILLE …Un siècle d’histoire anecdotique de la Neuville-en-Condroz de 1840 à 1940.

Dessins Renaud BERTRAND
Pour en revenir aux soirées: en été, chacun est dehors, assis sur un banc adossé au mur de la façade qui a été chauffée toute la journée par le soleil et l’on cause jusque bien tard. A l’époque, on est rarement malade et c’est mieux ainsi car nous n’avons pas de médecin ni de pharmacien, encore que le docteur soit autorisé à détenir chez lui toute une série de produits pharmaceutiques qu’il prescrit à ses patients.

Le plus proche médecin habite la Brassine, c’est le Docteur Jacob qui se déplace dans une voiturette attelée d’un cheval. Il y a aussi celui d’Engis, c’est le Docteur Streel mais alors, lui, s’il est vite rentré chez lui par contre pour venir chez nous ça prend du temps…. car il circule à vélo et les 36 tournants il faut les parcourir!! Le plus rapide est celui de Rotheux, le Docteur Souris: il a fait les frais d’une petite moto, une 125 Gillet!

Le 15 août, c’est la fête au village. Il y a de grosses réjouissances. Cela commence par la grand’messe pour ceux qui pratiquent, rehaussée par les chants en latin exécutés par la chorale et aussi quelques cantiques en français.

Cet office est suivi de la procession et quelle procession mes gens!! Et alors là, tout le monde participe car, même s’ils ne croient plus tous à leur curé, tous connaissent bien leur bonne « Notre Dame » et ils n’ont pas oublié que le 27 août 1727, vers les 10 heures du matin, après 5 jours et 5 nuits de prières, elle a obtenu un miracle. En effet c’est à sa demande que l’Enfant Jésus qu’elle tient dans les bras, a permis qu’un autre enfant nouveau-né se réveille de la mort pour recevoir le baptême et entrer ainsi au ciel, quittant les « limbes » comme on disait; c’était l’enfant de Catherine Triplet et de François Depré. Et oui, je suis certain que si on déserte l’église, le soir on récite quelques « ave » en égrenant le chapelet qui garnira les mains de nos défunts.

Alors pour la « Bonne Mère« , on a planté des « mai« , accroché des guirlandes aux murs, semé des pétales de fleurs ou des feuilles d’ache à l’odeur si caractéristique tout autour du reposoir et chacun a mis à sa fenêtre une belle statue flanquée de deux beaux chandeliers en cuivre bien frotté.

Pour la procession, c’est le garde-champêtre en grand uniforme qui ouvre la marche. Il est suivi de la bannière de Saint Georges dont deux acolytes tiennent les cordons qui l’empêchent de tourner. Viennent alors les gamins suivis de la bannière de la Sainte Enfance avec à sa suite la ribambelle des filles de la communion solennelle en robe blanche et qui sont restées toute la semaine en papillotes pour avoir de belles boucles (les indéfrisables, c’est pour les mamans). Après, c’est la statue de la Sainte Vierge portée par 4 jeunes gens relayés régulièrement par d’autres qui portent des stippes pour soutenir la statue aux reposoirs. Ils sont suivis par les grandes filles porteuses de petites bannières, ensuite les dames, la bannière du Sacré Coeur puis celle du Saint Sacrement. Arrivent enfin, les acolytes agitant leurs sonnettes, les thuriféraires balançant leur encensoir (allons, Jean, ne lui fais pas faire un tour complet!). Pour terminer: les hommes et, porté par les notables, le dais entouré des flambeaux en cuivre que les dames, sous l’oeil sévère de Berthe, ont « sidolés » toute la semaine et sous lequel Monsieur le Curé, revêtu d’une chape et d’un huméral cousu d’or, porte le grand ostensoir.

Après les vêpres, c’est la kermesse et le soir, le grand bal à la salle Muraille.

Il y aurait encore bien des choses à raconter, tels la « hirade » du mardi-gras (et n’oubliez surtout pas de sauter par dessus le feu, sinon… gare aux coliques!), les cougnous de la Noël, les galets qu’on s’échange à la nouvelle année, les crêpes de la chandeleur, la procession des Rogations, le tour du village avec les racagnacs « li djou dè blanc djudi èt dè bon vinr’di« , les soirs où l’on « pèletait » l’un ou l’autre, l’inoubliable centenaire de notre indépendance avec tous ses préparatifs,…. et j’en passe.


Les botteresses- Les élèves de l’école de Neuville avec Mr Filée (père) et Mme Orban.

Mais maintenant pour souffler un peu, si vous passiez à la maison boire une bonne « jatte de fris cafè » avec un morceau de « hufnalle » d’Alice? Ainsi, je crois avoir fait le tour du village, mais je suis certain de ne pas vous avoir tout rapporté; aussi, vous les anciennes et les anciens de la Neuville qui m’avez lu jusqu’au bout, courageusement, n’hésitez pas à rajouter les détails qui manquent à mon récit.

Et à votre bonne santé!