Jacques Defays le 12 janvier 2010
Après une première partie de fouilles sur le site du petit moulin de la Réserve Naturelle du Rognac qui avait permis la mise en évidence de deux gros morceaux de meule, nous sommes retournés à deux reprises sur les lieux.
Fin septembre, P. Eloy, E. David et J. Defays ont retiré de la petite mare deux blocs rocheux. Il est apparu que ces blocs ne pouvaient être les morceaux manquant de la meule découverte antérieurement. En effet, la forme et la nature de ces pierres (grès) ne correspondent pas.
A cette occasion, nous avons aussi constaté le fort envasement de la mare et proposé d’y revenir avec des outils appropriés pour en effectuer le curage.
Début novembre lors de la journée de travaux d’entretien de la réserve, nous nous sommes lancés dans cette lourde tâche avec le renfort de Ph. Lucas (conservateur) et J. Nelissen. Le canal d’alimentation a été provisoirement obturé en amont et une tranchée d’évacuation fut creusée en aval pour rejoindre le cours du ruisseau. Malgré cela, impossible de mettre la mare à sec. Nous nous sommes rendu compte que le bassin continuait à être alimenté par des sources sourdant du talus. Dans le temps disponible, une grosse partie des boues furent néanmoins remontées sur les berges, laissant pour une opération ultérieure l’achèvement du curage après l’hiver.
En remontant à la bergerie, nous fûmes accueillis par madame Deflandre qui nous régala d’un excellent café et nous appris que la petite mare fut creusée à l’origine de la Réserve naturelle et n’était pas un vestige lié au petit moulin. Cette information nous fut aussi confirmée par une lettre documentée de monsieur Herrin qui connu les lieux en ces temps-la.
Nous continuons la recherche de documents sur ce moulin et les introspections sur le site.
Fin 2009, monsieur Herrin dans son courrier nous apporte les informations suivantes :
« avant 1945 – bien avant une dérivation récente, rive droite – le tronçon de ruisseau depuis le petit pont du Grand Moulin Jusqu’au confluent avec le bief inférieur était, l’été, recouvert densément de pétasites» Les galopins du village – dont j’étais – pouvaient circuler dans l’eau de ce tronçon en restant totalement invisibles pour les occupants du moulin.
Le tronçon équivalent du bief Inférieur était lui, devenu une roseraie.
A hauteur de l’ancienne implantation du Petit Moulin, un matelas épais et isolant de terre glaise, empêchait les infiltrations vers le bâtiment, en faisant office de berge.
Le jardin du Petit moulin, entre bief et ruisseau, était devenu une prairie dans laquelle gisaient les morceaux de meule que vous décrivez.
Cette parcelle fut plantée en frênes par l’industriel qui massacrait alors le Bois de la Neuville et qui réalisa – fort mal – le barrage du Pont Madame en 1948. A cette occasion, il créa un bassin de décantation par un petit barrage en planches de chêne (il n’en manquait pas hélas) quelques mètres en amont du confluent bief/ruisseau.
La petite mare de 35 mètres carrés fut dégagée vers 1980 par l’illustrateur naturaliste Hubert GrosJean dans le cadre d’un programme de création de plans d’eau sains destinés à compenser l’influence du ruisseau gravement pollué. Ces pièces d’eau impeccables (bief inférieur compris) n’étaient alimentées que par des eaux de sources dont celle du Grand Moulin. L’explosion de vie fut remarquable.
Hubert fut aussi le dernier naturaliste local à avoir œuvré à la restauration du Rognac (jusque 1984). »
Auteur, en collaboration avec monsieur Grosjean, d’une étude très fouillée sur l’histoire « Des trois Seigneuries » monsieur Herrin nous rappelle, qu’il avait traité le sujet . En voici quelques extraits :
« Le secteur de foret concerné n’est autre que le Sud du Bois de Rognac/Ivoz, au-delà de la ferme du Champ des Bures. Il a peu changé depuis le 18e s. Le défrichement de quelques terrains de lisière l’a simplement aminci. En revanche la prairie alluviale a été boisée en 1948.
Sous l’ancien régime, les événements qui marquèrent particulièrement ce secteur furent, selon une chronologie à déterminer, la répartition du vallon entre l’Abbaye du VSL d’une part (aval) – elle y ouvrira des chemins et des carrières sur les versants – et d’autre part la Seigneurie de la Neuville (amont). Elle allait y déboiser la plaine alluviale du fond du val à l’intention de sa meunerie.
Durant des siècles, celle-ci fonctionna uniquement avec le moulin médiéval (futur Petit Moulin). Au 18e s. enfin, fut érigé le Grand Moulin. Les deux unités travaillèrent ensembles, sous les mêmes meuniers, quelques décennies. Mais finalement, seul le Grand Moulin demeura actif.
La meunerie avec ses biez, cascades, vennes et vannes, étangs de réserve ajoutés aux sources, fut à l’origine d’un enchevêtrement d’eaux vives qui, en ces lieux humides, favorisaient faune et flore hydrophiles.
De rares documents évoquent cette période faste, sans malheureusement décrire assez le milieu :
1431
« 15 octobre … journal ou environ de bois, situé au lieu dit à heis du moulin … »
1437
« … un tirchaul journal de bois contigu au bois du moulin … »
1566
« … grains fait par Johan le meunier De Villencours en faveur de Loijs Goffart … »
Loijs Goffart du Moulin de la Neuville est toujours là en 1568. Il fut sans doute un des meuniers. Deux siècles plus tard, les textes suivants ne citent que le Grand Moulin. Le Petit Moulin vient donc d’être désaffecté.
Avant 1774, les – Grand Moulin et Petit Moulin – se trouvent sous la gestion du même meunier : Jean Pironet , après cette date c’est Henri Troquay après.
1747
«Stuite (bail) des deux moulins de la Neufville en faveur de Jean Pironet
« Maij le 9me jour…comparurent très noble et très illustre dame Madame Anne Florence Baronne de Warnant, née comtesse d’Oultremont, Dame douairière de la Neufville en Condros d’une part et Jean Pironet meunier manant de ce lieu d’autre part…(concernant) … les deux Moulins, preiz, terres, Haijes, jardin… Pironet deverat entretenir… les pierres desdis deux moulins… et autres ustensiles …deverat encore paijer à raison de la prairie Lucas…ledit Pironet serat obligé d’entretenir les bije et ventoz… »
1772
« …29 janvier … payé a nicolas blanche pour avoir ramoné les cheminées du château … et du moulin … »
« … 28 avril … payé a nicolas blanche pour avoir ramoné … moulin … »
« … 28 juillet … payé a nicolas blanche …ramoné … moulin … »
« … 28 octobre … payé a nicolas blanche …ramoné … moulin … »
1773
« … 12 janvier … payé a nicolas blanche … ramoné… moulin … »
A noter la fréquence des ramonages : tous les 3 mois. Remarquer le nom du ramoneur.
1776
« … 24 aoust … payé au moulin de la Neufville pour 9 quartrons d oeux .. »
L’extrémité Sud de la « Pointe boisée du Rognac au début du 19e s.
En1804
En « Basse Rognac » se voit le « Chemin de la Neuville à Rognac »(future VV n°10). A proximité, on aperçoit la fermette d’Henri Petit (Amon Cologne) devenue maintenant local de réserve naturelle. En face, la fontaine Petit. Au centre, le Petit Moulin dans sa prairie, entre biez et ruisseau.
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